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9 Juillet 2020

Cinq plus tard, l'impunité pour la répression "des 709" persiste

Au cours des cinq années qui ont suivi la répression "des 709",  coordonnée à l'échelle nationale contre les avocats et les défenseur-ses des droits humains en Chine, les violations à leur encontre ont continué sans relâche et en toute impunité. Front Line Defenders appelle les autorités chinoises à libérer immédiatement et sans condition tous les défenseur-ses des droits humains détenus ou emprisonnés, à mettre fin à toutes formes d'acharnement judiciaire et extralégal à leur encontre et à leur accorder réparation pour la détention arbitraire et les autres violations des droits qu'eux-mêmes et leur famille ont subies.

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Depuis le 9 juillet 2015, pas moins de 300 défenseur-ses des droits humains, principalement impliqués dans le militantisme juridique, ont été arrêtés pour être interrogés par la police dans plusieurs villes de Chine. Alors que nombre d'entre eux ont été libérés peu de temps après, plusieurs ont été détenus pendant de plus longues périodes et leurs familles et avocats n'ont pas été informés de l'endroit où ils se trouvaient ni de leur bien-être physique. Pratiquement tous se sont vu refuser l'accès à leurs avocats, et certains représentants légaux ont appris que cela était dû au fait que le cas de leur client était une affaire de "sécurité nationale".

Certains des défenseur-ses détenus, tels que Zhou Shifeng (周世锋) et Wang Quanzhang (王全璋), ont finalement été poursuivis et condamnés à des peines de prison lors de procès inéquitables basés sur de fausses accusations. D'autres ont été libérés sous caution après de longues périodes de détention au secret, au cours desquelles ils ont été soumis à des interrogatoires intenses, à des mauvais traitements et / ou à des "aveux" forcés à la télévision, comme dans le cas de l'avocate Wang Yu (王宇).

Depuis 2015, les mesures judiciaires et extralégales utilisées lors de la répression des 709 se sont poursuivies et sont devenues plus répandues et systématiques, ciblant non seulement les avocats en droits humains, mais aussi les défenseur-ses du droit du travail, les journalistes citoyens, les travailleurs des ONG, les pétitionnaires et les minorités ethniques, en particulier au Xinjiang. Ces mesures incluent :

