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28 Novembre 2023

Lettre conjointe concernant les décisions de plusieurs gouvernements européens de suspendre ou de revoir leur financement des organisations de la société civile palestinienne et israélienne

Dans une lettre ouverte, Front Line Defenders et 99 autres organisations de la société civile expriment leur profonde inquiétude face à la décision de l’UE et de plusieurs États européens de suspendre ou de revoir leur financement des organisations de la société civile palestinienne et israélienne.

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Nous, les organisations soussignées, vous écrivons pour vous faire part de notre inquiétude concernant la décision de plusieurs gouvernements européens de suspendre ou de revoir leur financement de plusieurs organisations de la société civile palestinienne et israélienne. Nous sommes profondément préoccupées par ces développements et nous demandons à votre gouvernement de revenir sur toute décision visant à mettre un terme à ce financement crucial. Une réduction des fonds alloués à ces groupes et organisations porte atteinte à la protection des droits humains en Israël et dans les territoires palestiniens occupés (TPO) et remet en question votre capacité à promouvoir et à protéger de manière crédible les valeurs universelles des droits humains dans l’ensemble du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MOAN).

Plusieurs États européens, à savoir l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, la Finlande,  la Suède et la Suisse, ainsi que la Commission européenne ont pris des mesures pour suspendre ou réexaminer leur financement versé aux organisations de la société civile palestinienne et israélienne en raison d’allégations infondées de détournement de fonds vers des organisations terroristes. Ces mesures se sont intensifiées à la suite des attaques menées par le Hamas et d’autres groupes armés le 7 octobre 2023, au cours desquelles des membres du Hamas et d’autres groupes armés ont perpétré des exécutions sommaires, des prises d’otages de civils et des tirs de roquettes aveugles sur Israël.

Si nous sommes tout à fait d’accord pour dire que la responsabilité et la transparence doivent être au cœur de l’aide internationale au développement et que les donateurs ont la responsabilité de revoir régulièrement leur financement, nous sommes préoccupés par le calendrier, la raison d’être et l’impact des révisions annoncées récemment. À notre connaissance, les raisons de l’arrêt ou de la révision des financements comprennent des préoccupations non fondées selon lesquelles les fonds pourraient être indirectement détournés vers des groupes armés tels que le Hamas, et des affirmations non fondées selon lesquelles le travail légitime des organisations de la société civile qui documentent et dénoncent les violations des droits humains par le gouvernement israélien équivaut à de l’antisémitisme et/ou incite à la violence à l’encontre de l’État d’Israël.

Il n’existe à ce jour aucune preuve crédible que des fonds de l’UE ou d’État européen aient été acheminés vers des groupes armés palestiniens. Depuis des années, les organisations de la société civile palestinienne sont accusées d’être liées au terrorisme dans le but de saper leur travail et leur légitimité. Elles font l’objet d’examens minutieux de la part des donateurs internationaux et l’aide fournie est rigoureusement passée en revue par les donateurs à intervalles réguliers. Les annonces récentes de plusieurs donateurs européens et de l’UE elle-même approuvent implicitement les allégations infondées d’Israël selon lesquelles les ONG palestiniennes ont des liens avec le terrorisme, et qu’elles fonctionnent grâce à des années d’abus et de détournement des réglementations antiterroristes mondiales, y compris la recommandation n° 8 du Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI).

Nous sommes profondément préoccupées par le fait que ces décisions constituent une ingérence indue dans le travail des organisations de la société civile qui promeuvent et protègent les droits humains pour tous en Israël et dans les TPO. Le fait d’exiger que les organisations adhèrent à certaines lignes politiques représentant les positions politiques des États donateurs porte atteinte à leur liberté d’expression et la limite. En suspendant tout financement du développement en faveur de la Palestine dans l’attente d’un réexamen, la Suède a également souligné qu’elle n’accorderait plus de financement du développement à des acteurs qui ne condamnent pas le Hamas. Le fait de ne pas condamner les actes criminels commis par le Hamas et les groupes armés palestiniens contre les civils israéliens n’équivaut cependant pas à une incitation à la violence ou à une complicité de violence. Pénaliser le silence d’un individu ou d’un groupe sur une question va directement à l’encontre de leur droit à la liberté d’expression et à la liberté de conscience et de croyance. Seuls les discours qui portent atteinte aux droits d’autrui ou qui prônent la haine et incitent à la discrimination ou à la violence devraient être interdits.

