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18 Février 2021

Lettre ouverte : Une approche de la politique USA-Chine centrée sur les droits humains

Monsieur le Président Biden,

 

Au nom de 24 organisations et personnes qui œuvrent pour l’amélioration du respect des droits humains en Chine, nous vous écrivons pour exhorter votre administration à faire des droits humains une priorité de la politique américano-chinoise. Nous croyons comprendre que la nouvelle administration est en train de revoir son approche à l’égard de la Chine, et nous prenons note et apprécions vos remarques et celles d’autres hauts fonctionnaires, notamment le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan et le secrétaire d’État Antony Blinken, qui reflètent la gravité des violations des droits humains infligées par le gouvernement chinois à Hong Kong et dans la région ouïghoure du Xinjiang. Nous apprécions également votre condamnation du racisme contre les personnes d’ascendance asiatique aux États-Unis.

La portée et l’ampleur des violations des droits humains commises par le gouvernement chinois à l’intérieur et à l’extérieur du pays nécessitent un changement fondamental ; de nombreux outils précédemment utilisés ne sont plus pertinents ou suffisamment robustes. Nous saluons les déclarations de plusieurs hauts fonctionnaires selon lesquelles le gouvernement américain tiendra le gouvernement chinois « responsable de ses atteintes contre le système international » et le fait que les États-Unis imposeront des sanctions pour les violations graves.

Pour démontrer que les États-Unis relèveront ce défi, nous vous demandons instamment, à vous et à votre administration, de prendre les mesures suivantes :

  • Faire des droits humains une priorité de la politique avec la Chine. L’escalade et les abus flagrants du gouvernement chinois devraient être l’un des sujets de discussion prioritaires avec le président Xi Jinping et d’autres dignitaires chinois, et vos déclarations publiques, ainsi que celles d’autres hauts responsables américains, devraient les rendre crédibles. Lorsque vous rencontrez de hauts dignitaires chinois, demandez la libération des personnes détenues à tort, la réforme des lois abusives, la liberté d’Internet et des médias et le respect des normes internationales relatives aux droits humains et aux libertés fondamentales. Les États-Unis devraient envisager de redémarrer le dialogue bilatéral sur les droits humains uniquement lorsque des groupes de la société civile indépendants chinois et américains pourront y participer, et lorsque les objectifs et résultats spécifiques pourront être débattus publiquement.
  • Jouer un rôle actif au sein des organismes internationaux qui peuvent promouvoir les droits humains en Chine. Le gouvernement chinois affaiblit les principaux organes internationaux des droits humains, notamment le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies. Il rejette les demandes de visites des nombreuses procédures spéciales, bloque l’accès de la société civile au système des Nations Unies en manipulant le Comité des ONG du Conseil économique et social et ne respecte pas les normes de l’Organisation internationale du travail. La décision rejoindre le Conseil des droits de l’Homme et d’accroître son soutien à ses mécanismes est encourageante ; les États-Unis devraient être le fer de lance d’une coalition multilatérale de démocraties partageant les mêmes idées pour garantir que les individus et les gouvernements respectueux des droits occupent des postes clés au sein du système des Nations Unies. Cette coalition devrait également soutenir les groupes indépendants de la société civile et la participation des DDH à l’action de l’ONU dans le but de faire progresser l’examen international minutieux du bilan du gouvernement chinois en matière de droits. En outre, les États-Unis devraient soutenir d’urgence l’appel lancé en juin 2020 par 50 experts de l’ONU pour une action urgente sur la Chine, qui pourrait inclure une session extraordinaire du Conseil des droits de l’Homme, et la nomination d’un Rapporteur spécial chargé de surveiller et de faire des rapports sur les violations des droits humains perpétrées par le gouvernement chinois. Enfin, les États-Unis devraient également soutenir d’urgence une enquête internationale sur les crimes contre les droits humains des Ouïghours et d’autres musulmans turciques dans la région ouïghoure du Xinjiang.
  • Se concentrer sur la technologie. Les États-Unis devraient jouer un rôle de chef de file mondial dans le domaine de la technologie en mettant en œuvre une législation complète sur la protection de la vie privée et en réformant la législation sur la surveillance, tout en travaillant avec des gouvernements partageant les mêmes idées pour définir des normes respectueuses des droits lors de la collecte de données personnelles et dans l’utilisation des technologies basées sur l’IA. Les États-Unis doivent travailler avec les pays respectueux des droits pour stigmatiser les pires formes de collecte de données de masse — celles que le gouvernement chinois promeut, comme la reconnaissance faciale, le profilage racial et la surveillance génomique. Les États-Unis devraient mettre en place une série de mesures contre les entreprises technologiques qui contribuent à la surveillance de masse de la Chine, notamment en imposant des sanctions prévues par la loi Global Magnitsky.
  • Fournir un soutien solide et constant aux défenseur-ses des droits humains et aux militants de la société civile à travers la Chine. Accorder la priorité à la création de liens solides avec et entre les militants, écrivains indépendants, journalistes, universitaires, avocats et dirigeants des minorités ethniques et religieuses persécutées, et s’engager à les aider lorsqu’ils sont ciblés à cause de leur activisme. Nous vous exhortons également à faire participer leurs homologues aux États-Unis. L’amélioration des droits humains en Chine viendra de l’intérieur, et ils sont les acteurs clés.
  • Traitez les Jeux olympiques de 2022 comme une affaire diplomatique.  Compte tenu des graves violations des droits humains perpétrées par le gouvernement chinois et de la réticence du Comité international olympique à faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits humains concernant les Jeux olympiques d’hiver de Pékin en 2022, abstenez-vous d’envoyer des personnalités et des dignitaires de haut niveau aux Jeux. L’administration devrait également commencer à informer les athlètes et les autres participants des risques auxquels ils sont confrontés, en particulier en ce qui concerne la surveillance assistée par la technologie et les restrictions sévères du droit à la liberté d’expression en Chine.
  • Maintenir les sanctions ciblées existantes.  Conserver les sanctions contre les hauts responsables du gouvernement chinois et les désignations sur l’Entity List des entreprises et agences gouvernementales chinoises impliquées dans des violations des droits humains. Cibler les principaux représentants du gouvernement, les agences étatiques et les entreprises, y compris les entreprises étatiques ou militaires, soupçonnés d’avoir commis de graves violations des droits humains, et rechercher la responsabilité juridique en vertu de la loi Global Magnitsky sur les droits humains, la loi de 2020 sur la politique tibétaine et de soutien, la loi de 2020 sur la politique relative aux droits humains ouïghours et d’autres lois et politiques concernant les violations à Hong Kong et dans la région ouïghoure/Xinjiang. Ces sanctions seront beaucoup plus efficaces si elles sont coordonnées avec d’autres gouvernements qui respectent les droits.
  • Contrer la propagande du gouvernement chinois et du Parti communiste chinois.  Les États-Unis devraient contrer les vues étatiques en donnant aux médias chinois indépendants et aux leaders d’opinion indépendants influents un accès prioritaire aux hauts responsables américains, et en investissant dans des plateformes d’information et de technologies indépendantes en chinois pour lutter contre la censure et la cybersurveillance du gouvernement chinois.
  • Choisir ses mots avec soins. Veuillez vous assurer que, dans toute l’administration, les remarques et les politiques publiques différencient strictement le gouvernement chinois et le peuple, y compris les minorités ethniques, à travers la Chine. Condamner la « Chine » pour les violations des droits humains confond à tort le gouvernement et le peuple. Faire preuve de la même prudence et éviter de répéter les principaux points de propagande du gouvernement chinois — dont beaucoup sont en fait inexacts et excusent des violations flagrantes des droits humains, telles que « La Chine a sorti des millions de personnes de la pauvreté ».

