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23 Mai 2024

Justice pour Bung Sanesangkhom, cessez de harceler les dissidents

The Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA), CIVICUS : l’Alliance mondiale pour la participation citoyenne (CIVICUS), Focus on the Global South, Front Line Defenders, Asia Democracy Network sont profondément attristés et indignés par la mort tragique de Netiporn « Bung » Sanesangkhom, une jeune militante qui se battait pacifiquement et courageusement pour la justice et la réforme de la monarchie en Thaïlande.

Bung était membre du groupe de protestation Thalu Wang, qui milite pour la modification de la loi thaïlandaise sur la diffamation royale (lèse-majesté), fréquemment utilisée pour punir toute personne perçue comme diffamatoire, insultante ou menaçante à l’égard de la monarchie thaïlandaise.

Le 14 mai 2024, Bung a été victime d’un arrêt cardiaque et est décédée alors qu’elle était sous la garde du département correctionnel, ce qui suscite des critiques quant à la qualité des traitements qu’elle a reçus à un moment aussi critique avant d’être transférée de la prison vers l’hôpital universitaire de Thammasat, dans la province de Pathum Thani.

La détention de Bung faisait suite à sa condamnation à un mois de prison pour outrage à magistrat le 26 janvier 2024. Cependant, le même jour, la Cour a révoqué sa libération sous caution dans une autre affaire de lèse-majesté liée à une manifestation de 2022 au cours de laquelle elle avait brandi une banderole dans un centre commercial de Bangkok, se demandant si les cortèges royaux causaient ou non des désagréments au public.

Cette révocation met en évidence les mesures sévères et oppressives prises à l’encontre des personnes qui exercent leur liberté d’expression et leur droit de manifester.

L’utilisation de la loi de lèse-majesté contre les défenseur⸱ses des droits humains et les critiques

Le 27 janvier 2024, à la suite de sa condamnation, Bung a entamé une grève de la faim partielle pour exiger des réformes du système judiciaire. Bung espérait que le gouvernement thaïlandais cesse d’emprisonner les voix dissidentes.

Ce n’est pas la première fois qu’une personne accusée de lèse-majesté décède en détention. Le 8 mai 2012, Amphon Tangnoppakhun est décédé quelques mois après avoir entamé une peine de 20 ans de prison. Malgré la faiblesse des preuves, il a été reconnu coupable d’avoir envoyé des SMS irrespectueux à l’égard de la reine Sirikit.

La mort de Bung rappelle les conséquences tragiques et inhumaines de la loi de lèse-majesté ainsi que le mépris du gouvernement pour le droit à la liberté sous caution des détenus politiques, y compris ceux qui n’ont pas été déclarés coupables par un jugement définitif, mais qui osent contester les systèmes.

Le gouvernement thaïlandais doit écouter les demandes de plus en plus nombreuses de son propre peuple et de la communauté internationale et abroger la loi de lèse-majesté.

La loi de lèse-majesté est utilisée comme un outil politique pour réduire au silence les défenseur⸱ses des droits humains et ceux qui critiquent le gouvernement thaïlandais. En 2020, des manifestations massives réclamant des réformes de la monarchie ont éclaté en Thaïlande. Entre novembre 2020 et mai 2024, au moins 272 personnes ont été inculpées en vertu de la loi de lèse-majesté, selon le groupe Thai Lawyers for Human Rights.

Même avant la mort de Bung, la loi de lèse-majesté continuait à menacer le droit des Thaïlandais à exprimer leurs opinions politiques. Le 14 mars 2024, l’utilisateur d’un réseau social a été condamné à 50 ans de prison pour avoir publié en ligne son avis à l’égard de la monarchie. Sur les 18 messages publiés sur les réseaux sociaux, 14 ont conduit à des accusations en vertu de la loi de lèse-majesté, et quatre en vertu de la loi sur la criminalité informatique, qui permet aux autorités de bloquer ou de supprimer des sites et des contenus illégaux ou inappropriés, exerçant ainsi un contrôle important sur le droit des citoyens à la liberté d’expression et à la liberté sur Internet. Son application entraîne une autocensure généralisée et une diminution des discussions en ligne sur des sujets « sensibles ». Les accusés ont été placés en détention provisoire pendant 144 jours avant de recevoir leur première sentence du tribunal d’instance. La peine a été réduite à 25 ans après qu’ils ont plaidé coupables.

Tout comme beaucoup d’autres éminents défenseurs de la démocratie, Arnon Nampa a été condamné à quatre ans de prison sans possibilité de libération conditionnelle, en septembre 2023, pour avoir violé la loi de lèse-majesté en raison d’une remarque sur la monarchie lors d’un rassemblement en faveur de la démocratie en 2020. En janvier 2024, il a été condamné à quatre ans de prison pour diffamation royale à la suite d’un message posté sur les réseaux sociaux en 2021. En avril 2024, il a été condamné à une peine supplémentaire de deux ans pour insulte royale, ce qui porte sa peine totale à dix ans de prison. Dans le même temps, l’ancienne fonctionnaire Anchan a été condamnée pour 29 chefs d’accusation en vertu de ladite loi, ce qui lui a valu une peine d’emprisonnement de 87 ans, qui a ensuite été réduite de moitié après qu’elle a plaidé coupable.

Une coalition de groupes de la société civile et d’activistes thaïlandais a présenté le « projet de loi d’amnistie pour le peuple » (« Amnesty for People Bill, »), qui vise à mettre fin aux poursuites judiciaires pour des motifs politiques et à résoudre les affaires juridiques en suspens liées à l’expression politique.

Le projet de loi préconise une amnistie complète pour les personnes inculpées dans le cadre des troubles politiques en Thaïlande qui ont donné lieu à plusieurs manifestations et appels des réformes depuis septembre 2006, date à laquelle le coup d’État militaire a chassé l’ancien gouvernement civil du pays. Une audience publique sur le projet de loi est en cours.

Appel à agir

Nous demandons instamment au gouvernement thaïlandais de mener une enquête approfondie, indépendante et crédible afin de déterminer les causes et les circonstances de la mort de Bung alors qu’elle était sous la garde de l’administration pénitentiaire. Les résultats de l’autopsie doivent être rendus publics rapidement.

Les détenus politiques qui n’ont pas été condamnés par un jugement définitif devraient se voir accorder le droit à la liberté sous caution.

Nous appelons les autorités thaïlandaises à soutenir la proposition de loi d’amnistie populaire, car il est essentiel que le gouvernement amnistie les personnes qui font l’objet de persécutions politiques pour avoir simplement exercé leur liberté d’expression et de réunion pacifique.

Nous encourageons également la communauté internationale à suivre le procès des défenseur⸱ses des droits humains et des activistes thaïlandais impliqués dans des affaires de lèse-majesté, afin de veiller à ce que leurs droits fondamentaux soient respectés.