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29 Novembre 2023

Inde : Les défenseur⸱ses des droits humains manifestant contre l’exploitation minière à Gadchiroli (Maharashtra) ciblés par la répression policière et des arrestations

Front Line Defenders condamne fermement la répression brutale et l’arrestation des défenseur⸱ses des droits humains associés au Damkondawahi Bachao Sangharsh Samiti par la police de Gadchiroli dans l’État du Maharashtra. Le 20 novembre 2023, la police a pris des mesures répressives à l’encontre d’une manifestation pacifique lancée il y a neuf mois contre l’exploitation minière par des entreprises dans la subdivision d’Etapalli, dans le district de Gadchiroli. La police a passé les manifestants à tabac, saisi leurs téléphones portables et leurs effets personnels, détruit leurs cabanes et leurs refuges et arrêté plusieurs manifestants, dont des défenseur⸱ses des droits humains et des leaders communautaires. Dans le cadre de cette répression, 21 manifestants pacifiques ont été arrêtés sur la base d’accusations fabriquées de toutes pièces et placés en détention provisoire. Front Line Defenders exprime sa solidarité avec le mouvement de protestation et les défenseur⸱ses des droits humains et les leaders communautaires qui sont persécutés en raison de leur travail légitime et pacifique en faveur des droits humains.

Le Damkondawahi Bachao Sangharsh Samiti est un mouvement de protestation mené par les Madia-Gond Adivasis — un peuple reconnu par le gouvernement indien comme un groupe tribal particulièrement vulnérable (PVTG). Le mouvement de protestation milite contre les mines exploitées par entreprises dans la subdivision d’Etapalli, dans le district de Gadchiroli. En 2007, Lloyds Metals and Energy Private Limited (LMEL) a reçu l’autorisation de commencer l’extraction de minerai de fer sur une superficie de plus de 348,09 hectares dans le village de Surjagarh à Gadchiroli. Cette décision a été prise sans aucune consultation publique de la communauté locale, à savoir les gram sabhas (conseils de village), comme l’exigent la Loi de 2006 sur la protection des droits forestiers des tribus répertoriées et les autres habitants des forêts (Recognition of Forest Rights Act 2006) et la Loi de 1996 sur l’extension des zones répertoriées des Panchayats (Panchayat Extension to Scheduled Areas – PESA). Le 10 mars 2023, LMEL a reçu l’autorisation environnementale d’étendre ses activités d’excavation, passant de 3 à 10 millions de tonnes métriques par an. La zone creusée par LMEL pour l’extraction du minerai de fer empiète sur les terres accordées aux Adivasis dans le cadre de leurs droits forestiers communautaires en vertu de la loi de 2006 sur les droits forestiers.

Le 11 mars 2023, des communautés adivasis de plus de soixante-dix villages, dont la plupart appartiennent à la communauté Madia-Gond, se sont réunies sous l’égide du collectif Damkondawahi Bachao Sangharsh Samiti pour s’opposer à l’exploitation du minerai de fer par LEML, qui constitue une menace existentielle pour leurs terres, leurs moyens de subsistance, leur culture et leur environnement. Malgré leurs protestations, en juin 2023, six nouvelles mines, couvrant 4 684 hectares, ont été louées à cinq entreprises : Omsairam Steels and Alloys Private Limited, JSW Steels Limited, Sunflag Iron and Steel Company Limited, Universal Industrial Equipment and Technical Services Private Limited et Natural Resources Energy Private Limited. Si elles sont autorisées à fonctionner, ces mines pourraient entraîner le déplacement d’au moins 40 900 personnes.

