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21 Décembre 2020

La FDDH Jane Beatriz da Silva Nunes assassinée au Brésil

Front Line Defenders condamne l'assassinat de la défenseuse des droits humains Jane Beatriz da Silva Nunes, décédée lors d'une opération de police menée par la Brigade militaire à Porto Alegre, Rio Grande do Sul.

Jane Beatriz da Silva Nunes était une défenseuse des droits humains très respectée ; elle était membre du mouvement pour les droits des Noirs et du mouvement féministe à Grande Cruzeiro. Ayant vécu à Grande Cruzeiro pendant plus de quarante ans, Jane Beatriz da Silva Nunes était impliquée dans de nombreux projets locaux, dont la fondation de l'Association União das Vilas, une congrégation de 36 communautés de Grande Cruzeiro, dans la zone sud de la capitale de Rio Grande do Sul. Elle a également contribué à la création de plusieurs ONG de soutien aux femmes, dont l'Association Maria Mulher des femmes solidaires de Vila Cruzeiro (Assmusol), et à la mise en œuvre réussie du programme d'acquisition de nourriture (PAA) dans la communauté.

Le 8 décembre 2020, des policiers ont fait irruption au domicile de Jane Beatriz da Silva Nunes à Grande Cruzeiro sans mandat. La défenseuse des droits humains a fait face aux policiers, affirmant ses droits à la dignité, à la vie privée et à l'inviolabilité de son domicile. Les circonstances de sa mort restent floues et différentes versions de l'incident ont été rendues publiques. Le 11 décembre 2020, Themis - Gender Justice and Human Rights, une organisation de la société civile basée à Porto Alegre qui lutte contre l'injustice et la discrimination subies par les femmes dans le système judiciaire, a appelé à l'ouverture d'une enquête complète et impartiale sur l'incident.

Selon les déclarations des habitants et des organisations locales, les invasions de domicile sans mandat sont une pratique régulière de la Brigade militaire de Grande Cruzeiro, destinée à intimider la communauté locale et les défenseur-ses des droits humains. La mort de Jane Beatriz da Silva Nunes n’est pas un cas isolé, mais malheureusement elle n'est qu'un autre exemple des actions ciblées discriminatoires contre la population noire au Brésil. Rien qu'en 2020, dans l'État de Rio Grande do Sul, au moins 90 décès ont été causés par la brutalité policière. Dans un tel contexte, être une femme noire défenseuse des droits humains qui joue un rôle important et visible au sein de la communauté est en soi un risque sérieux. Selon le Fórum Brasileiro de Segurança Pública (Forum brésilien de la sécurité publique), 75% des personnes tuées au Brésil en 2019 étaient noires et entre 2007 et 2017, les meurtres de femmes noires ont augmenté de 29,9%.

Le profilage racial suivi d'actes de violence par la police est un problème récurrent au Brésil qui a un impact critique sur la capacité des défenseur-ses des droits humains noirs à travailler en toute sécurité. En 2020, le «Mouvement des favelas» de Rio de Janeiro, en partenariat avec le Défenseur public de l'État de Rio de Janeiro et plusieurs organisations de la société civile, a porté une affaire relative à ces violences devant le Tribunal fédéral suprême (STF). Il appelait à une «action judiciaire de contrôle constitutionnel», communément appelée «ADPF des favelas», pour reconnaître et remédier aux graves violations de la politique de sécurité publique par l'État de Rio de Janeiro sur les populations noires et pauvres des favelas et les quartiers pauvres pendant les opérations de police. Le «Mouvement des favelas» a obtenu la suspension des activités policières dans les favelas et les quartiers pauvres dans l'État de Rio de Janeiro pendant le confinement dû à la pandémie de COVID-19. Bien que cette décision de la Cour suprême représente une victoire pour la société civile, dans les faits les mesures judiciaires de l'ADPF doivent encore être mises en œuvre ; le gouvernement de Rio de Janeiro ne les a pas respectées à plusieurs reprises. En l’absence d’une telle mise en œuvre, compte tenu de la nature de leur travail, les défenseurs des droits humains risquent fort de subir des brutalités policières ; leur importance et leur visibilité dans les quartiers signifient qu'ils sont susceptibles de recevoir le plus fort de cette violence généralisée.

Front Line Defenders condamne la violence employée par la police au Brésil et l'impact disparate de ce profilage racial et de cette politique discriminatoire sur les membres du mouvement Noir, du mouvement féministe et des défenseur-ses des droits humains au Brésil. Front Line Defenders condamne en outre le meurtre de la défenseuse des droits humains Jane Beatriz da Silva Nunes, car elle estime que son travail en tant que défenseuse des droits humains et sa mort consécutive sont le résultat de la violence aveugle à laquelle la population noire au Brésil, mais aussi les femmes défenseuses des droits humains, sont confrontées au quotidien. Elle appelle les autorités brésiliennes à mener une enquête complète et impartiale sur la cause et les circonstances de la mort de Jane Beatriz da Silva Nunes. Front Line Defenders exhorte les autorités à garantir que tous-tes les défenseur-ses des droits humains au Brésil puissent mener à bien leur travail légitime, sans craindre ni restrictions ni représailles.