  • L'introduction de lois et règlements répressifs qui accordent des pouvoirs supplémentaires illimités aux autorités de l'État pour restreindre l'espace civique, limite la liberté d'Internet et punit les défenseur-ses des droits humains pour leurs actions légitimes et leurs discours, en ligne et hors ligne. Il s'agit notamment de la loi sur la sécurité nationale (2015), de la loi contre le terrorisme (2016), de la loi sur la gestion des ONG à l'étranger (2017), de la loi sur la cybersécurité (2017), ainsi que des modifications apportées entre 2016 et 2018 aux mesures sur l'administration des cabinets d'avocats et des mesures administratives relatives à l'exercice du droit par les avocats, des dispositions sur la gouvernance de l'écosystème du contenu de l'information en ligne (2020), ainsi que la dernière loi sur la sécurité nationale imposée à Hong Kong il y a une semaine.
  • Le refus de laisser l'accès à un avocat de choix est devenu courant, souvent pour des raisons de "sécurité nationale". Les défenseur-ses détenus ou leur famille sont souvent contraints de licencier leurs avocats et d'accepter des avocats commis d'office.
  • La tenue de procès secrets, comme dans les affaires des avocats Jiang Tianyong et Yu Wensheng (余文生).
  • La surveillance et le harcèlement des familles ou des personnes qui soutiennent les défenseur-ses détenus.
  • Le refus d'accès à des soins médicaux adéquats dans les centres de détention, ce qui a contribué au décès de plusieurs défenseur-ses, dont Liu Xiaobo (刘晓波) et Ji Sizun (纪 斯 尊). L'avocate en droits humains Li Yuhan (李昱 函) a vu sa demande de libération conditionnelle pour raison médicale refusée en avril 2019, malgré la détérioration de son état de santé depuis sa détention en octobre 2017.
  • Les autorités chinoises ont fait pression sur les entreprises technologiques étrangères pour qu'elles censurent le contenu, suspendent les utilisateurs ou empêchent les utilisateurs basés en Chine d'accéder aux outils de contournement dans les magasins d'applications en ligne. La police a fait pression et menacé des défenseur-ses basés en Chine continentale afin qu'ils suppriment des publications sur Twitter.
  • Des avocats en droits humains ont été radiés du Barreau, ont été empêchés de renouveler leur licence ou empêchés d'être embauchés par des cabinets d'avocats après l'intervention des parquets locaux. D'autres défenseur-ses sont plongés dans la misère lorsqu'ils ne parviennent plus à obtenir ou conserver un emploi ou un revenu en raison du harcèlement fréquent mené par les autorités locales.
  • Des restrictions de voyage ont été imposées à un certain nombre d'avocats et de défenseur-ses des droits humains, dont beaucoup n'étaient informés de ces restrictions qu'une fois à l'aéroport ou à un poste frontière. La police justifie ces restrictions en utilisant des justifications vagues relatives à la "sécurité nationale", sans fournir de détails spécifiques.
  • Il y a eu une augmentation de l'utilisation de la "résidence surveillée dans un lieu désigné" (RSDL), une mesure qui, en vertu du Code de procédure pénale chinois, permet aux agents de la sécurité publique locale de détenir des défenseur-ses des droits humains accusés de "mettre en danger la sécurité nationale" dans des endroits non divulgués jusqu'à à six mois.
  • Dans les cas où les défenseur-ses font l'objet de poursuites pénales, chaque étape de la procédure judiciaire est souvent prolongée. Les prolongations des délais de détention pénale, des examens des poursuites, des convocations des procès et des décisions des verdicts sont systématiquement approuvées, ce qui oblige les détenus à attendre une longue période entre leur arrestation et l'obtention d'un verdict. Par exemple, la défenseuse des droits humains Liu Yanli (刘艳丽) a été placée en résidence surveillée pendant près de six mois avant d'être officiellement arrêtée fin 2018 ; elle n'a été jugée que fin janvier 2019 et condamnée 15 mois plus tard en avril 2020.
  • Les défenseur-ses libérés ou incarcérés après avoir purgé leur peine sont soit soumis à une surveillance stricte, soit disparus de force.

Entre 1993 et 2019, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a conclu que la Chine avait violé ses obligations internationales en matière de droits humains dans au moins 94 affaires, dont 20 entre 2015 et 2019. La majorité de ces affaires impliquent des défenseur-ses des droits humains. Le Groupe de travail a averti la Chine à plusieurs reprises que "l'emprisonnement généralisé ou systématique ou toute autre privation grave de liberté en violation des règles du droit international peut constituer un crime contre l'humanité". Front Line Defenders n'a connaissance d'aucun responsable chinois ayant dû rendre des comptes pour ces violations.

Les acteurs de la société civile en Chine demandent inlassablement à leur gouvernement de protéger l'espace civique, de réformer les lois répressives, de tenir les dignitaires abusifs responsables de leurs actes et de garantir un accès légitime aux réparations. Front Line Defenders soutient et relaie ces appels. Cependant, le gouvernement chinois n'en tient pas compte.

La tendance du gouvernement chinois à réprimer le travail en faveur des droits humains et les expressions légitimes des préoccupations concernant les lacunes du gouvernement a été tragiquement illustrée aux premiers stades critiques de l'épidémie de COVID-19 à Wuhan. La police a intimidé et réduit au silence les médecins lanceurs d'alerte ; l'un d'entre eux est décédé plus tard du virus dont il avait tenté d'avertir d'autres médecins.

Compte-tenu du refus de la Chine de respecter et de protéger les défenseur-ses des droits humains, Front Line Defenders appelle la communauté internationale à prendre des mesures décisives et urgentes en :

  • Convoquant une session extraordinaire du Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies (CDH) cette année, pour lutter contre les violations généralisées et systématiques des droits en Chine, y compris les représailles contre les défenseur-ses des droits humains ; et
  • En mettant en place une coalition visant à soutenir la création d'un mécanisme des Nations Unies impartial et indépendant - tel qu'un Rapporteur spécial des Nations Unies, un Groupe d'experts nommé par le CDH ou un Envoyé spécial du Secrétaire général - mandaté pour "suivre de près, analyser et faire un rapport chaque année sur la situation des droits humains en Chine"