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8 Mars 2024

Journée internationale des droits des femmes 2024 : Les OSC renouvellent leur appel aux autorités saoudiennes pour qu’elles libèrent les militantes des droits des femmes emprisonnées

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, les organisations soussignées renouvellent leur appel aux autorités saoudiennes afin qu’elles libèrent toutes les défenseuses des droits humains, les activistes des droits des femmes et leurs sympathisants qui sont détenus en violation des normes internationales relatives aux droits humains. Les organisations appellent également les autorités saoudiennes à lever les interdictions de voyager imposées aux défenseuses des droits humains et à leurs proches, et à abolir le système de tutelle masculine.

Depuis l’accession du prince héritier Mohammed bin Salman au pouvoir en 2017, les autorités saoudiennes se félicitent d’avoir mis en œuvre des réformes du système de tutelle masculine qui assouplissent les restrictions sur les droits et libertés des femmes, comme leur droit de conduire et de voyager librement. Le prince héritier a également vanté les mérites de la première loi sur le statut personnel, qu’il a qualifiée de « bond en avant » vers « l’émancipation des femmes ». Cependant, la loi, qui est entrée en vigueur en juin 2022, codifie la discrimination à l’égard des femmes dans presque tous les aspects de la vie familiale et conserve de nombreuses caractéristiques néfastes du système traditionnel de tutelle masculine. 

Dans le même temps, les autorités saoudiennes continuent de détenir arbitrairement et/ou d’imposer des interdictions de voyager à de nombreuses femmes qui défendent les droits des femmes. Par exemple, en 2023, la Cour pénale spécialisée (SCC), le célèbre tribunal antiterroriste d’Arabie Saoudite, a condamné l’universitaire Salma al-Shehab à 27 ans de prison, suivis d’une interdiction de voyager de la même durée. Les fausses accusations de « terrorisme » dont elle a fait l’objet se fondent uniquement sur les messages qu’elle a publiés sur les réseaux sociaux pour exprimer son soutien aux défenseur·ses des droits humains et des droits des femmes.

De même, la SCC a condamné Nourah al-Qahtani, à l’issue d’un procès manifestement inéquitable, à une peine stupéfiante de 45 ans de prison, suivie d’une interdiction de voyager pendant 45 ans. Les accusations retenues contre elle sont vaguement définies et son liées à ses tweets critiquant les violations des droits humains commises par les autorités saoudiennes et appelant à la libération des prisonniers politiques. En 2023, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (UNWGAD) a estimé que les détentions de Salma al-Shehab et de Nourah al-Qahtani étaient arbitraires et a exhorté les autorités saoudiennes à les libérer immédiatement.

En 2022, les autorités saoudiennes ont arrêté arbitrairement la militante et blogueuse Manahel al-Otaibi pour avoir mis en ligne des photos d’elle sans abaya (robe traditionnelle) et pour avoir publié sur les médias sociaux des messages en faveur de codes vestimentaires libéraux pour les femmes et de l’abolition des lois sur la tutelle masculine. Manahel al-Otaibi a disparu de force depuis novembre 2023. Les accusations portées contre Manahel al-Otaibi mettent en évidence l’hypocrisie des prétendues réformes des autorités saoudiennes et contredisent le récit du prince héritier Mohamed bin Salman, qui a déclaré dans une interview télévisée en mars 2018 qu’ « il appartient entièrement aux femmes de décider du type de tenue décente et respectueuse qu’elles choisissent de porter. » 

En décembre 2023, l’UNWGAD, la rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, le rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression et le groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles ont tous exprimé leur profonde inquiétude quant au sort de Manahel al-Otaibi et à son procès à venir. Le 24 janvier 2024, le gouvernement saoudien a répondu à l’ONU, mais le contenu de la lettre n’a pas été rendu public à l’heure où nous écrivons cette déclaration.

Parmi les autres femmes injustement condamnées à de longues peines d’emprisonnement pour leur activisme pacifique figurent Manal al-Gafiri, élève d’une école secondaire, Fatima al-Shawarbi et Sukaynah al-Aithan, qui ont été condamnées respectivement à 18, 30 et 40 ans d’emprisonnement.

Par ailleurs, d’éminentes défenseuses des droits humains qui plaident depuis longtemps en faveur des droits des femmes continuent de subir de lourdes restrictions depuis qu’elles ont été libérées de prison, souvent sous la forme d’interdictions de voyager qui les empêchent de quitter le pays. Par exemple, après avoir passé près de trois ans en prison, la célèbre militante Loujain al-Hathloul est toujours sous le coup d’une interdiction de voyager arbitraire, bien que celle-ci devait s’achever fin 2023. Loujain Al-Hathloul s’est fait connaître pour avoir protesté contre l’interdiction de conduire imposée aux femmes et contre le système de tutelle masculine, notamment en conduisant sa voiture en public. En représailles, les autorités saoudiennes l’ont arrêtée, détenue au secret pendant trois mois, torturée et condamnée à une peine de prison à l’issue d’un procès manifestement inéquitable sur la base d’accusations ridicules.

À la lumière de ce qui précède et à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, les organisations soussignées renouvellent leur appel aux autorités saoudiennes pour qu’elles :

  • Libèrent immédiatement et sans condition Salma al-Shehab, Nourah al-Qahtani et les autres femmes détenues en raison de leur militantisme pacifique ;
  • Révèlent le sort et le lieu où se trouve Manahel al-Otaibi, abandonnent les charges qui pèsent contre elle et la libèrent immédiatement ;
  • Lèvent l’interdiction de voyager imposée à Loujain al-Hathloul, aux membres de sa famille et à toutes les autres défenseuses des droits humains faisant actuellement l’objet d’une telle interdiction ;
  • Abolissent immédiatement le système de tutelle masculine, abrogent les lois et mettent fin aux pratiques discriminatoires à l’égard des femmes.

Signataires :

ALQST for Human Rights

Amnesty International

CIVICUS

European Saudi Organization for Human Rights (ESOHR)

Front Line Defenders

Gulf Centre for Human Rights (GCHR)

HuMENA for Human Rights and Civic Engagement

International Service for Human Rights (ISHR)

MENA Rights Group

Salam for Democracy and Human Rights