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5 Mai 2023

Lettre ouverte publique : L’examen de la stratégie de l’UE devrait redoubler d’efforts en faveur des droits de l’homme en Chine

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Monsieur le Haut représentant Borrell, Mesdames et Messieurs les Ministres des Affaires étrangères,

En prévision de la réunion informelle « Gymnich » des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne (UE) le 12 mai, nos organisations exhortent l’UE et ses États membres à veiller à ce que leur examen et leur réévaluation des Perspectives stratégiques UE-Chine de mars 2019 aboutissent à des résultats concrets, des actions stratégiques et renforcées en faveur des droits humains en Chine.

À la veille du dialogue UE-Chine sur les droits humains en mars 2023, nos organisations ont appelé l’UE et ses États membres à prioriser des résultats solides et concrets dans tous les domaines de leurs relations avec la Chine et à suspendre le dialogue UE-Chine sur les droits humains jusqu’à ce qu’il puisse y avoir un échange significatif et efficace. Depuis l’adoption de la stratégie de 2019, nos préoccupations sont d’autant plus urgentes. En août 2022, un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a conclu que le traitement que la Chine réserve aux Ouïghours et à d’autres groupes à prédominance musulmane « peut constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité ».

Au cours des derniers mois, des experts des Nations Unies — dont le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU (CESCR) — ont exprimé leurs préoccupations au sujet d’une « campagne à grande échelle pour éradiquer la culture et la langue tibétaines », notamment le système de pensionnat forcé imposé aux enfants tibétains ainsi que la réinstallation non volontaire des bergers nomades, en particulier des bergers tibétains. Dans les deux cas, le CESCR a exhorté la Chine à prendre des mesures immédiates pour abolir ces écoles et mettre fin aux programmes de réinstallation, de relocalisation ou de relogement non volontaires. En outre, le Comité du CESCR a soulevé dans ses observations finales la question de la « privation arbitraire de liberté à grande échelle » dans les établissements de détention, dans lesquels les Ouïghours et les Turciques seraient soumis au travail forcé et à d’autres traitements inhumains et ont appelé à la fin immédiate de tous les systèmes de travail forcé présents dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, y compris le transfert de la main-d’œuvre hors de la région.

Dans le même temps, les défenseur⸱ses des droits humains, les militants et les personnes perçues comme critiques à l’encontre du gouvernement chinois continuent de faire face à une répression croissante. Ces dernières semaines, le 10 avril, les autorités chinoises ont condamné le juriste Xu Zhiyong et l’avocat en droits humains Ding Jiaxi respectivement à 14 et 12 ans de prison. Elles ont également arrêté l’avocat Yu Wensheng et son épouse Xu Yan alors qu’ils se rendaient à une réunion à la délégation de l’UE à Pékin le 14 avril. Le même jour, les avocats Wang Quanzhang, Wang Yu et Bao Longjun ont également été assignés à résidence. Ces événements graves se sont déroulés dans le contexte d’une série de visites de haut niveau de dirigeants de l’UE et des États membres et d’une discussion plénière du Parlement européen avec le haut représentant pour les relations UE-Chine. Pourtant, il y a eu peu de réactions publiques dans l’UE.

Selon les Perspectives stratégiques UE-Chine, « la capacité de l’UE et de la Chine à s’engager efficacement dans le domaine des droits humains sera une mesure importante de la qualité des relations bilatérales ». Comme l’a souligné la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, la Chine « devient plus répressive au niveau domestique et plus affirmée à l’étranger ». L’UE ne peut espérer construire un partenariat géopolitique plus fiable avec la Chine si elle ne répond pas aux préoccupations fondamentales en matière de droits humains. La prochaine réunion de Gymnich et du Conseil européen en juin 2023 sera une occasion cruciale pour faire en sorte que l’approche de l’UE dans ses relations avec la Chine redouble d’action pour répondre à la crise des droits humains dans le pays.

Dans cet esprit, l’UE et ses États membres devraient s’appuyer sur les Perspectives stratégiques UE-Chine et s’engager à :

Réévaluer l’« Action 1 » 1 de sa stratégie sur la Chine pour s’assurer que les efforts de l’UE visent à traiter et à améliorer le bilan de la Chine en matière de droits humains. Compte tenu de la détérioration de la situation des droits humains dans le pays, du rôle et de la responsabilité croissants de la Chine à l’échelle mondiale et de son influence active pour modifier les normes internationales en matière de droits humains, la stratégie de l’UE devrait remettre en question le potentiel de coopération de bonne foi de la Chine, réfléchir sérieusement à comment une coopération non critique peut risquer de légitimer le modèle autoritaire de la Chine, et rassembler des informations objectives pour contrer les discours chinois qui minent les institutions et les normes internationales en matière de droits humains.

Utiliser tous les instruments à sa disposition pour répondre de toute urgence aux violations des droits humains dans leurs rapports avec les responsables du gouvernement chinois et les entités responsables de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques abusives, en particulier à Hong Kong, au Tibet, au Xinjiang/dans la région ouïghoure et en Mongolie intérieure, et contre les critiques pacifiques et les défenseur⸱ses des droits humains. L’UE devrait faire le point sur l’absence d’engagement réel de la Chine à l’égard des droits humains au cours du récent dialogue sur les droits de l’homme et indiquer clairement qu’un tel dialogue ne peut être qu’une partie d’une stratégie plus vaste qui intègre jusqu’au plus haut niveau les actions en faveur des droits humains dans tous les domaines des relations UE-Chine. L’UE devrait donner suite au rapport du HCDH sur le Xinjiang en poussant à la création d’un mécanisme d’enquête et de suivi des Nations unies.

Viser des résultats concrets en s’engageant sur la Chine en établissant des repères mesurables et livrables pour le changement dans le domaine des droits humains dans le pays, y compris la libération immédiate et inconditionnelle des défenseur·ses des droits humains et avocats détenus et de toute autre personne privée de sa liberté d’exercer ses droits humains.

Nous vous remercions à l’avance de votre action en faveur des droits humains en Chine et nous sommes prêts à vous fournir toute information supplémentaire dont vous pourriez avoir besoin.

Nous vous prions d’agréer l’expression de notre haute considération

Amnesty International

Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH)

Front Line Defenders

Human Rights Watch

International Campaign for Tibet

International Service for Human Rights

Unrepresented Nations and Peoples Organization

World Uyghur Congress

1 ‘Action 1 : L’UE renforcera sa coopération avec la Chine pour assumer des responsabilités communes pour les trois piliers des Nations Unies — Droits de l’homme, Paix et Sécurité, et Développement.’ https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:52019JC0005