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26 Juin 2019

Le gouvernement indien doit retirer les accusations criminelles portées contre l'ONG "Lawyers Collective" et ses représentants

26 Juin 2019,

Bangkok/Colombo/Dublin/Geneve/Johannesburg/Londres/New Delhi/New York/Paris

Nous, les organisations soussignées, condamnons fermement les accusations portées contre l'ONG indienne Lawyers Collective, l'avocat Anand Grover et d'autres représentants du Lawyers Collective. Le 13 juin 2019, le Bureau central d'enquête (CBI) a porté des accusations criminelles s'appuyant sur un rapport d'enquête de janvier 2016 du ministère de l'Intérieur de l'Union (MHA). Le rapport du MHA a été contesté par le Lawyers Collective en janvier 2017 et l'affaire est en cours d'examen devant la Haute Cour de Bombay.

Le Lawyers Collective est une organisation de défense des droits humains basée à New Delhi, dont le siège social est à Bombay et qui a été fondée par les défenseur-ses des droits humains et avocats Mme Indira Jaising et M. Anand Grover. Mme Jaising et M. Grover sont des avocats expérimentés dotés d'un profil de service public exceptionnel, d'une probité et d'une intégrité personnelle et professionnelle en tant qu'avocats et défenseurs des droits humains. Mme Jaising était Additional Solicitor General of India entre 2009 et 2014 et membre du Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) entre 2009 et 2012. M. Grover a été nommé Rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à la santé entre 2008 et 2014. Mme Jaising et M. Grover, par le biais du Lawyers Collective, plaident en faveur des groupes les plus vulnérables et les plus marginalisées de la société indienne, défendant ainsi les valeurs constitutionnelles inscrites dans la Constitution indienne.

L'enregistrement de Lawyers Collective en vertu de la loi de 2010 sur la réglementation des contributions étrangères (FCRA) a été suspendu pour la première fois le 31 mai 2016 et ses comptes bancaires ont été gelés. La licence FCRA n'a pas été renouvelée le 28 octobre 2016 et a été annulée le 27 novembre 2016. Lawyers Collective a saisi la Haute Cour de Bombay pour contester l'annulation et le non-renouvellement de la FCRA en janvier 2017 et mars 2017, respectivement. Ses comptes nationaux ont été dégelés en janvier 2017. La plainte du Lawyers Collective concernant l'annulation et le non-renouvellement de la FCRA est actuellement en attente devant la Haute Cour.

Porter des accusations criminelles alors que la Haute Cour examine la question est un abus flagrant des agences du gouvernement indien pour s'en prendre au travail critique en matière de droits humains entrepris par le Lawyers Collective et ses représentants, impliquant souvent des affaires sensibles contre des ministres indiens et des représentants du parti politique au pouvoir.

Le 15 mai 2019, le MHA a écrit au CBI pour lui demander de "poursuivre son enquête conformément à la loi" sur l’affaire relative à Lawyers Collective. Le 13 juin 2019, le CBI, en s’appuyant uniquement sur le rapport contesté du MHA, a ouvert un rapport de première information en vertu du Code pénal indien relatif à des accusations de conspiration criminelle, d’abus de confiance criminel, de tricherie, de fausse déclaration et de divers articles de la FCRA et de Loi de 1988 sur la prévention de la corruption. Étant donné que les circonstances n'ont pas changé depuis 2016 et qu'il n'y a aucune base matérielle ou probante pour appuyer les dispositions invoquées en vertu du Code pénal et de la et loi sur la prévention de la corruption, porter des accusations au pénal est un acte de représailles flagrant contre le Lawyers Collective et ses représentants.

De telles actions du gouvernement indien sont contraires à son engagement devant le Conseil des droits de l'homme des Nations unies et à ses obligations et engagements en vertu de plusieurs traités et déclarations internationaux relatifs aux droits humains. La FCRA a été maintes fois critiquée par les défenseur-ses des droits humains et les ONG en Inde et à l'étranger pour son ingérence régressive et injuste dans le fonctionnement des organisations. Les défenseur-ses des droits indiens condamnent l'utilisation de la FCRA et les accusations de "financement étranger" pour réprimer la dissidence et dénigrer des individus et des groupes.

Dans son analyse de la FCRA en 2016, l'ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la liberté de réunion et d'association, Maina Kiai, a conclu que certaines dispositions de la FCRA n'étaient pas conformes au droit international relatif aux droits humains et a souligné que "l'accès aux ressources, y compris aux financements étrangers, constitue un élément fondamental du droit à la liberté d’association au regard du droit international, des normes et des principes, et plus particulièrement de la formation d’une association". En juin 2016, M. Kiai a rejoint les rapporteurs spéciaux des Nations unies sur la liberté d'expression et sur la situation des défenseurs des droits humains, en appelant le gouvernement indien à abroger la FCRA régressive, utilisée pour "faire taire les organisations impliquées dans la défense des droits civils, politiques et sociaux, ou culturels et de l'environnement, des priorités qui peuvent différer de celles soutenues par le gouvernement [1]'.

Nous appelons instamment le gouvernement indien à cesser d’utiliser abusivement les lois du pays, y compris la FCRA, à l’encontre des défenseurs des droits humains. Dans le cas particulier du Lawyers Collective, nous demandons instamment que les poursuites pénales soient immédiatement stoppées en attendant la décision de la Haute Cour de Bombay. Nous appelons la Commission nationale des droits humains en Inde à prendre connaissance de la question, à prendre des mesures immédiates en vertu de la loi de 1993 sur la protection des droits humains (PHRA) et à entreprendre un examen juridique de la FCRA au titre de l'article 12 (d) de la PHRA.

Nous appelons en outre le gouvernement indien à mettre fin à tous les actes de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, contre le Lawyers Collective et M. Anand Grover, ainsi que contre tous les défenseurs des droits humains en Inde, et de veiller à ce qu'ils puissent mener à bien leurs activités sans entrave.

Organisations signataires :

Amnesty International
CIVICUS
Forum Asia
Front Line Defenders
Human Rights Defenders Alert
Human Rights Watch
Fédération Internationale des Droits Humains (FIDH), in the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders
International Service for Human Rights (ISHR)
South Asians for Human Rights (SAHR)
Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT), in the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders

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