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14 Mars 2024

Déclaration commune à l'occasion du dixième anniversaire des « représailles meurtrières » contre l'activiste chinoise Cao Shunli 

Aujourd'hui, nous rendons hommage à Cao Shunli et à tous les défenseur⸱ses des droits humains pris pour cible par le gouvernement chinois en raison de leur engagement à respecter la promesse de la Déclaration universelle des droits de l'homme. 

Cao Shunli (曹顺利) était une courageuse avocate et défenseuse des droits humains chinoise. En collaboration avec d'autres militants, Cao documentait les abus, notamment le système de détention extrajudiciaire de « rééducation par le travail », aujourd'hui aboli, auquel elle a également été soumise en raison de ses activités en faveur des droits humains. Elle militait pour que la société civile indépendante soit consultée de manière significative et puisse contribuer aux rapports nationaux du gouvernement chinois dans le cadre des premier et deuxième Examens périodiques universels (EPU). Pour tenter de parler de l'EPU avec des représentants du gouvernement, Cao a courageusement organisé, avec d'autres citoyens concernés, des sit-in pacifiques devant le ministère des affaires étrangères, en dépit des risques importants qu'ils encouraient. Elle a également soumis à l'ONU des informations sur les détentions extralégales et la torture en Chine et elle espérait que « si nous pouvions faire figurer ne serait-ce que 100 mots » dans un rapport de l'ONU, « beaucoup de nos problèmes pourraient commencer à être abordés ».

Les autorités chinoises ont arrêté Cao le 14 septembre 2013 à l'aéroport international de Pékin alors qu'elle se rendait à Genève pour participer à une formation sur les droits humains, un mois avant le deuxième EPU de la Chine. Cao a disparu de force pendant cinq semaines, jusqu'à ce qu'elle réapparaisse en détention criminelle et soit accusée d’avoir « provoqué des querelles et des troubles ». Dès octobre 2013, il était clair que Cao Shunli souffrait de graves problèmes médicaux pendant sa détention. Pendant des mois elle s’est vu refuser un traitement médical adéquat, les appels de ses avocats pour une libération sous caution pour des raisons humanitaires ont été rejetés, et malgré les nombreux appels de la communauté internationale pour sa libération urgente, Cao est décédée d'une défaillance de plusieurs organes le 14 mars 2014 dans un hôpital placé sous haute surveillance policière pour empêcher l’accès à ses avocats et à ses amis.

Cao était l'une des finalistes 2014 du prestigieux prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits humains.

À ce jour, personne n’a été tenu responsable de la mort de Cao Shunli. Le gouvernement chinois refuse de reconnaître ses torts, malgré les appels répétés, en 2014 et en 2019, des experts des procédures spéciales de l'ONU en faveur d'une enquête approfondie sur ces « représailles meurtrières ». 

Son cas est l'un des plus anciens non résolus dans les rapports annuels du Secrétaire général des Nations Unies sur les représailles contre les acteurs de la société civile pour leur engagement auprès des Nations Unies. La Chine est l'un des auteurs de représailles les plus constants dans le temps, et l'un des auteurs les plus flagrants en termes de nombre de personnes ciblées. 

Cao n'est pas seule : son courage, mais aussi les abus qu'elle a subis, sont malheureusement ceux d'autres défenseur⸱ses des droits humains qui ont payé le prix fort pour avoir coopéré avec les Nations Unies. Sa proche collègue, Chen Jianfang, a disparu de force sous surveillance résidentielle dans un lieu désigné (RSLD) les 19 et 20 mars 2019, après avoir rendu hommage à Cao Shunli à l'occasion du cinquième anniversaire de sa mort. Chen a été condamnée a quatre ans et six mois de prison pour « incitation à la subversion du pouvoir de l'État » et a quitté la prison le 21 octobre 2023 avant d’être placée sous surveillance stricte par les autorités. Les experts de l'ONU ont évoqué avec le gouvernement chinois les actes de représailles à l'encontre de Chen Jianfang, mais aussi de Jiang Tianyong, Li Qiaochu, Dolkun Isa, Li Wenzu et Wang Qiaoling, entre autres. Les cas récents d'intimidation et de harcèlement à l'encontre d'ONG participant au 4e EPU de la Chine en janvier 2024 soulignent encore la gravité de la situation.

