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9 Septembre 2019

Appel pour que la Chine soit tenue pour responsable des persécutions des défenseur-ses des droits économiques, sociaux et culturels devant le 42e HCDH

Lors du Conseil des droits de l'Homme, la Chine a évoqué ses réalisations en matière de droits économiques, sociaux et culturels, en les citant pour justifier son refus systématique de se conformer aux principes des Nations Unies relatifs à la protection des droits civils et politiques. Les États membres du Conseil doivent être conscients qu’en Chine, le gouvernement a emprisonné de nombreux défenseur-ses des droits humains qui protègent les droits économiques, sociaux et culturels, et qu'il a fermé des organisations de la société civile promouvant une protection égale de ces droits. Au cours de la 42e session du Conseil des droits de l'homme, les États membres doivent prendre des mesures pour que la Chine s'acquitte de ses obligations en matière de droits humains, y compris de sa propre promesse d'adhésion au CDH. Les actions potentielles comprennent la prise de parole et le fait de soulever les inquiétudes, la réalisation d'enquêtes ou la publication de déclarations communes.

Nous attirons votre attention sur les violations des droits humains commises en Chine au cours de la seule année écoulée. Le gouvernement chinois a arrêté un certain nombre de défenseur-ses des droits humains œuvrant dans les domaines de l'environnement, du logement, de la terre, du travail, de la santé publique et des droits des personnes handicapées, ainsi que des personnes qui se battent pour une protection égale contre la discrimination (voir l'annexe des cas individuels). Certains ont disparu lors de leur garde à vue. Les autorités ont également sanctionné les journalistes citoyens et les membres des ONG qui ont signalé et documenté des violations des droits socio-économiques et culturels. Nous vous exhortons vivement à évoquer ces affaires impliquant des défenseur-ses des droits socio-économiques persécutés dans vos discours lors de la 42e session du CDH, à les évoquer avec la délégation de la République populaire de Chine et à exiger leur libération dans vos déclarations ou déclarations communes.

Nous reconnaissons que le développement économique contribue de manière importante à la jouissance de tous les droits humains. Pourtant les droits humains sont indivisibles, interdépendants et étroitement liés. La privation de tout droit humain a une incidence négative sur la jouissance de tous les autres droits. La violation par le gouvernement chinois des droits de nombreux défenseur-ses des droits civils et politiques au regard de la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association, du droit de ne pas être détenu arbitrairement, torturé, victime de disparitions forcées, et au regard de la protection du droit à bénéficier d'une procédure régulière, garantis par la Déclaration universelle des droits de l'Homme, nuit à la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels en Chine.

Le "modèle chinois" qui défend le développement économique aux dépens de la protection égale des droits humains universels, promu par le gouvernement chinois à l'ONU, a conduit à des violations de tous les types de droits humains en Chine. Dans la Chine d’aujourd’hui, des millions de familles à faible revenu n’ont pas les moyens d'assumer les coûts des soins de santé et des traitements médicaux qui ont grimpé en flèche ; des millions de travailleurs et de travailleurs migrants ne sont protégés ni des conditions de travail dangereuses, ni indemnisés en cas de blessures ou de maladies professionnelles, ils ne bénéficient pas du droit de négocier des salaires équitables ou des avantages en raison de l'interdiction des syndicats indépendants ; des millions de citadins et de ruraux souffrent de pollution de l'air, de l'eau et du sol, leurs plaintes étant retirées d'Internet et leurs protestations écrasées par la police ; et les politiques et lois gouvernementales continuent d'autoriser ou d'encourager la discrimination à l'égard des femmes, des travailleurs migrants, des personnes handicapées ou vivant avec le VIH / SIDA et l'hépatite, des minorités ethniques et des personnes LGBTQ.

Nous attirons toute votre attention sur la détention arbitraire massive par le gouvernement chinois de la population ouïghoure et d’autres minorités musulmanes turcophones dans des camps de rééducation extrajudiciaires dans la région du Xinjiang et sur la répression systématique de la liberté de religion dans le Xinjiang et au Tibet. Nous vous exhortons à dénoncer les atteintes systémiques contre les droits civils et politiques dans le Xinjiang et au Tibet, qui constituent une menace existentielle pour les droits culturels, ainsi que pour les droits économiques et sociaux de millions de personnes appartenant aux minorités dans ces régions.

