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6 Juin 2018

La défenseuse des droits humains Atena Daemi écrit une lettre depuis la prison Evin

Le Comité des femmes du Conseil national de la résistance en Iran (NCRI) a publié une lettre de la FDDH emprisonnée Atena Daemi. Atena est défenseuse des droits humains et des droits des enfants. Elle plaide pour les droits des enfants à Kobane et à Gaza, les droits des femmes, et milite contre la peine capitale. Elle a été arrêtée en 2015 et condamnée à quatorze ans de prison. Depuis qu'elle est détenue, elle est victime de violence et de mauvais traitements perpétrés par des gardiens de la prison et, en début d'année, elle a commencé une grève de la faim avec une autre FDDH codétenue, Golrokh Ebrahimi Iraee. La lettre dit:

La Révolution n'a atteint aucun de ses objectifs

Il y a 41 ans, les manifestants sont descendus dans la rue pour lutter contre la pauvreté, la dépendance, la différence de classes, la corruption des fonctionnaires etc. Ils ont organisé des réunions secrètes, ils ont discrètement distribué des cassettes audios et des tracts dans l'obscurité de la nuit, écrit sur les murs, organisé des rassemblements et fait grève, brisé des fenêtres et incendié des biens publics, des bus, des banques, ils se sont procurés des armes et ont fabriqué des bombes artisanales, et tué des hauts dignitaires et cela avait fini par conduire à la révolution de 1979.  J'ai de nouveau étudié tout cela pendant les 107 jours où j'étais en exil à Qarchak (prison). C'était la mémoire de personnes qui parlaient fièrement de ce qu'elles avaient fait, et désormais, beaucoup d'entre elles sont de hauts dignitaires de ce régime.

Mais aucun des problèmes censés être réglés par ces actions honorables n'ont été éliminés ; au contraire, ils ont empiré et ont été exacerbés par des massacres et des fosses communes.

Depuis 40 ans, les critiques et les protestations de notre peuple en colère et fatigué sont réprimées de la façon la plus cruelle qui soit ; les gens sont emprisonnés, exécutés, envoyés en exil et victimes de disparitions forcées. Tout comme le fait Daech, ils sont renversés par des voitures. Même leurs convictions religieuses ont été gravement sapées par ce régime islamique. La prison de Qarchak et ses habitants ne sont qu'une petite partie des réussites de la révolution.

Plus déterminés à s'opposer à toute forme de violence

"La revanche" est ce qui est le plus vu et entendu dans notre pays islamique! En tant que défenseuse des droits humains et fervente opposante à la peine de mort, je suis contre toute forme de violence.

Cependant, au fil de mes années d'activité, mes croyances et mes opinions ont été rejetées. On m'a dit que le châtiment est un droit, selon l'Islam et le Coran! Mais je ne comprends pas pourquoi seulement quelques personnes peuvent exercer ce droit. Et ceux qui subissent injustement des nuisances depuis 40 ans, et leurs proches, sont tués ou emprisonnés, et ils ne sont pas autorisés à exercer leur droit au châtiment contre ceux qui détiennent le pouvoir, ni même à revendiquer leurs droits fondamentaux.

Par exemple, lorsqu'ils ont fabriqué de toute pièce une nouvelle affaire contre moi et qu'ils m'ont condamnée à une peine de prison inéquitable, ils ont aussi inventé une affaire contre mon père et mes deux sœurs. Ensuite, après m'avoir frappée et insultée, ils m'ont illégalement envoyée à Qarchak sans raison. Le pire de tout a été le violent passage à tabac de ma mère malade et de ma sœur ; ils ont aussi privé celle-ci de la joie de sa nuit de noce.

Et, après toute la douleur et les souffrances infligées à ma famille uniquement à cause de moi et de mes opinions, critiques, manifestations et activités pacifiques, ma famille n'a pas le droit de manifester. Les autorités attendent de moi que je considère leurs actions comme justes ; ils attendent que j'abandonne mes propres convictions, que je reste silencieuse et que je respecte leurs ordres.

Mais Atena Daemi est plus déterminée et plus sérieuse aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été, pour lutter pour ses objectifs, en dépit du risque d'être maltraitée et harcelée.

