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27 Novembre 2020

Les vives inquiétudes face à l'actuelle répression contre les défenseur-ses des droits humains en Inde doivent être soulevées

Monsieur le juge Dattu,

Nous, les organisations non gouvernementales internationales et régionales soussignées, sommes préoccupées par la répression en cours menée par les organes d'État contre les défenseur-ses des droits humains en Inde. C'est dans ce contexte que nous vous écrivons pour vous demander de soulever ces préoccupations et de prendre les mesures nécessaires dans le cadre de votre mandat.

Les 28 et 29 octobre 2020, les maisons et bureaux de plusieurs défenseur-ses, groupes de défense des droits humains et journalistes à Srinagar et Bandipora (Jammu-et-Cachemire), Bangalore (Karnataka) et Delhi, ont été perquisitionnés par des responsables de l'agence nationale d'investigation (NIA). Ces raids auraient été lancés dans le cadre d'une enquête sur l'utilisation de fonds visant à «mener des activités sécessionnistes et séparatistes» au Cachemire. Les locaux perquisitionnés sont entre autre les maisons et les bureaux de plusieurs défenseur-ses des droits humains bien connus, notamment : Mme Parveena Ahangar, présidente de l'Association of Parents of Disappeared Persons (APDP) et lauréate 2017 du prix Rafto ; M. Khurram Parvez, coordinateur de la Coalition of Civil Society (JKCCS) et Président de l'Asian Federation Against Involuntary Disappearances (AFAD) ; d'autres membres du JKCCS ; et le quotidien indépendant Greater Kashmir. Des raids ont également été menés à Bangalore au domicile de Mme Swati Sheshadri, et à Delhi au domicile de M. Zafarul Islam Khan, président de l'ONG Charity Alliance et ancien président de la Commission des minorités de Delhi. Des documents et appareils électroniques, y compris des disques durs contenant des informations sensibles telles que les données personnelles et les témoignages des victimes, ont été saisis lors de ces perquisitions. Les individus et les groupes touchés par ces actions sont à l'avant-garde du mouvement des droits humains dans le pays depuis des décennies, et ces perquisitions semblent être une tentative pour les faire taire et entraver leur travail important en faveur des droits humains. Nous sommes extrêmement préoccupés par l’utilisation abusive flagrante de la loi antiterroriste, la loi sur les activités illégales (prévention) (UAPA), contre ces défenseur-ses.

Le 8 octobre 2020, M. Stan Swamy, un prêtre jésuite âgé de 83 ans et éminent militant des droits des Adivasis basé à Ranchi (Jharkhand), a été arrêté sans mandat par des responsables de la NIA chez lui. Le 9 octobre 2020, il a été transféré à Mumbai (Maharashtra), où il a été incarcéré dans la prison de Taloja. Son âge et le fait qu'il souffre d'une maladie de Parkinson à un stade avancé le rendent plus vulnérable face au risque de contracter le COVID-19. M. Swamy a été arrêté pour son implication présumée dans «l'affaire de Bhima Koregaon», une affaire de violences entre castes qui ont éclaté lors de l'Elgar Parishad à Bhima Koregaon (Maharashtra), le 1er janvier 2018.

Pas moins de 15 autres éminents défenseur-ses des droits humains connus pour leur travail en faveur des droits humains et des libertés civiles des communautés les plus marginalisées de l'Inde, ont été arrêtés à travers le pays dans le cadre de l'affaire de Bhima Koregaon en vertu de l'UAPA. Certains sont détenus depuis juin 2018. Les 15 DDH sont : M. Varavara Rao, Mme Sudha Bharadwaj, M. Vernon Gonsalves, M. Gautam Navlakha, M. Arun Ferreira, M. Sudhir Dhawale, M. Rona Wilson, Mme Shoma Sen, M. Anand Teltumbde, M. Mahesh Raut, M. Surendra Gadling, M. Hany Babu, M. Sagar Gorkhe, M. Ramesh Gaichor, et Mme Jyoti Jagtap. Leurs demandes de libération sous caution sont systématiquement rejetées.

Depuis décembre 2019, la police a également arrêté des défenseur-ses des droits humains qui manifestaient pacifiquement contre la loi discriminatoire de modification de la citoyenneté (CAA), et a porté plainte pour sédition, meurtre et terrorisme. Parmi les personnes arrêtées et actuellement emprisonnées figurent Mme Devangana Kalita, Mme Natasha Narwal, M. Umar Khalid, Mme Gulfisha Fatima, M. Meeran Haider, M. Shifa-ur-Rehman, M. Sharjeel Imam, M. Asif Iqbal, Mme Ishrat Jehan, M. Khalid Saifi et M. Akhil Gogoi. Des accusations sont également portées contre les militants anti-CAA, Mme Safoora Zargar et le Dr Kafeel Khan, qui ont récemment obtenu une libération sous caution. Nous restons également préoccupés par les poursuites judiciaires en cours contre des militants anti-CAA dans l'Uttar Pradesh ainsi que par les interrogatoires répétés de plusieurs défenseur-ses des droits humains de premier plan à Delhi.

Tandis que les défenseur-ses des droits humains en Inde sont ciblés pour leurs activités légitimes en faveur des droits humains, nos organisations exhortent la National Human Rights Commission of India à intervenir immédiatement.

Nous appelons respectueusement la National Human Rights Commission of India à mener des enquêtes indépendantes et impartiales sur les cas susmentionnés, conformément aux dispositions de la loi de 1993 sur la protection des droits humains, et conformément à son mandat de protection des droits humains, notamment des libertés d'expression, de réunion pacifique et d'association.

La plupart de ces défenseur-ses des droits humains sont toujours incarcérés et certains souffrent de graves problèmes de santé. Nous demandons donc instamment à la National Human Rights Commission of India d’intervenir auprès des tribunaux concernés et du Gouvernement indien et d’exiger leur libération immédiate.

Nous demandons également à la National Human Rights Commission of India d’entreprendre des observations judiciaires dans les affaires susmentionnées.

Nous vous remercions pour votre attention sur ces questions importantes.

Avec tout notre respect,

Signataires :

Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA)
CIVICUS: World Alliance for Citizen Participation
FIDH, in the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders
Front Line Defenders
Human Rights Watch (HRW)
International Commission of Jurists (ICJ)
International Service for Human Rights (ISHR)
Minority Rights Group (MRG)
South Asians for Human Rights (SAHR)
World Organisation Against Torture (OMCT), in the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders

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