L’approche du gouvernement chinois en matière de gouvernance et de développement s’est avéré être un échec total dans la promotion d’une protection égale des libertés civiles et politiques, mais aussi des droits économiques, sociaux et culturels. Le soi-disant "modèle chinois" constitue également une menace existentielle pour la plus grande liberté dont jouit le peuple de Hong Kong sous "un pays, deux systèmes". Il rejette et sape les institutions politiques démocratiques, l'état de droit et les droits civils et politiques fondamentaux. S'il vous plaît, soutenez explicitement les droits universels du peuple de Hong Kong, y compris le droit à la liberté d'expression et de réunion pacifique; et dénoncez le non-respect de la part de la Chine à l’égard du principe "un pays, deux systèmes" à Hong Kong.

Lorsque vous vous exprimez au nom de différents défenseur-ses des droits humains et sur des sujets préoccupants, vous montrez la ferme volonté de vos gouvernements de défendre les droits humains universels. En tant que membre du Conseil des droits de l'Homme, la Chine devrait respecter les normes les plus élevées en matière de droits humains et il est impératif que les autres membres du Conseil imposent au gouvernement de respecter ces normes. Lorsque les engagements publics du gouvernement chinois devant le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies ne concordent pas avec ses actions dans son pays, lorsque la Chine n'assure pas une protection égale des droits économiques, sociaux et culturels à tous les citoyens chinois, en partie car elle prive systématiquement les citoyens des droits civils et politiques, tous les États membres de l'ONU ont le devoir d'agir.

Sincères salutations,

Chinese Human Rights Defenders
Covenants Watch
Front Line Defenders
Hong Kong Christian Industrial Committee
Human Rights Network for Tibet and Taiwan
International Labor Rights Forum
International Service for Human Rights
Judicial Reform Foundation
Reporters Sans Frontières/Reporters Without Borders
Safeguard Defenders
Taiwan Association for Human Rights
Taiwan Alliance to End the Death Penalty
Taiwan Labour Front
Taiwan Support China Human Rights Lawyers Network
Treatment Action Group
Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT)

Annexe : Cas individuels de défenseur-ses des droits socio-économiques persécutés en Chine

Nous vous exhortons vivement à évoquer les cas suivants impliquant des défenseur-ses des droits socio-économiques persécutés dans vos discours lors de la 42e session du CDH, à les évoquer avec la délégation de la République populaire de Chine et à exiger leur libération dans vos déclarations ou déclarations communes.