Le 20 novembre 2023, un important contingent de policiers est arrivé sur le lieu de la manifestation à Todgatta et a violemment réprimé les manifestants pacifiques. La police a isolé les dirigeants du mouvement de protestation et a fouillé de force leurs effets personnels. Huit défenseurs des droits humains et leaders de la manifestation, à savoir Mangesh Naroti, Pradeep Hedo, Sai Kawdo, Gillu Kawdo, Laxman Jetti, Mahadu Kawdo, Nikesh Naroti et Ganesh Korea, ont été emmenés de force par la police à bord d’un hélicoptère et leurs téléphones ont été saisis. La police a aussi vandalisé les petites cabanes et les refuges installés sur le camps de protestation. Des vidéos de l’incident révèlent que la police a chargé les manifestants à l’aide de lathi et réprimandé ceux qui tentaient de documenter les actions des forces de l’ordre. Plusieurs manifestants ont été gravement blessés.

21 manifestants, dont des défenseur⸱ses des droits humains et des leaders communautaires, sont actuellement emprisonnés, accusés de divers délits, notamment d’émeute, d’association de malfaiteurs, d’agression d’un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions, de séquestration et de rassemblement illégal. Il est essentiel de rappeler que la plainte (First Information Report FIR) 0074/23 contre les défenseurs des droits humains a été enregistrée le 21 novembre 2023, ce qui signifie que les défenseurs ont été détenus illégalement sans inculpation formelle pendant près d’une journée entière, et que les membres de leur famille ne savaient pas où ils se trouvaient. Les personnes arrêtées sont actuellement incarcérées à la prison de Chandrapur et placées en détention préventive jusqu’au 5 décembre 2023.

La répression a eu lieu quelques semaines après que le défenseur des droits de humains et avocat Lalsu Nogoti a fait une déclaration vidéo lors de la 54e session de la Commission des droits de l’homme des Nations unies et a parlé des luttes et des demandes des Madia-Gond Adivasis et d’autres communautés traditionnelles vivant dans la forêt. En tant que membre de la communauté Madia-Gond Adivasi, Lalsu Nogoti s’est exprimé au sujet des attaques subies par les populations autochtones du fait de la collusion entre les forces des entreprises, la militarisation et la répression menée par l’État. Le jour des attaques, Nogoti et d’autres défenseur⸱ses des droits humains participaient à un débat public sur les problèmes rencontrés par les communautés, organisé par le Forum Against Corporatization and Militarization (FACAM) à New Delhi.

La police a affirmé que les manifestants avaient perturbé l’inauguration d’un nouveau poste de police dans le village de Wangeturi et avaient violemment attaqué des policiers. Ils ont également affirmé que les manifestations étaient un moyen de faire avancer le jeu des maoïstes et ont demandé que les défenseurs des droits humains arrêtés soient placés en garde à vue pour être interrogés. Le fait de cibler des mouvements autochtones pacifiques sur la base de faux complot maoïste s’inscrit dans une tendance générale des autorités indiennes qui cherchent à criminaliser ces communautés et à saper leurs appels en faveur des droits humains — un schéma également observé par le ministère indien des Affaires tribales dans le rapport de son comité de haut niveau.

Front Line Defenders a déjà fait part de ses inquiétudes concernant la criminalisation et la persécution judiciaire des mouvements autochtones dans les États d’Odisha, Madhya Pradesh et du Jharkhand. Des mouvements de protestation tels que le Damkondawahi Bachao Sangharsh Samiti incarnent les luttes des communautés Adivasi en Inde, qui sont constamment marginalisées, persécutées et privées de leurs droits pourtant garantis par la Constitution. Les Madia-Gond Adivasis sont inextricablement liés à leurs terres et à leurs forêts, qui constituent non seulement leur moyen de subsistance, mais aussi leurs croyances et pratiques traditionnelles, culturelles et spirituelles. L’exploitation minière dans la région affecte gravement l’accès des communautés à leurs terres et à leurs forêts. En outre, la pollution qui en résulte entraîne plusieurs problèmes de santé débilitants au sein de la communauté. Nous demandons instamment aux autorités indiennes de cesser de prendre pour cible les défenseur⸱ses des droits humains associés au Damkondawahi Bachao Sangharsh Samiti et de respecter l’engagement pris par l’Inde de reconnaître les droits des populations autochtones conformément au droit international.