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4 Octobre 2023

Criminalisation du défenseur autochtone Ashaninka Angel Pedro Valerio

Front Line Defenders exprime son inquiétude concernant l’ordre d’arrestation préliminaire émis par le parquet le 4 septembre 2023 contre le défenseur des droits humains et leader autochtone Angel Pedro Valerio. Le mandat est lié à une enquête ouverte dans le cadre de la disparition de quatre personnes en avril 2023. La défense d’Angel Pedro Valerio affirme qu’il est injustement accusé, car il n’était même pas présent dans la zone où le crime présumé a eu lieu.

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Angel Pedro Valerio est un défenseur des droits humains autochtone du peuple Ashaninka et l’actuel président de la Central Ashaninka del Rio Ene (CARE). Il est bien connu pour défendre son territoire ainsi que les droits des populations autochtones et l’environnement face aux mafias du trafic de drogue, à l’exploitation forestière illégale et à l’accaparement des terres dans le territoire Ashaninka. Il est confronté à des risques accrus en raison de son rôle dans la défense de la terre et des droits du peuple Ashaninka.

Le 4 septembre 2023, le parquet a émis un ordre d’arrestation préliminaire à l’encontre d’Angel Pedro Valerio, ainsi que de sept autres dirigeants, pour son implication présumée dans la disparition de quatre personnes. Les disparitions ont eu lieu dans le contexte d’une manifestation en avril 2023. Les avocats de CARE avaient exhorté le parquet à exclure Ángel Pedro Valerio de l’enquête, étant donné qu’au moment des événements faisant l’objet de l’enquête, il participait au XXVIIe Congrès Asháninka de la rivière Ene.

Les 14 et 15 avril 2023, une semaine après l’assassinat du leader indigène Ashaninka Santiago Contoricón, des communautés de la rivière Tambo ont bloqué le pont de la communauté de Puerto Ocopa pour protester contre le manque d’efforts déployés par les autorités pour enquêter sur l’assassinat du leader autochtone. Santiago Contoricón était connu pour son travail en faveur des communautés indigènes. Il avait auparavant travaillé comme enseignant interculturel bilingue et avait occupé diverses fonctions publiques, notamment celles de maire du district de Río Tambo, de premier conseiller de la municipalité provinciale de Satipo, de conseiller régional de Junín et de président de l’organisation autochtone Central Ashaninka de Río Tambo (CART). Malheureusement, la mobilisation s’est soldée par la disparition de quatre personnes, dont on ne sait toujours pas où elles se trouvent et qui, d’après les preuves présentées, ont été retenues pendant la manifestation.

CARE affirme que l’enquête contre Angel Pedro Valerio n’a pas été menée dans le respect de la loi, puisque le leader autochtone n’a jamais été informé de son obligation de participer à la procédure ou de témoigner des événements. La défense juridique de Pedro Valerio a été informée d’un ordre d’arrestation préliminaire à son encontre ; selon les avocats cet ordre est disproportionné, car le défenseur n’a fait preuve d’aucun signe d’entrave à l’enquête et ne présente aucun risque de tentative d’évasion. La mesure contredit son droit à la présomption d’innocence, le droit à une défense appropriée et le droit à une procédure régulière. En outre, les avocats du défenseur des droits humains ont également découvert, puisque les autorités n’ont pas établi de communication formelle avec Angel Pedro Valerio, que le parquet a récemment mis à jour le statut procédural du défenseur en le transformant en simple comparution, ce qui signifie qu’il devra se présenter périodiquement devant le parquet, l’obligeant à couvrir ses frais de transport et l’empêchant de mener à bien ses activités de défense des droits humains sur le territoire.

Les organisations locales qui suivent l’affaire sont préoccupées par le fait que, outre la criminalisation du leader autochtone, il existe un climat de plus en plus hostile au peuple Ashaninka, qui se traduit par l’utilisation des réseaux sociaux et d’autres médias locaux pour diffuser des messages racistes et xénophobes les qualifiant de sauvages et d’incivilisés.

Front Line Defenders reconnaît la nécessité d’ouvrir une enquête indépendante afin de clarifier tous les faits concernant cette affaire très grave de la disparition des quatre personnes. Néanmoins, Front Line Defenders pense que l’enquête sur les disparitions a été utilisée comme une arme pour saper le travail d’Angel Pedro Valerio en tant que défenseur des droits humains.

Front Line Defenders demande instamment que le droit à la présomption d’innocence d’Angel Pedro Valerio soit respecté par les autorités tout au long de la procédure, et implore les autorités péruviennes d’abandonner le mandat d’arrêt contre le défenseur, en attendant qu’une enquête impartiale soit menée sur les allégations faites contre lui.