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18 Février 2021

37 organisations dénoncent le harcèlement continu contre KISA et appellent les autorités chypriotes à rétablir son enregistrement officiel en tant qu’organisation non gouvernementale (ONG)

Le 3 mars, KISA, une organisation non gouvernementale de premier plan qui lutte pour l’égalité à Chypre, assistera à une audience qui aura des implications pour sa survie même.

En décembre 2020, le ministre chypriote de l’Intérieur a brusquement radié KISA et de nombreuses autres organisations de la société civile du registre des associations. Il l’a fait en utilisant les nouveaux pouvoirs qu’il s’est lui-même attribués1 pour lancer un processus de dissolution d’ONG qui ne rempliraient pas certains critères réglementaires dans un délai de deux mois. Dans le cas de KISA, le personnel a informé les autorités d’un retard dans l’organisation de leur assemblée générale en raison de la pandémie de COVID-19. Bien que KISA ait indiqué que toutes les exigences formelles seraient remplies dans un court laps de temps et qu’elle faisait appel de la décision du ministre, l’organisation a néanmoins été supprimée du registre des associations.

Il ne s’agit là que de la dernière action menée dans le cadre d’une longue campagne visant à discréditer et à faire taire les voix indépendantes à Chypre, en particulier celle de KISA ; cela revient finalement à attaquer les fondements du pluralisme démocratique. L’espace civique semble se réduire et cette tendance semble se répandre dangereusement dans toute la région. Par exemple, en novembre 2019, la Grèce a proposé des amendements inquiétants de la législation grecque sur l’enregistrement des ONG engagées dans des activités liées à l’asile, à la migration et à l’inclusion sociale. Le 27 décembre 2020, le Parlement turc a approuvé une législation limitant davantage les activités des ONG et de la société civile sous couvert de lutte contre le terrorisme.

Le 3 mars 2021, le tribunal administratif chypriote réexaminera l’appel de KISA contre la décision de radier l’organisation du registre des associations, par le biais d’une procédure accélérée. Si la radiation de KISA du registre est confirmée et que la procédure de dissolution va jusqu’au bout, les personnes en situation d’extrême vulnérabilité cesseront de recevoir une aide cruciale et la démocratie chypriote perdra l’une de ses principales voix indépendantes.

KISA a entre-temps soumis tous les critères officiels de la loi au Registre des associations, notamment un audit de ses comptes pour 2019, les statuts modifiés et les noms du nouveau comité de pilotage, ainsi que leurs fonctions et leurs coordonnées.

Alors que KISA conteste cette décision devant les tribunaux nationaux, les organisations de la société civile de toute l’Europe font entendre leur voix en signe de solidarité. Ce n’est pas la première tentative visant à faire taire l’organisation ; au cours de ses 22 ans d’existence, KISA a été la cible2 de campagnes de diffamation, d’intimidation et même de poursuites pénales contre son directeur exécutif, Doros Polykarpou. 3

Afin de promouvoir un environnement propice à l’indépendance de la société civile et à la solidarité avec les migrants et les réfugiés et afin de supprimer les restrictions imposées à la société civile, les organisations soussignées appellent les autorités suivantes :

Le gouvernement chypriote et le président du parlement à :

  • Réinscrire KISA au Registre des associations ;
  • Mettre fin à l’acharnement judiciaire continu contre KISA et ses membres ;
  • Abroger l’amendement 118 (I)/2020 de la loi de 2017 sur les associations et les fondations et autres questions connexes, qui confère au ministère de l’Intérieur chypriote le pouvoir de radier les ONG du registre des associations et qui interdit aux ONG non enregistrées de poursuivre leurs actions ;
  • Respecter les normes internationales relatives au droit à la liberté d’association et à la protection des défenseur-ses des droits humains et en particulier les Lignes directrices conjointes de l’OSCE/BIDDH et de la Commission de Venise sur la liberté d’association, les Lignes directrices de l’OSCE sur la protection des défenseurs des droits de l’Homme, la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme et les recommandations du groupe d’experts des ONG du Conseil de l’Europe4.

L’Union européenne à :

  • Condamner l’acharnement judiciaire continu contre KISA ;
  • Appeler les autorités chypriotes à respecter et à faire respecter la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, les principes de l’état de droit et le droit à la liberté d’association ;
  • Surveiller les premiers signes de harcèlement à l’encontre des individus et des organisations travaillant avec les migrants, avant qu’ils ne dégénèrent en une criminalisation des défenseurs des droits humains et des organisations de la société civile.

Organisations signataires:

Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS)
EuroMed Rights
European Civic Forum
European Network Against Racism
Fair Trials
FIDH – International Federation for Human Rights, in the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders
Front Line Defenders
Institute of Race Relations
International Service for Human Rights (ISHR)
La Strada International
Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants (PICUM)
Statewatch
World Organisation Against Torture (OMCT), in the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders
All Included (Netherlands)
AMERA International (UK)
Asociación Rumiñahui (Spain)
Association for Integration and Migration (Czech Republic)
Ban Ying e.V (Germany)
Centre for Peace Studies (Croatia)
Centre for Youths Integrated Development (UK)
CLA Voice (Bulgaria)
FAIRWORK Belgium (Belgium)
FairWork (the Netherlands)
Federación SOS Racismo (Spain)
Greek Council for Refugees (Greece)
Human Rights League (Slovakia)
İnsan Hakları Derneği / Human Rights Association  (Turkey)
INTEGRIM LAB (Belgium)
Maisha e.v. – African women (Germany)
Migrant Rights Centre Ireland
Mujeres supervivientes de violencias de género (Spain)
Network for Children’s Rights (Greece)
Progress Lawyers Network (Belgium)
SNAPAP CGATA Algerie (Algeria)
Tamkeen for legal aid and human rights (Jordan)
The Hotline for Refugees and Migrants (Israel)
UTSOPI (Belgium)

___________

1 Amendment 118 (I)/2020 de la loi de sur les associations et les fondations et autres questions liées

2 http://www.migreurop.org/article3024.html?lang=en; https://www.omct.org/en/resources/urgent-interventions/cyprus-deregistra... https://twitter.com/PICUM_post/status/1351516834596585472

3 https://kisa.org.cy/wp-content/uploads/2020/12/Report-on-KISA-Attacks-EN...

4 Recommandation CM/Rec(2007)14 du Comité ministériel aux états membres sur le statut juridique des ONG en Europe; Directives sur la protection du travail des ONG qui soutiennent les réfugiés et autres migrants; Recommandation CM/Rec(2018)11 du Comité ministériel aux états membres sur le besoin de renforcer la protection et la promotion de l'espace de la société civile en Europe; Recommandation 2086 (2016) de l'Assemblée parlementaire “Comment empêcher les restrictions inappripriées des activités des ONG en Europe?”