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20 Mai 2022

Préoccupation concernant le ciblage des défenseurs des droits de l'homme

Front Line Defenders exprime sa profonde inquiétude face à la recrudescence du ciblage et à l'usage excessif de la force contre les défenseurs des droits humains au Tchad, en particulier lors de la répression des manifestations pacifiques à travers le pays qui a débuté le 14 mai 2022. Depuis le 14 mai 2022, au moins quatre défenseurs des droits humains, ont été arbitrairement arrêtés et sont actuellement en détention en lien avec les manifestations pacifiques.

Le 14 mai 2022, plusieurs manifestants ont été arrêtés lors d'une manifestation pacifique organisée par le mouvement citoyen WAKIT TAMA. Les manifestations pacifiques dénonçaient les violations des droits humains, le manque de consultation et d'inclusion des défenseurs des droits humains dans la transition et la présence militaire française dans le pays. Parmi ceux arrêtés Gounoung Vaima Gan Fare, secrétaire général de l’Union des Syndicats du Tchad, Youssouf Korom Ahmat, secrétaire général du Syndicat des commerçants fournisseurs du Tchad, et; Koudé Mbainassem, un avocat et le président de l’Association Tchadienne de la libre parole à la jeunesse. Ils ont été présentés devant le parquet de N’Djamena le 16 mai et un audience est prévue le 6 juin 2022. Ils sont détenus à la prison de Klessoum à N’Djamena.

Max Loalngar, un défenseur des droits humains, avocat et le coordinateur du mouvement citoyen WAKIT TAMA, a été enlevé au domicile de sa mère le 17 mai 2022 par des inconnus à bord de deux véhicules aux vitres teintées, suite à une convocation de la police judiciaire. Selon des sources locales, le défenseur des droits humains est actuellement détenu aux services des renseignements généraux. Aucune date de procès n'a été fixée à ce jour, Max Loalngar n’a toujours pas accès à sa famille. L'association du barreau a entamé une grève pacifique le 17 mai pour protester contre la détention du défenseur des droits humains. Le 19 mai 2022, Max Loalngar a été transféré des services de renseignements généraux vers la prison de Klessom prison, où les autres défenseurs sont détenus.

Le 6 mars 2022, le défenseur des droits humains Jacques Saham Ngarassal a reçu une série d’appels anonymes le menaçant alors qu'il se rendait à un service religieux. Selon le défenseur, il a reçu cette série d'appels quelques jours après une interview qu'il a donné le 27 février 2022 à FM Liberté concernant la situation des droits de l'homme dans le pays et la sortie d'un nouveau rapport de Tournons La Page et de l'AEDH sur la transition militaire en cours. intitulé ''Tchad: Une répression héréditaire''. Le défenseur des droits humains a porté plainte auprès du procureur de N’Djamena le 9 mars contre l'inconnu.

Depuis la mort de l'ancien président, Idriss Deby Itno en avril 2021, qui a conduit à la transition militaire actuelle dirigée par son fils, Mahamat Deby Itno, les défenseurs des droits humains n'ont cessé d'exprimer leurs inquiétudes quant à l'utilisation de tactiques similaires pour faire taire les voix dissidentes et saper le travail des défenseurs des droits humains à travers le pays. Le 2 octobre 2021, une manifestation pacifique a été organisée par le mouvement citoyen WAKIT TAMA, dans le but de lutter pour la justice et l'inclusion dans le cadre de la transition militaire en cours au Tchad. La manifestation pacifique a été violemment réprimée par les forces de sécurité qui avaient été déployées pour superviser la manifestation initialement autorisée. Ceci a entraîné l'arrestation et la blessure de plusieurs manifestants, dont l'éminent défenseur des droits humains Jacques Saham Ngarassal. Au moins 16 personnes auraient été tuées et des centaines auraient été arrêtées lors d'une série de manifestations entre le 27 avril 2021 et le 19 mai 2021 dans la capital du Tchad N’Djamena, et à Moundou, la seconde plus grande ville du pays.

Front Line Defenders condamne l'arrestation et la détention brutales des défenseurs des droits humains et leur ciblage au Tchad. Elle exprime également son inquiétude face à l'usage excessif de la force par les forces de sécurité pour disperser les manifestations pacifiques, qui sont un droit fondamental consacré par la Constitution du Tchad, ce qui a conduit à l'arrestation et à la détention de défenseurs des droits humains au Tchad. Front Line Defenders appelle les autorités Tchadienne à libérer immédiatement et à cesser de prendre pour cible les défenseurs des droits humains, et à garantir que les défenseurs des droits humains puissent travailler dans un environnement sûr sans crainte de représailles.