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12 Juin 2023

Des ONG exhortent le Conseil européen à maintenir les droits humains au cœur des relations de l’UE avec la Chine

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Monsieur le Président Michel,

Mesdames et Messieurs les Chefs d’État et de gouvernement de l’UE,

À l’approche du Conseil européen des 29 et 30 juin 2023, nos organisations vous exhortent à veiller à ce que les droits humains restent au cœur d’une approche robuste et ambitieuse de l’Union européenne (UE) en ce qui concerne ses relations avec le gouvernement chinois.

Cette année, nous avons exprimé nos préoccupations communes et urgentes sur la détérioration de la situation des droits humains en Chine avec les décideurs de l’UE et des États membres avant le dialogue UE-Chine sur les droits humains en février et avec le Conseil informel des affaires étrangères (« Gymnich ») en mai.

Les Ouïghours, les Kazakhs et d’autres membres de groupes ethniques majoritairement musulmans dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang (« Xinjiang » ou « région ouïghoure ») continuent de faire face à des crimes contre l’humanité et à d’autres violations graves des droits humains, y compris la torture, la détention arbitraire, la séparation des familles, la stérilisation forcée et le travail forcé imposé par l’État, ainsi que les efforts de l’État pour effacer leur identité religieuse et culturelle. Au Tibet, les autorités chinoises continuent d’appliquer des politiques d’assimilation agressives qui violent le droit à l’éducation et les droits religieux, culturels et linguistiques du peuple tibétain et menacent d’éradiquer la culture et l’identité tibétaines — y compris par le biais d’un système d’internat obligatoire qui sépare les enfants tibétains de leur famille et applique l’éducation en langue chinoise. L’imposition de la Loi sur la sécurité nationale dangereusement vague et large à Hong Kong a entraîné une érosion sans précédent des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, et la fermeture de l’espace civique plus généralement.

Les défenseurs des droits humains en Chine, notamment les avocats et les militants qui sont régulièrement soumis à la surveillance, au harcèlement et à l’emprisonnement, font face à une répression accrue cette année, y compris en raison de leurs interactions avec la délégation de l’UE, comme dans les cas de Yu Wensheng et Xu Yan. Dans les forums internationaux, le gouvernement chinois continue de miner le cadre normatif de protection des droits humains en accordant la priorité au développement plutôt qu’à tous les autres droits, en mettant l’accent sur les intérêts collectifs plutôt que sur les droits individuels et en promouvant les aspects procéduraux de la coopération avec l’État et plutôt que la substance des droits humains.

Pour répondre à ces sinistres développements, le Conseil européen devrait veiller à ce que la révision et le recalibrage actuels des perspectives stratégiques UE-Chine de mars 2019 contribuent à renforcer les actions de l’UE en matière de droits humains en Chine, en priorisant des résultats solides et concrets dans tous les domaines des relations.

Selon les Perspectives stratégiques UE-Chine, « la capacité de l’UE et de la Chine à s’engager efficacement dans le domaine des droits humains sera une mesure importante de la qualité des relations bilatérales ». Comme l’a souligné la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, la Chine « devient plus répressive à domicile et plus affirmée à l’étranger ». En avril, le G7 a également exprimé ses préoccupations au sujet des droits humains au Xinjiang/région ouïghoure, au Tibet et à Hong Kong. L’UE et ses États membres ne peuvent espérer établir un partenariat géopolitique plus fiable avec le gouvernement chinois s’ils ne répondent pas aux préoccupations fondamentales en matière de droits humains.

Le Conseil européen de juin 2023 sera une occasion cruciale de veiller à ce que l’approche de l’UE dans ses relations avec le gouvernement chinois redouble d’efforts en réponse à la crise des droits humains dans le pays.

Dans cet esprit, l’UE et ses États membres devraient s’appuyer sur les perspectives stratégiques UE-Chine et :

Publier les conclusions du Conseil européen qui engagent sans équivoque à s’investir de façon solide et ambitieuse pour les droits humains en Chine aux plus hauts niveaux et dans tous les domaines des relations de l’UE et des États membres avec la Chine.

