Back to top
12 Avril 2023

Après une visite conjointe au Chiapas, des organisations internationales de défense des droits humains expriment leurs préoccupations concernant le contexte de risque pour les défenseur·ses autochtones dans l’État

Mexico City and Dublin, 12 April 2023

Mexico City et Dublin, 12 avril 2023

Au cours de la semaine du 27 au 31 mars 2023, Indigenous Peoples Rights International (IPRI) et Front Line Defenders ont effectué une visite conjointe dans l’État du Chiapas dans le but de documenter le contexte de risque et de violence vécu par les défenseur·ses autochtones, organisations et communautés dans cet État. Nous avons rencontré 30 défenseur·ses et leaders autochtones liés à 12 affaires de défenseur·ses des droits humains et processus communautaires qui font face à des risques dus à leur travail en faveur des droits humains. Il s’agit notamment des peuples Tseltal, Tsotsil et Ch’ol dans les municipalités de Palenque, Tila, Chilón, Chenalhó, Ocosingo, Simojovel, San Cristóbal, San Juan Cancuc, Aldama et Chicomuselo. Au cours de ces réunions, nous avons été mis au courant d’une nouvelle vague de violence contre les défenseur·ses et les communautés autochtones Ch’oles, Tsotsiles et Tseltales, ainsi que des diverses préoccupations concernant l’impunité qui accompagne cette situation.

En plus des réunions et des entretiens avec les organisations locales, nationales et internationales de la société civile basées au Chiapas, nous avons organisé deux réunions avec les autorités gouvernementales : l’une avec la Directrice des droits de l’homme du Secrétariat général du gouvernement, Marisol Gómez Hernández, et l’autre avec le parquet général, représenté par le Dr. Manuel de Jesus Corado de Paz, Directeur de l’attention aux victimes, et le Dr. Pedro Sergio Becerra Toledo, Directeur de la protection des journalistes et des défenseurs des droits humains.

Voici les principales conclusions des deux organisations suite à cette visite :

Nous avons identifié un modèle clair de criminalisation contre les défenseur·ses autochtones qui travaillent sur la défense de l’environnement, du territoire, de l’autonomie et de l’autodétermination de leurs communautés. Cette tendance est évidente dans le nombre croissant de cas, la fabrication de crimes et les violations de l’application régulière de la loi avec un impact fort sur l’organisation communautaire et la lutte pour les droits collectifs. Nous l’avons observé dans des cas comme celui de Cristóbal Santiz d’Aldama et du Père Marcelo Pérez à San Cristóbal.

Dans le contexte actuel de criminalisation des défenseur·ses et des communautés, il existe un modèle défini de criminalisation contre celles et ceux qui s’opposent à la militarisation de leurs communautés et dans le cadre de leur lutte pour la défense de leurs droits collectifs. On constate cette tendance dans les affaires de Manuel Santiz Cruz de la communauté de San Juan Cancuc, de César Hernández et José Luis Gutiérrez de l’ejido de San Sebastián Bachajón à Chilón (qui attendent leur prochaine audience le 24 avril), Cristóbal Santiz d’Aldama, et dans le cas des récentes enquêtes contre les défenseur·ses de la communauté de Taniperla à Ocosingo.

Nous observons l’absence de solutions durables pour les conflits agraires et territoriaux dans les communautés, ce qui représente un risque élevé pour les défenseur⸱ses des droits humains et perpétue la décomposition du tissu social des communautés. Cela est aggravé par l’actuelle dépossession des terres dans le contexte de la militarisation de la région, le conflit pour le contrôle territorial, et l’imposition d’activités économiques par les groupes du crime organisé.

Il y a une situation délicate provoquée par l’absence d’interventions opportunes de la part des autorités de l’État face aux menaces et aux risques auxquels sont confrontés les défenseur·ses des communautés indigènes au Chiapas. Bien que les défenseur·ses en danger aient signalé et/ou dénoncé de graves menaces et attaques, les autorités ne sont pas intervenues avant que bon nombre de ces menaces et attaques ne conduisent à des cas de graves atteintes des droits humains, telles que le meurtre du défenseur Simón Pedro Pérez, ancien président du conseil d’administration de Las Abejas de Acteal ; la situation des cinq familles déplacées de Nueva Palestina, dans la municipalité d’Ocosingo, à la suite d’une série de graves violations. Ces violations comprennent la disparition, la tentative d’homicide, la torture sexuelle, les blessures, l’incendie et la destruction de leurs biens, ce qui a entraîné le déplacement de 25 personnes, y compris des enfants et des adolescents ; ainsi que la violence physique, le harcèlement et les menaces de mort contre la défenseure tsotsil Pascuala López López de l’ejido Pinar Cuxtitalli, à San Cristóbal de Las Casas.

Nous reconnaissons avec inquiétude que les défenseur⸱ses et leurs communautés accomplissent leur travail en faveur des droits humains dans un contexte de prolifération et de diversification des groupes armés, qui a aggravé une situation déjà complexe héritée du contexte paramilitaire des années 1990 et de l’impunité continue liée à ce phénomène.

Nous avons recueilli des témoignages importants qui montrent l’existence de liens entre les autorités étatiques et municipales et le crime organisé, ce qui génère des conditions favorables à l’impunité. À cette crise s’ajoute ce que nous identifions comme un schéma de retard et de report des audiences dans les affaires liées aux défenseur⸱ses des droits humains, aussi bien dans les procédures visant à leur rendre justice, comme pour l’assassinat du défenseur Simón Pedro Pérez López, ou dans le processus de criminalisation des défenseur⸱ses, comme pour Manuel Santiz Cruz de la communauté de San Juan Cancuc.

Enfin, nous avons constaté au sein des institutions gouvernementales étatiques un manque de reconnaissance du travail des défenseur⸱ses des droits humains et des communautés autochtones. Cela est particulièrement clair dans la sentence prononcée le 31 mars concernant l’assassinat du défenseur des droits humains Simón Pedro, où son travail en faveur des des droits humains n’a jamais été pris en compte lors de l’enquête ou ni envisagé comme mobile. Le manque de reconnaissance du travail des défenseur⸱ses des droits humains et le risque qui en résulte s’ajoutent au contexte de stigmatisation et aux campagnes de diffamation à l’encontre des défenseur·ses, comme pour le Père Marcelo Perez Perez.

Front Line Defenders

Indigenous Peoples Rights – International-IPRI

Contact :

Sandra Patargo. Coordinatrice de protection de Front Line Defenders pour les Amériques

+55 11 98823-4620

sandra@frontlinedefenders.org

Citlalli Hernández Saad, Coordinateur national d’Indigenous Peoples Rights- International-IPRI

+52 1 614 130 6883

mexico.ipri@iprights.org