Back to top
20 Mars 2024

Libérez immédiatement Irfan Mehraj — Appel de la société civile à l’occasion du premier anniversaire de sa détention arbitraire

Nous, organisations de la société civile soussignées, demandons la libération immédiate et inconditionnelle du journaliste et défenseur des droits humains cachemiri Irfan Mehraj. Alors qu’il était en mission professionnelle le 20 mars 2023, Irfan Mehraj a été convoqué pour être interrogé avant d’être arrêté arbitrairement par l’Agence nationale d’investigation (NIA) de l’Inde à Srinagar en vertu des dispositions du Code pénal indien et de la loi sur les activités illégales (prévention).

Irfan Mehraj est un journaliste indépendant très respecté basé à Srinagar. Il est le rédacteur en chef et fondateur du magazine Wande et rédacteur en chef de TwoCircles.net. Il a fréquemment contribué aux principales publications d’information au Cachemire, en Inde et à l’étranger (notamment Deutsche Welle et TRT World). Irfan Mehraj a également travaillé auparavant comme chercheur à la Jammu Kashmir Coalition of Civil Society (JKCCS), une organisation de la société civile de premier plan internationalement reconnue dans la partie du Cachemire administrée par l’Inde, qui réalise un travail de documentation novateur et approfondi sur les droits humains dans la région.

Irfan Mehraj fait l’objet de multiples accusations à caractère politique, notamment de « sédition » et de « financement d’activités terroristes », de même que le défenseur des droits humains de renommée internationale Khurram Parvez1, coordinateur de programme pour la JKCCS. Khurram Parvez est détenu arbitrairement depuis plus de deux ans et demi. La NIA a ciblé Irfan Mehraj parce qu’il « est un proche associé de Khurram Parvez ». Irfan Mehraj et Khurram Parvez sont actuellement en détention provisoire dans la prison de haute sécurité de Rohini, à New Delhi, en Inde.

En juin 2023, les experts des Nations Unies ont exprimé de sérieuses inquiétudes concernant les accusations portées contre Irfan Mehraj et Khurram Parvez et leur arrestation, déclarant que leur maintien en détention était « destiné à délégitimer leur travail en faveur des droits humains et à entraver la surveillance de la situation des droits humains dans le Jammu-et-Cachemire administré par l’Inde ». Le 7 mars 2024, des experts de l’ONU ont tiré la sonnette d’alarme sur le « harcèlement et la détention prolongée de défenseur⸱ses des droits humains et de journalistes » dans le pays. Les poursuites engagées contre Irfan Mehraj et Khurram Parvez visent à criminaliser le travail en faveur des droits humains dans la partie du Cachemire administrée par l’Inde ainsi que le soutien apporté à ce travail sous couvert de lutte contre le financement du « terrorisme ».

L’UAPA est une loi antiterroriste souvent utilisée par les autorités indiennes contre les défenseur⸱ses des droits humains pour les cibler, les harceler, les intimider et les détenir sur la base d’accusations fausses et politiquement motivées. En mai 2020, des experts de l’ONU ont exprimé leur inquiétude quant à la non-conformité de plusieurs dispositions de l’UAPA avec les normes internationales en matière de droits humains. En octobre 2023, ils ont réitéré leurs préoccupations, déclarant que la période de détention provisoire de 180 jours — qui peut être augmentée par la suite — est au-delà du raisonnable. Ils ont appelé à une révision de l’UAPA conformément aux normes internationales en matière de droits humains et aux recommandations formulées par le Groupe d’action financière.

La détention d’Irfan Mehraj s’inscrit dans le cadre d’une répression croissante à l’encontre des journalistes et des défenseur⸱ses des droits humains dans la partie du Cachemire sous administration indienne.

Depuis août 2019, date à laquelle le statut spécial du Jammu-et-Cachemire a été arbitrairement révoqué, les médias sont de plus en plus harcelés. Des journalistes sont arrêtés, des médias sont fermés et l’autocensure est devenue omniprésente. Dans une autre affaire emblématique, le 29 février 2024, le journaliste Asif Sultan a été de nouveau arrêté par la police du Jammu-et-Cachemire peu après avoir été libéré et avoir passé cinq ans en détention en vertu de l’UAPA et de la loi sur la sécurité publique du Jammu-et-Cachemire. Les journalistes cachemiris sont également confrontés à des interdictions de voyager et à la révocation de leur passeport par les autorités indiennes. Par conséquent, le flux d’informations en provenance du Cachemire — en particulier sur les violations des droits humains — est sévèrement limité.

La détention arbitraire d’Irfan Mehraj est emblématique de la répression croissante des autorités indiennes contre les droits humains, y compris les droits à la liberté d’expression et d’association dans le Cachemire sous administration indienne. La détention d’Irfan Mehraj et Khurram Parvez a un effet dissuasif sur les autres défenseur⸱ses des droits humains et journalistes, ce qui permet aux violations graves et systémiques des droits humains de perdurer en toute impunité et avec un minimum de transparence.

Nos organisations appellent donc à la libération immédiate d’Irfan Mehraj et de Khurram Parvez et à la fin de toutes les représailles contre les défenseur⸱ses des droits humains et les journalistes au Cachemire. Nous demandons instamment aux autorités indiennes d’abroger ou de modifier l’UAPA pour la mettre en conformité avec les normes internationales en matière de droits humains et de mettre fin à la criminalisation des défenseur⸱ses des droits humains, des journalistes et de leur travail inestimable.

Nous appelons également les autorités indiennes à se conformer à leurs obligations internationales en matière de droits humains en respectant, protégeant, promouvant et réalisant les droits humains de chacun et en permettant à la société civile et aux médias d’opérer librement au Cachemire sous administration indienne et en Inde. De même, les autorités doivent s’abstenir d’attaquer les organisations intergouvernementales, y compris les rapporteurs spéciaux des Nations unies et les autres mécanismes de défense des droits humains. Ces entités devraient avoir un accès illimité au Cachemire administré par l’Inde et aux détenus cachemiris.

Signé :

Amnesty International

Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA)

Asian Federation Against Involuntary Disappearances (AFAD)

CIVICUS: World Alliance for Citizen Participation (Alliance mondiale pour la participation citoyenne)

Front Line Defenders

FIDH, la Fédération internationale des droits de l’homme, dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur⸱ses des droits humains

Human Rights Watch

International Service for Human Rights (ISHR)

Kashmir Law and Justice Project

Martin Ennals Foundation

Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur⸱ses des droits humains

1 Khurram Parvez est secrétaire général adjoint de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), président de la Fédération asiatique contre les disparitions involontaires (AFAD) et lauréat du prix Martin Ennals 2022.