Recalibrer la stratégie de l’UE pour s’assurer que les efforts de l’UE visent à traiter et à améliorer pleinement le bilan de la Chine en matière de droits humains, et à défendre le système international des droits humains contre les attaques du gouvernement chinois. La stratégie de l’UE devrait remettre en question le potentiel de coopération de bonne foi du gouvernement chinois sur les questions des droits humains ; examiner pleinement comment une coopération non critique peut risquer de légitimer les lois, politiques et pratiques répressives ; et prendre des mesures pour contrer les discours chinois qui sapent les institutions et les normes internationales en matière de droits humains. L’UE et ses États membres devraient intégrer activement les efforts en faveur des droits humains en Chine dans l’ensemble des relations EU-Chine, en évitant d’ouvrir tout dialogue sur les engagements internationaux mutuellement reconnus en matière de droits humains au nom des divergences et en adoptant plutôt une approche stratégique concertée pour remettre en question les politiques du gouvernement chinois, les pratiques et les récits qui portent atteinte aux droits humains.

Fixer des repères mesurables et les résultats attendus pour faire progresser les droits humains en Chine, en identifiant comment la situation des droits humains a un impact sur tous les aspects des relations entre l’UE et la Chine, et comment une réponse nécessaire devrait impliquer une action de l’UE au-delà des pratiques standards du dialogue bilatéral sur les droits humains ou de l’engagement dans les forums des Nations unies sur les droits humains. Ces repères devraient inclure la mise en œuvre significative des recommandations des organes des traités des Nations Unies (ONU), des procédures spéciales et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) 1, y compris la libération des défenseurs des droits humains, des avocats détenus arbitrairement et de toute autre personne privée de sa liberté d’exercer ses droits humains, l’abrogation des dispositions légales incompatibles avec les normes internationales relatives aux droits humains, et l’accès à la région ouïghoure et aux régions tibétaines par des experts internationaux indépendants.

S’engager à utiliser tous les instruments à leur disposition pour répondre de toute urgence aux violations des droits humains, en particulier à Hong Kong, au Tibet, au Xinjiang/dans la région ouïghoure et en Mongolie intérieure, et contre les critiques pacifiques et les défenseurs des droits humains. L’UE et les États membres devraient veiller à ce que cela comprenne l’adaptation de leur approche à l’égard de la participation des représentants du gouvernement chinois et des entités responsables de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques abusives. L’UE et ses États membres devraient faire le point sur l’absence de véritable engagement du gouvernement chinois à l’égard des droits humains, même s’ils ont entrepris des dizaines de dialogues sur les droits humains pendant près de trois décennies, et reconsidérer sérieusement la réitération de cet exercice. L’absence de progrès découlant de ces dialogues devrait éclairer la stratégie plus large de l’UE pour lutter plus efficacement contre les violations des droits humains dans le pays. Plus important encore, l’UE devrait donner suite au rapport du HCDH sur le Xinjiang en intensifiant ses efforts de sensibilisation auprès de tous les membres du Conseil des droits de l’homme des Nations unies en vue de la création, depuis longtemps attendue, d’un mécanisme d’enquête et de surveillance des Nations unies.

Alors que les enjeux pour les droits humains en Chine — et pour ceux qui les défendent — restent élevés, nous restons convaincus qu’une approche claire, publique, ambitieuse et stratégique de l’UE en matière de droits humains en Chine peut faire une différence cruciale.

Nous vous prions d’agréer l’expression de notre haute considération

Amnesty International

Christian Solidarity Worldwide (CSW)

Clean Clothes Campaign International Office

DEMAS – Association for Democracy Assistance and Human Rights

Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH)

Front Line Defenders

Human Rights in China (HRIC)

Human Rights Watch

International Campaign for Tibet

International Service for Human Rights

World Uyghur Congress

29 Principles

1 Cela inclut: Concluding Observations to China, Hong Kong and Macao by the Committee against Torture (2015) ; the Committee on the Elimination of Racial Discrimination (2018), the Committee on Economic, Social and Cultural Rights (2023) ; the Committee on the Elimination of Discrimination Against Women (2023) ; Concluding Observations to Hong Kong and Macao by the Human Rights Committee (2022) ; the OHCHR Assessment of human rights concerns in the Xinjiang Uyghur Autonomous Region (2022) ; the Decision 1 (108) by the Committee on the Elimination of Racial Discrimination under its Early Warning and Urgent Action procedure (2022) ; and the seven benchmarks in a joint communication by fifteen Special Procedures experts (2022).