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Abdureshit Dzhepparov face à de nouvelles charges administratives en Crimée occupée par la Russie ; l’organisation qu’il a cofondée contrainte de stopper son travail en ligne

Statut: 
Début du procès
À propos de la situation

Le 13 juin 2023, la première audience des poursuites administratives intentées contre le défenseur des droits humains Abdureshit Dzhepparov s’est tenue devant le tribunal du district de Kyivskyi à Simferopol dans la Crimée occupée par la Russie. Le défenseur est accusé d’avoir « discrédité l’utilisation des forces armées de la Fédération de Russie » à travers l’administration présumée des pages de réseaux sociaux de l’initiative des droits humains « Qirim Gayesi » (Idée de Crimée), ce qu’il dément. Il s’agit de l’une des deux affaires administratives actuellement en cours contre le défenseur des droits humains, la seconde étant liée à « l’abus présumé de la liberté des médias grand public ».

À propos d'Abdureshit Dzhepparov

HRDAbdureshit Dzhepparov est défenseur des droits humains et activiste au sein du Crimean Tatar National Movement, un mouvement qui s’emploie à sensibiliser la population au sujet des Tatars de Crimée en tant que communauté autochtone et à défendre le droit de la communauté de retourner dans son pays d’origine après leur déportation en 1944 sous le régime de Staline. Depuis l’occupation illégale de la Crimée par la Fédération de Russie en 2014, Abdureshit Dzhepparov coordonne le Crimean Contact Group on Human Rights, qui s’occupe des disparitions forcées dans la péninsule occupée par la Russie. Abdureshit Dzhepparov est l’un des cofondateurs du groupe de défense des droits humains Crimean Solidarity et de plusieurs autres initiatives notamment « Quirim Gayesi ». En 2020, il a été nommé pour le Prix Nobel de la Paix.

16 Juin 2023
Crimée (Ukraine) : Abdureshit Dzhepparov face à de nouvelles charges administratives en Crimée occupée par la Russie ; l’organisation qu’il a cofondée contrainte de stopper son travail en ligne

Le 13 juin 2023, la première audience des poursuites administratives intentées contre le défenseur des droits humains Abdureshit Dzhepparov s’est tenue devant le tribunal du district de Kyivskyi à Simferopol dans la Crimée occupée par la Russie. Le défenseur est accusé d’avoir « discrédité l’utilisation des forces armées de la Fédération de Russie » à travers l’administration présumée des pages de réseaux sociaux de l’initiative des droits humains « Qirim Gayesi » (Idée de Crimée), ce qu’il dément. Il s’agit de l’une des deux affaires administratives actuellement en cours contre le défenseur des droits humains, la seconde étant liée à « l’abus présumé de la liberté des médias grand public ».

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Abdureshit Dzhepparov est défenseur des droits humains et activiste au sein du Crimean Tatar National Movement, un mouvement qui s’emploie à sensibiliser la population au sujet des Tatars de Crimée en tant que communauté autochtone et à défendre le droit de la communauté de retourner dans son pays d’origine après leur déportation en 1944 sous le régime de Staline. Depuis l’occupation illégale de la Crimée par la Fédération de Russie en 2014, Abdureshit Dzhepparov coordonne le Crimean Contact Group on Human Rights, qui s’occupe des disparitions forcées dans la péninsule occupée par la Russie. Abdureshit Dzhepparov est l’un des cofondateurs du groupe de défense des droits humains Crimean Solidarity et de plusieurs autres initiatives notamment « Quirim Gayesi ». En 2020, il a été nommé pour le Prix Nobel de la Paix.

« Qirim Gayesi » est une organisation de défense des droits humains qui surveille et publie des rapports sur les violations du droit humanitaire international en Crimée et relaie des informations à propos des violations des droits humains dans la péninsule.

Les accusations portées contre Abdureshit Dzhepparov, qui ont été examinées par le tribunal, étaient liées à une publication sur la page Facebook « Qirim Gayesi » le 3 mars 2023. La publication parlait du transfert d’otages civils depuis d’autres territoires occupés par la Russie vers la Crimée et leur détention au secret, ainsi que du transfert forcé illégal d’enfants d’un orphelinat de la région de Kherson en Ukraine, anciennement occupée par la Russie, vers la Crimée. La publication faisait référence à la Russie en tant que « pouvoir occupant ». Le Procureur a déclaré qu’avec ces publications, le défenseur avait « discrédité l’utilisation des forces armées de la Fédération de Russie », une infraction administrative en vertu de l’article 20.3.3 du Code des infractions administratives de la Russie.

Au cours de l’audience, la Cour a établi que les policiers russes avaient examiné la page Facebook de « Qirim Gayesi » après avoir perquisitionné la maison d’Abdureshit Dzhepparov le 25 avril 2023. Après cette perquisition menée, le défenseur a été condamné à 12 jours de détention administrative pour avoir « résisté à un ordre légitime de la police », pour s’être soi-disant opposé à la saisie de son ordinateur portable pendant la perquisition.