Li Qiaochu, Xu Zhiyong, Ding Jiaxi, Yu Wensheng, Xu Yan, Huang Xueqin, Li Yuhan, Chang Weiping : de nombreux autres défenseur⸱ses des droits humains sont aujourd'hui détenus, ont disparus et sont gravement menacés pour avoir défendu la promesse de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Ces actes documentés ne tiennent pas compte de l'autocensure encore plus grande et du refus de s'engager avec les Nations unies en raison d'un climat de peur généralisé

Le 14 mars 2024 marquera le dixième anniversaire de la mort de Cao Shunli. Il y a dix ans, lorsque l'ISHR et de nombreux autres groupes de défense des droits humains ont voulu observer une minute de silence au Conseil des droits de l'homme en sa mémoire, la délégation chinoise, ainsi que d'autres délégations, ont perturbé la session pendant une heure et demie.

Cao Shunli est un cas paradigmatique de représailles, non seulement en raison de sa notoriété, mais aussi en raison de l'ensemble des graves violations dont elle a été victime et qui ont été commises en toute impunité. Cela va de l'interdiction par les autorités chinoises de sortir de son propre pays, à la disparition forcée, la détention arbitraire, l'absence de procédure régulière, la torture ou les mauvais traitements et le refus de soins médicaux adéquats, jusqu'au décès qui s’en est suivi en détention, en passant par l'absence d'obligation de rendre des comptes pour ces exactions. L'absence de progrès en matière d'obligation de rendre des comptes souligne la nécessité urgente de maintenir l'attention et la pression de la communauté internationale sur le gouvernement chinois afin que justice soit rendue à Cao et à tous les défenseur⸱ses des droits humains persécutés en raison de leur travail.

Avant sa mort, Cao Shunli a dit : « Notre impact peut être important, faible ou nul. Mais nous devons essayer. C'est notre devoir envers les dépossédés et c'est le droit de la société civile ».

Aujourd'hui, nous rendons hommage à l'héritage de Cao Shunli, qui a inspiré d'innombrables défenseur⸱ses des droits humains en Chine et à l'étranger. Nous demandons instamment aux États membres des Nations unies d'exiger une enquête approfondie, indépendante et impartiale sur sa mort. Nous réaffirmons qu'aucun auteur de représailles, aussi puissant soit-il, n'est au-dessus de tout soupçon et que les représailles sont fondamentalement incompatibles avec les valeurs des Nations Unies et de la Déclaration universelle des droits de l'homme. 

 

Signataires : 

  1. Art for Human Rights
  2. ARTICLE 19
  3. Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA)
  4. Asian Lawyers Network (ALN)
  5. Campaign for Uyghurs
  6. CIVICUS: World Alliance for Citizen Participation
  7. CSW (Christian Solidarity Worldwide)
  8. Front Line Defenders
  9. HK Labour Rights Monitor
  10. Hong Kong Centre for Human Rights
  11. Hong Kong Democracy Council (HKDC)
  12. Hong Kong Watch
  13. Human Rights in China
  14. Humanitarian China
  15. Humanitarian China
  16. International Bar Association’s Human Rights Institute (IBAHRI)
  17. International Campaign for Tibet
  18. International Federation for Human Rights (FIDH), within the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders
  19. International Service for Human Rights
  20. International Tibet Network
  21. Lawyers’ Rights Watch Canada
  22. Martin Ennals Foundation
  23. Network of Chinese Human Rights Defenders (CHRD)
  24. PEN International
  25. Safeguard Defenders
  26. The 29 Principles
  27. The Rights Practice
  28. Tibet Justice Center
  29. Uyghur Human Rights Project
  30. World Organisation Against Torture (OMCT), within the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders
  31. World Uyghur Congress