Ces décisions violent également les engagements pris par les États à l’égard des défenseur⸱ses des droits humains en vertu des Orientations de l’Union européenne concernant les Défenseurs des Droits de l’Homme, des Lignes directrices de la Suisse sur les défenseuses et défenseurs des droits de l’Homme et de l’engagement général en faveur des droits humains et de la liberté d’association. La liberté d’association garantit que toute personne peut s’organiser, former des groupes et y participer, de manière formelle ou informelle. Elle englobe le droit d’un groupe de prendre des mesures collectives pour défendre les intérêts de ses membres. La possibilité de rechercher, de recevoir et d’utiliser des fonds, y compris des fonds externes, est un élément fondamental du droit à la liberté d’association. L’exercice du droit à la liberté d’association ne doit faire l’objet d’aucune restriction qui ne soit prévue par la loi et qui ne soit nécessaire dans une société démocratique à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à l’ordre public, à la protection de la santé ou de la morale publique, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Les accusations non fondées et discriminatoires associant les organisations de la société civile opérant dans les TPO à des groupes armés ou à des activités criminelles ne répondent pas au critère de limitation légitime de la liberté d’association. L’utilisation de mesures antiterroristes ou « anti-extrémisme » comme prétexte pour entraver le travail de la société civile indépendante constitue une violation du droit international.

La décision de suspendre et de réexaminer le financement, en particulier en ce moment, ne fera qu’aggraver une situation des droits humains déjà désastreuse en Israël et dans les TPO. Les défenseur⸱ses des droits humains et les organisations en Israël et dans les TPO sont des acteurs clés pour documenter les violations des droits humains dans la région, plaider pour que les responsables de ces violations rendent des comptes et chercher des solutions efficaces pour les victimes et les survivants. Ces organisations apportent une contribution inestimable au travail des organisations internationales de défense des droits humains, des organisations internationales et des gouvernements d’autres régions ayant une influence sur la situation des droits humains en Israël et dans les TPO. Pour ces raisons, les autorités israéliennes restreignent leur capacité à recevoir des financements, les rendant ainsi dépendantes des financements extérieurs.

Enfin, la crédibilité des approches des gouvernements européens face à la crise actuelle à Gaza, en Cisjordanie et en Israël a déjà été mise à mal par les restrictions qu’ils ont imposées aux droits à la liberté d’expression et de réunion des personnes et des groupes qui manifestent contre les violations du droit humanitaire international et les crimes de guerre potentiels commis par les autorités israéliennes à l’encontre des Palestiniens de Gaza. Non seulement de nombreux États européens ne dénoncent pas les graves violations du droit humanitaire international commises par Israël ou ne demandent pas à toutes les parties concernées de rendre des comptes, mais ils prennent également des mesures qui ont pour effet de restreindre la liberté d’expression et de réunion en Europe et de compromettre l’espace civique et la protection des droits humains en Israël et dans les territoires palestiniens occupés en suspendant leur soutien aux acteurs locaux qui défendent les droits humains.  

Les menaces de couper les financements ou l’arrêt effectif de ces derniers destinés aux groupes et aux organisations qui défendent les droits humains en Israël et dans les TPO aligneraient les États européens sur les gouvernements répressifs de la région MOAN qui emploient des tactiques similaires pour fermer l’espace civique et faire taire les voix vitales qui accomplissent un travail essentiel. Nous savons que l’on ne pourra parvenir aux droits humains pour tous qu’avec la participation significative de la société civile, sur la base des principes d’égalité, de sécurité, de justice et de dignité humaine. Les empêcher de poursuivre leur travail ne ferait que saper les espoirs d’un avenir où chacun en Israël et dans les TPO pourra jouir de droits égaux.