Le président Xi et son gouvernement portent atteinte aux droits humains à une échelle sans précédent depuis des décennies. Les actions et les réponses de votre administration seront essentielles pour mettre un terme — et peut-être renverser — cette crise. Nos organisations se réjouissent de travailler avec vous et votre administration dans cette entreprise urgente.

Sincères salutations,

Julie Millsap | Campaign For Uyghurs
Teng Biao | China Against the Death Penalty
Bob Fu | ChinaAid
Jianli Yang | Citizen Power Initiatives for China
Anna Lee Stangl | CSW
Dan Wang | Dialogue China
Annie Boyajian | Freedom House
Andrew Anderson | Front Line Defenders
Samuel Chu | Hong Kong Democracy Council
Benedict Rogers | Hong Kong Watch
Fengsuo Zhou | Humanitarian China
Sharon Hom | Human Rights in China
Sophie Richardson | Human Rights Watch
Andrea Worden | Independent Advocate
Tencho Gyatso | International Campaign for Tibet
Sarah Brooks | International Service for Human Rights
Mandie McKeown | International Tibet Network Secretariat
James Tager | PEN AmericaPeter Dahlin | Safeguard Defenders
Wang Tiancheng | The Institute for China’s Democratic Transition
Renee Xia | The Network of Chinese Human Rights Defenders
Elfidar Iltebir | Uyghur American Association
Omer Kanat | Uyghur Human Rights Project
Kristina Olney | Victims of Communism Memorial Foundation

Cc:

Jake Sullivan, Conseiller à la sécurité nationale

Kurt Campbell, Assistant adjoint du président et coordinnateur des affaires Info-Pacifique, Conseil national de sécurité

Laura Rosenberger, Directrice pour la Chine, National Conseil national de sécurité

Shanthi Kalathil, Coordinateur pour la démocratie et les droits humainss, Conseil national de sécurité

Antony Blinken, Secrétaire d'Etat

Scott Busby, sous-secrétaire adjoint, Bureau de la démocratie, des droits de l'homme et du travail

Jonathan Fritz, sous-secrétaire adjoint chargé de la coordination Chine, Mongolie et Taiwan, Bureau des affaires de l'Asie de l'Est et du Pacifique

Lisa Peterson, secrétaire adjointe par intérim, Bureau de la démocratie, des droits de l'homme et du travail Sung Kim, secrétaire adjointe par intérim, Bureau de l'Asie de l'Est et du Pacifique