Des participantes à la Marche des femmes attaquées par des hommes masqués et arrêtées par la police
Le 8 mars 2020, des participantes à la Marche des femmes qui se sont réunies à Bichkek pour exprimer leur soutien aux droits des femmes ont été attaquées par un groupe d'hommes masqués non identifiés. La police, qui a d'abord observé l'attaque en silence, a arrêté la plupart des femmes qui participaient à la marche pacifique et seulement quelques-uns des assaillants.
Des organisations kirghizes de défense des droits humains et des militantes féministes organisent chaque année des marches féminines pour sensibiliser aux droits des femmes et à l’égalité des sexes et dénoncer l’intolérance, la violence et d’autres moyens d’oppression des femmes.
Le 8 mars 2020, vers midi, juste avant le début de la Marche des femmes à Bichkek, un groupe d'hommes masqués non identifiés a agressé les manifestantes pacifiques, leur a arraché des pancartes, a déchiré leurs banderoles et affiches et leur a jeté des œufs. Les participantes à la marche ont demandé la protection de la police, mais leurs demandes d'aide ont été ignorées. Au lieu de cela, la police a arrêté environ 70 manifestantes pacifiques, les a traînées de force dans des véhicules de police et les a conduites au poste. Beaucoup de détenues ont souffert d'ecchymoses, de torsions de bras et d'autres blessures. Plusieurs défenseuses des droits humains ont souffert de crises de panique suite à cette agression et ces détentions violentes. Les enfants de certaines des femmes détenues ont été laissés sans surveillance dans la rue, la police n’ayant pas autorisé les femmes à les prendre avec elles au poste. Toutes les participantes arrêtées lors de la marche ont été libérées le jour-même.
Le 10 mars 2020, au moins neuf des manifestantes détenues ont déposé des plaintes auprès du Comité d'État pour la sécurité nationale concernant les actions illégales de la police du district de Sverdlovsk.
Six femmes ayant participé à la Marche font l'objet d'une enquête pour "désobéissance à la demande légale d'un employé des affaires intérieures" ; en vertu de l'article 82 du Code administratif de la République kirghize. Parmi elles se trouvent les défenseuses des droits humains Gulyaim Aiylchi de Bishkek Feminist Initiatives et Akmerbet Kudaybergenova de l'organisation LGBTIQA Labris, ainsi qu'une avocate, une professeure d'université et une journaliste qui sont également des militantes féministes.
Le département de police du district de Sverdlovsk a informé que le 8 mars, des amendes avaient été infligées à cinq hommes pour trouble de l'ordre public.
Plus tôt, un tribunal kirghize avait interdit les rassemblements publics dans le centre de Bichkek jusqu'au 1er juillet 2020, le justifiant par la nécessité de préserver l'ordre public et de contrer la menace de coronavirus. Cependant, le 6 mars 2020, l'interdiction a été levée dans le district de Sverdlovsk où a eu lieu la Marche des femmes. La police a déclaré publiquement que les organisateurs de la Marche des femmes n’avaient pas informé les autorités de l’événement. Cependant, selon la Constitution kirghize, les organisateurs de rassemblements publics ne sont pas tenus d'en informer les autorités à l'avance.
Le 10 mars 2020, une manifestation pacifique a eu lieu à Bichkek en soutien à celles qui ont souffert de l'attaque et des détentions violentes lors de la Marche des femmes. Les manifestants ont exigé la démission des autorités supérieures du département de police du district de Sverdlovsk et l'ouverture d'une enquête approfondie sur l’attaque contre les participantes à la Marche des femmes. Alors que la manifestation du 10 mars était entièrement pacifique, un groupe de femmes a tenté de la perturber en attrapant et en donnant des coups de pied aux participantes. La veille, les organisateurs de la manifestation ont reçu des menaces en ligne et leur conversation de groupe sur Telegram a été piratée et supprimée.
Front Line Defenders condamne fermement l'attaque contre les participantes à la Marche des femmes à Bichkek et les détentions arbitraires violentes de défenseuses des droits humains et de manifestantes pacifiques par la police. Front Line Defenders rappelle aux autorités kirghizes leur devoir de respecter le droit à la liberté de réunion pacifique. Elle demande en outre au gouvernement de prendre des mesures immédiates et impartiales pour traduire en justice les responsables de l'attaque violente et du recours excessif à la force contre les participantes à la Marche pacifique des femmes, conformément aux normes internationales.