Sincères salutations,

  1. ActionAid International
  2. Alianza por la Solidaridad – ActionAid Spain
  3. Amnesty International
  4. Annulliamo La Distanza
  5. Asociación Española de Investigación para la Paz (AIPAZ)
  6. Association for Progressive Communications – APC
  7. Associazione delle Organizzazioni Italiane di Cooperazione e Solidarietà Internazionale (AOI)
  8. Associazione di Cooperazione e Solidarietà (ACS)
  9. Armadilla Scs
  10. Asamblea de Cooperación por la Paz
  11. Bloody Sunday Trust
  12. Broederlijk Delen
  13. Central Union for Child Welfare (Lastensuojelun Keskusliitto)
  14. Centre Delàs d’Estudis per la Pau
  15. Centre for Global Education
  16. Christian Aid Ireland
  17. CIDSE
  18. CISS
  19. CIVICUS
  20. CNCD-11.11.11
  21. Comhlámh Justice for Palestine
  22. Comité catholique contre la faim et pour le développement
  23. Coopération Nord-Sud
  24. COSPE
  25. Derechos Digitales · América Latina
  26. Diakonia Sweden
  27. Digital Action
  28. Een Andere Joodse Stem / Another Jewish Voice (Belgium)
  29. EuroMed Rights
  30. European Jews for a Just Peace
  31. FIAN International
  32. Finnish Refugee Advice Centre
  33. Fondazione La Locomotiva
  34. Forum for Development and the Environment
  35. Forum Ziviler Friedensdienst (forumZFD)
  36. Free Press Unlimited
  37. Frieda – the Feminist Peace Organisation
  38. Front Line Defenders
  39. Gerechtigkeit und Frieden in Palästina (GFP)
  40. Glas ljudstva (Voice of the people)
  41. Global Justice Center
  42. Het Actiefonds
  43. Hivos
  44. Housing and Land Rights Network – Habitat International Coalition
  45. Human Rights House Foundation
  46. Humanitas – Centre for Global Learning and Cooperation
  47. humanrights.ch
  48. IM Swedish Development Partner
  49. Ina autra senda – Swiss Friends of Combatants for Peace
  50. Institut PROJA
  51. International Media Support
  52. International Partnership for Human Rights (IPHR)
  53. International Service for Human Rights (ISHR)
  54. Ireland-Palestine Solidarity Campaign
  55. Irish Anti-Apartheid Campaign for Palestine (IAACP)
  56. Irish Council for Civil Liberties
  57. Jewish Voice for Democracy and Justice in Israel/Palestine (Switzerland)
  58. Jews for Justice for Palestinians
  59. KFUK-KFUM Global
  60. La Coordinadora de Organizaciones para el Desarrollo (Spain)
  61. Lebanese Center for Human Rights
  62. MADRE
  63. Majal.org
  64. Médecins du Monde Suisse
  65. Medico International
  66. Medico International Schweiz
  67. Movement for Peace (MPDL)
  68. Mundubat Foundation
  69. Nobel Women’s Initiative
  70. Norwegian Helsinki Committee
  71. Norwegian Human Rights Fund
  72. Norwegian Peoples Aid
  73. Norwegian Students’ and Academics’ International Assistence Fund (SAIH)
  74. Novact
  75. ONG Rescate Internacional
  76. Open Briefing
  77. Outright International
  78. Oxfam International
  79. Palästina-Solidarität Region Basel
  80. Pax Christi – Deutsche Sektion
  81. Piattaforma delle OSC Italiane in Medio Oriente e Mediterraneo
  82. PIC – Legal Center for the Protection of Human Rights and the Environment
  83. Platform of French NGOs for Palestine
  84. Première Urgence Internationale
  85. Rafto Foundation
  86. Sadaka – The Ireland Palestine Alliance
  87. Saferworld
  88. Slovene Philanthropy
  89. SOLIDAR
  90. Suomen Setlementtiliitto
  91. Terre des Hommes International Federation
  92. The Fund for Global Human Rights
  93. The Kvinna till Kvinna Foundation
  94. Trans ry
  95. Trasek ry
  96. Trócaire
  97. Un Ponte Per
  98. War Child UK
  99. Weltfriedensdienst e.V.
  100. zusa – art of collaboration