L'affaire de Ramin Hossein Panahi

Je veux parler de la famille de Ramin et Hossein Panahi, qui, jeunes et vieux, n'ont jamais connu le calme et la sécurité pendant les 40 dernières années. Huit ans de prison pour le frère le plus âgé, emprisonné avec un statut indéterminé. Ils l'ont ensuite libéré, mais un autre frère a été tué dans un accident suspect alors qu'il lui rendait visite. L'un des membres de la famille est convoqué et arrêté au moins deux fois par an. Leur maison est régulièrement attaquée et saccagée pour les terroriser, et ils sont menacés, sans fin.

Ramin est témoin de cette oppression depuis son plus jeune âge. Il a compris la vérité, comme des milliers d'autres, et a pris le même chemin que ses proches. Un chemin qui mène à l'indépendance et des centaines de personnes ont été emprisonnées et exécutées pour ça. Des personnes chères telles que Farzad Kamangar, Shirin Alam Houli, Ehsan Fattahian, Shirkou Ma’arefi, et la plus ancienne femme détenue Zeinab Jalalian.

Outre sa cause et son objectif louable, Ramin est régulièrement témoin de la façon vicieuse dont les familles et ses compatriotes sont réprimés pour leurs activités pacifiques. Il a vu sa vieille mère dire au procureur, après les nombreuses arrestations de ses enfants, qu'elle se tuerait s'il ne laisse pas ses enfants libres.

Il a vu chaque membre de sa famille subir la pression pour que son autre frère, Amjad, cesse ses activités en faveur des droits humains en Europe. Je peux très bien ressentir ce qu'Amjad ressent.

Ramin a été témoin de tout cela et il est devenu de plus en plus déterminé à atteindre ses objectifs. Cependant, aujourd'hui, il est accusé d'être un terroriste et il a été condamné à mort en vertu du même scénario!

Et son honorable nièce a également été témoin de toutes ces situations catastrophiques et elle a, sous l'intenable pression des forces de sécurité, préféré mourir que de vivre sous le joug de la tyrannie. Qu'elle repose en paix.

Ceux qui préfèrent mourir plutôt que de se rendre

Oui, vous devez savoir que plus vous avez recours à la violence et à la répression, plus de gens préfèreront mourir plutôt que de se rendre à l'oppression, comme les filles de Koubani qui ont sauté du haut des montagnes de Koubani et sont mortes pour se protéger et ne pas être bafouées par Daech. Désormais, au lieu de torturer, enregistrer de faux aveux, et prononcer des peines de mort, vous devriez réfléchir aux raisons qui poussent les gens à critiquer, manifester, s'opposer et enfin à devenir vos ennemis. Pour comprendre pourquoi, vous devez examiner votre propre comportement et vos actions.

Personnellement, je rejette toute forme de violence. Je condamne la peine de mort prononcée sous n'importe quel prétexte contre quiconque pour ses croyances ou opinions.

Et Qarchak! Ce fut pour moi une grande, bien qu'amère, expérience. C'était en fait une grande école ! Cet exil forcé m'a encore plus ouvert les yeux sur une grande partie de la société qui est oubliée ou cachée derrière une fausse propagande.

Je pense que les conditions intolérables de la prison de Qarchak doivent être dénoncées. C'est un camp de concentration, un camp de réhabilitation et ça s'appelle le centre de repentance Shahr-e Ray. Il y a beaucoup à dire sur ce centre de repentance où ceux qui y sont enfermés y trouvent tout sauf la repentance. Je parlerai bientôt de la vérité.

Je suis reconnaissante envers ceux qui ont été bons avec nous, comme ils le pouvaient, malgré leur agonie et leurs douleurs dans ce cachot sombre. Je le répète, je reste humble devant chacun de ces prisonniers, même s'ils ont été contraints de nous insulter ou de nous frapper !

Je suis aussi reconnaissante envers ceux qui se souviendront de nous lorsque nous étions absents. Pour finir, je souhaite exprimer toute ma reconnaissance à ma chère famille qui ne m'a abandonnée, même une minute, tout au long de ces années, bien qu'elle ait été la cible de matraques électriques et de battes.

Atena Daemi
25 mai 2018
Prison Evin