  • Les  employés d'ONG contre la discrimination et pour le droit à la santé  Cheng Yuan, Liu Dazhi et Wu Gejianxiong sont détenus au secret depuis le 22 juillet pour "subversion du pouvoir de l'État", une accusation passible de la prison à perpétuité. Le 26 août, les autorités ont officiellement arrêté les trois défenseurs. Les hommes travaillent pour l'ONG Changsha Funeng, qui promeut la protection juridique et les droits des groupes défavorisés par le biais du plaidoyer et du renforcement des capacités juridiques depuis sa fondation en 2016. La Chine préside actuellement le conseil de coordination du programme d'ONUSIDA (UNAIDS).
  • Les victimes et leur famille de l'une des pires crises de santé publique en Chine de ces dernières années - des vaccins défectueux - ont fait l'objet de poursuites pénales pour avoir plaidé en faveur de l'amélioration de la réglementation et de la protection des victimes, qui sont les mêmes objectifs vantés par le gouvernement. Le 26 juillet, les autorités du Henan ont inculpé la mère d'un bébé handicapé à cause d'un vaccin défectueux, l'accusant de d'avoir "provoqué une querelle et des troubles". He Fangmei est poursuivie pour avoir formé un groupe qui a rassemblé les familles de victimes pour défendre la sécurité des vaccins et réclamer l'indemnisation des victimes. Elle risque 10 ans de prison.
  • Les défenseur-ses de l’environnement font l’objet de poursuites pénales depuis l'an dernier, malgré les promesses du gouvernement lors de forums internationaux selon lesquelles la Chine s’engage à lutter contre le changement climatique. Un tribunal de Jiangsu a condamné l'activiste Ji Shulong à quatre ans de prison en août pour des articles qu'elle a écrits sur la corruption et la pollution. Xue Renyi, fondateur de l'ONG écologiste "Green Leaf Action" est détenu depuis mai 2018. La police lui a dit que Green Leaf Action était "controlée" et "manipulée" par des "forces étrangères" et a dit que les campagnes de son groupe pour les soins universels, la sécurité sociale, la protection environnementale et la sécurité alimentaire constituent des "activités illégales".
  •  Le gouvernement chinois s'en est pris aux défenseur-ses du droit au logement lorsqu'il a visé les défenseur-ses des droits socio-économiques. Chen Jianfang a commencé à défendre le droit à la terre et le droit au logement après que sa famille et elle-même ont perdu des terres au profit de promoteurs soutenus par le gouvernement. Mme Chen a travaillé aux côtés de la défunte militante Cao Shunli ; elles réclamaient que la société civile joue un rôle dans les Examens périodiques universels de la Chine en 2009 et 2013. Elles ont toutes les deux été victimes de représailles et Mme Cao est décédée en prison car les autorités ont refusé de lui fournir un traitement médical. Mme Chen a disparu de force depuis le 18 mars 2019, après qu'elle a écrit un essai à l'occasion du cinquième anniversaire de Mme Cao en prison. En juillet, les autorités ont informé son avocat qu'elle avait été officiellement arrêtée en juin, pour 'incitation à la subversion du pouvoir de l'État", mais elles refusent de révéler l'endroit où elle se trouve.
  •  Le gouvernement chinois a intensifié la persécution des défenseur-ses des droits des travailleurs, y compris des ouvriers d'usine, des militants, des chercheurs, du personnel d'ONG et des travailleurs sociaux depuis la répression menée en juillet 2018 contre les travailleurs en grève à la Jasic Technology Factory à Shenzhen. Quatre travailleurs de Jasic, Li Zhan, Liu Penghua, Mi Jiuping et Yu Juncong, ainsi qu'un employé d'une ONG locale, Fu Changguo, ont été arrêtés après que les travailleurs ont tenté de former un syndicat pour traiter les revendication sur le lieu de travail, comme par exemple les salaires impayés. La grève des employés de Jasic a attiré l'attention de nombreux étudiants ou de jeunes récemment diplômés d'universités d'élite, qui se sont organisés et se sont rendus à Shenzhen pour soutenir les travailleurs et faire pression pour la protection des droits des travailleurs, entraînant une répression de la part du gouvernement. Depuis janvier 2019, la police a accentué la persécution des défenseur-ses des droits des travailleurs et a arrêté cinq travailleurs d'ONG, dont l'éminent directeur d'une ONG de travailleurs migrants, et a arrêté trois travailleurs sociaux spécialisés dans les droits du travail et un militant syndical travaillant dans une usine.
  • Les journalistes citoyens rapportant des violations des droits socio-économiques ont dû faire face à la colère du gouvernement chinois. Trois militants - Ke Chengbing, Wei Zhili et Yang Zhengjun - qui dirigent une plate-forme de média indépendante en ligne "iLabour" ont disparu après avoir été placés en "résidence surveillée dans un endroit désigné" (RSDL) entre février et avril 2019, puis ont été arrêtés en août. Leur détention constitue probablement un acte de représailles contre leurs efforts en faveur des travailleurs migrants atteints de maladies professionnelles. En juillet, un tribunal du Sichuan a condamné le militant et journaliste citoyen Huang Qi à douze ans de prison pour "divulgation de secrets d'État" en rapport avec ses reportages sur des atteintes contre les droits fondamentaux. Le directeur de l'ONG Liu Feiyue a été condamné en janvier à une peine de cinq ans de prison pour avoir dirigé Civil Rights & Livelihood Watch, qui avait dénoncé des violations des droits humains telles que la détention psychiatrique non volontaire de dissidents. Les deux hommes ont été emprisonnés malgré l'avis du groupe de travail sur la détention arbitraire d'avril 2018 selon lequel ils devraient être libérés.