Abdureshit Dzhepparov a reconnu qu’il était l’un des fondateurs de « Qirim Gayesi », mais il dément avoir administré leur page Facebook. Cela a été confirmé par le fait que la page a publié de nouvelles publications alors qu’il était en détention administrative en avril et mai 2023. L’organisation de défense des droits humains Crimean Solidarity a indiqué que le tribunal avait accepté d’interroger le témoin lors de la prochaine audience, prévue le 26 juin 2023.

Le 12 juin 2023, la veille de l’audience d’Abdurehit Dzhepparov, « Qirim Gayesi » a publié un communiqué indiquant que l’initiative cesse ses activités en ligne et que sa page Facebook sera supprimée pour exprimer sa solidarité avec Abdureshit Dzhepparov et pour le soutenir pendant le procès. « Notre équipe a fait face à un choix difficile : continuer à dire la vérité sur la répression et les violations des droits humains en Crimée, mais exposer le militant Abdureshit Dzhepparov à des risques importants, ou faire tout ce qui est en notre pouvoir pour détourner cette menace », peut-on lire dans le communiqué.

L’autre accusation administrative contre Abdureshit Dzhepparov concerne des allégations d’« abus de la liberté des médias grand public », une infraction en vertu de la partie 9 de l’article 13.15 du Code des infractions administratives russe. Ces accusations renvoient à des publications de « Qirim Gayesi » à propos de bruits d’explosions près de la ville de Feodosia le 8 avril 2023 et la conscription forcée des Tatars de Crimée par les autorités d’occupation. Le procès pour ces accusations doit avoir lieu le 4 juillet 2023.

Ce n’est pas la première fois que les autorités russes de facto en Crimée ciblent Abdureshit Dzhepparrov pour son travail en faveur des droits humains. Le 25 avril 2023, vers 7 heures du matin, le domicile familial du défenseur à Bilohirsk a été perquisitionné par des inconnus armés vêtus d’uniformes militaires russes, qui l’ont ensuite emmené dans un lieu inconnu. Plus tard, le défenseur, qui n’avait pas pu contacter son avocat, a été accusé d’avoir « résisté à un ordre légal de la police », car il se serait opposé à la saisie de son ordinateur portable pendant la perquisition, et a été placé en détention administrative pendant 12 jours. La maison du défenseur a également été perquisitionnée en mars 2022, après quoi il a été détenu pendant 15 jours pour avoir partagé en 2019 une vidéo qui montrait soi-disant des symboles nazis, violant l’article 20.3 du Code des infractions administratives russe. Le 27 septembre 2014, Islyam Dzhepparov, le fils d’Abdureshit Dzhepparov, et son neveu, Dzhevdet Islyamov ont disparu de force près du village Tatar de Crimée Sary-Su, dans le district de Bilohirsk, et ils sont toujours portés disparus.

Depuis l’occupation de la Crimée en 2014, les défenseur⸱ses des droits humains, comme Abdureshit Dzhepparov, sont régulièrement ciblés pour leur travail légitime et non violent en faveur des droits humains. Cela contribue à réduire la liberté d’expression et a un effet paralysant sur la société civile en Crimée, et en particulier sur la communauté autochtone des Tatars de Crimée. Le ciblage du défenseur des droits humains a lieu dans le contexte d’une enquête ouverte par la Chambre préliminaire II de la Cour pénale internationale sur un crime de guerre présumé, à savoir la déportation illégale de la population (enfants) et du transfert illégal de la population (enfants) hors des régions occupées de l’Ukraine. Le 17 mars 2023, la Cour a émis un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine et l’ombudsman russe en charge des enfants Maria Lvova-Belova.

Front Line Defenders est profondément préoccupée par l’acharnement judiciaire continu du défenseur des droits humains Abdureshit Dzhepparov, qui a conduit l’initiative des droits humains « Qirim Gayesi » à limiter radicalement sa présence en ligne et son travail de protection des droits humains. Front Line Defenders considère que les menaces contre le défenseur des droits humains et les Tatars de Crimée sont des représailles contre leur travail légitime et pacifique en faveur des droits humains. Front Line Defenders pense que l’élargissement des codes administratifs et criminels de la Fédération de Russie avec un ensemble d’articles portant sur le « discrédit » et les « faux » relatifs à l’armée russe favorise la censure dans le pays et est utilisé de manière disproportionnée pour cibler les défenseur⸱ses des droits humains et les journalistes, y compris ceux des territoires occupés par la Russie en Ukraine.

Front Line Defenders exhorte les autorités de la Fédération de Russie à :

  • Cesser toute persécution et cibler le défenseur des droits humains Abdureshit Dzhepparov pour son travail légitime et pacifique en faveur des droits humains ;
  • Cesser de cibler l’organisation de défense des droits humains « Qirim Gayesi » pour son travail légitime et non violent ;
  • Abroger les articles récemment introduits du Code pénal russe et du Code des infractions administratives qui visent à cibler les soi-disant « discrédits » et « faux » contre les actions de l’armée russe ;
  • Garantir qu’en toutes circonstances tous les défenseur⸱ses des droits humains dans le territoire contrôlé de facto par la Fédération de Russie soient en mesure de mener à bien leurs activités légitimes en faveur des droits humains et d’exercer leurs droits, en particulier la liberté d’expression et la liberté de réunion, sans craindre de représailles ni aucune forme de restriction.