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9 Février 2021

Analyse Globale 2020

Front Line Defenders a lancé aujourd’hui l’édition en français de son Analyse Globale 2020 sur la situation des défenseurs des droits humains (DDH) en danger dans le monde. Le rapport détaille les agressions physiques, les campagnes de diffamation, les menaces contre la sécurité numérique, l’acharnement judiciaire et les attaques sexistes auxquelles sont confrontés les DDH, en particulier les femmes et les défenseurs des droits humains non conformes au genre.

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Les défenseurs des droits humains ont réagi à la pandémie de COVID-19 en assumant de nouveaux rôles, souvent de premier plan, dans le domaine de la santé communautaire et du soutien pour combler les lacunes laissées par les gouvernements. Les DDH se sont avérés inestimables pour sauver des vies, en livrant des colis alimentaires, des EPI ou des médicaments aux malades et aux personnes âgées qui ne pouvaient pas se déplacer pendant les périodes de confinement. Et pourtant, malgré les mesures prises pour répondre à la pandémie, les DDH ont continué de faire face à une vague d’attaques, allant de la criminalisation et du harcèlement à des attaques physiques et des homicides, tandis que les élites politiques et économiques se sont attaquées à ceux qui œuvrent pour la justice sociale, économique, raciale et de genre. Il s’agit d’une attaque délibérée et dotée d’importantes ressources contre les droits humains et les défenseurs des droits humains, orchestrée par des gouvernements corrompus et autocratiques et des dirigeants politiques qui craignent que la démocratie et la réalisation des droits humains ne mettent fin à leur pillage et les jettent en prison.

L’une des observations les plus choquantes est que, même si des mesures de confinement total ont été mises en place dans de nombreux pays et pendant de longues périodes, le nombre d’homicides de DDH recensé par Front Line Defenders et ses partenaires1 a de nouveau franchi la barre des 300. La Colombie, en particulier, est non seulement en tête du nombre d’homicides dans le monde, mais elle compte 53 % de tous les homicides documentés de DDH, malgré — et même à cause — des mesures de confinement. Chaque année depuis l’adoption des accords de paix en 2016, la Colombie est en tête du classement mondial des homicides de DDH, avec un DDH assassiné tous les deux jours et demi.

Olive Moore, directrice adjointe de FLD, a déclaré :

Si 2020 a été une année difficile pour tout le monde, elle a été particulièrement difficile pour les défenseurs des droits humains, qui se sont levés pour relever des défis sans précédent. Ils ont fait face à des attaques accrues, à l’insécurité financière et à l’impact de la maladie et de la mort sur leur communauté, pourtant, ils ont œuvré pour combler les vides laissés par les réponses insuffisantes du gouvernement face à la pandémie — nous devons reconnaître la nature héroïque de leur travail. Les DDH et la société civile ont vraiment prouvé que leur travail est inestimable. Le fait qu’ils soient pris pour cible, comme le montre ce rapport, est inadmissible.

En 2020, 331 DDH dans 25 pays ont été ciblés et tués selon les données collectées par Front Line Defenders dans le cadre du projet HRD Memorial. Bien qu’ils ne représentent que 6 % de la population mondiale, les peuples autochtones représentaient 26 % des DDH tués ; dans l’ensemble, 69 % des homicides visaient des DDH travaillant sur le droit à la terre, des peuples autochtones ou l’environnement.

En Afrique de l’Ouest, les mouvements de protestation populaire et d’autres initiatives de la société civile visant à lutter contre la corruption, contre la violence policière et à promouvoir des élections libres et équitables ont été la cible de violence, tandis que les défenseurs des droits humains ont été criminalisés.

Le 16 août 2020, Pulcherie Gbalet, présidente de l’Alternative citoyenne ivoirienne (ACI) a été arrêtée avec 3 collègues après avoir appelé à manifester contre le troisième mandat du président Alassane Ouattara. Elle est accusée d’actes de « trouble de l’ordre public », de « participation à un mouvement insurrectionnel », « d’attaque contre l’autorité de l’État », de « destruction volontaire de biens publics » et de « provocation ». Elle est toujours détenue dans la prison centrale d’Abidjan.

Le 30 novembre 2020, le défenseur des droits humains Alain Kemba Didah a été inculpé d’« acte de rébellion et de trouble de l’ordre public » par le tribunal de Ndjamena, après son arrestation arbitraire le 27 novembre par des policiers au bureau de Radio FM-Liberté. Il a été reconnu non coupable et libéré le 11 décembre.

Outre les homicides, Front Line Defenders a documenté 919 violations non létales contre des DDH en 2020, avec plus de 50 % des incidents impliquant une forme de criminalisation, notamment la détention, l’arrestation et les poursuites judiciaires.

Mariam Sawadogo, coordinatrice de protection de FLD pour l’Afrique de l’Ouest et centrale, a déclaré :

Les violations contre les DDH qui travaillent sur les droits liés au genre — tant sur les droits LGBTIQ+ que les droits des femmes — représentent un quart de tous les DDH ciblés, ce qui démontre que malgré des avancées significatives, ces secteurs restent des espaces dangereux pour les DDH. Bien que de nombreuses violations contre ces FDDH et DDH ne soient pas signalées — comme les agressions sexuelles et le harcèlement sexuel — ces défenseurs sont impliqués dans des luttes intersectionnelles liées à leur identité que les autres DDH ne subissent pas.

Analyse Globale 2020 documente les trois secteurs les plus ciblés de la défense des droits humains : le droit à la terre, l’environnement et les droits des peuples autochtones (21 %), les droits LGBTIQ+ (14 %) et les droits des femmes (11 %), en termes d’attaques non létales. Pour les DDH qui défendent le droit à la terre, l’environnement et les droits des peuples autochtones, la détention/arrestation (27 %) et les agressions physiques (26 %) étaient les violations les plus fréquentes ; les défenseurs des droits LGBTIQ+ ont été plus souvent victimes d’agression physique (29 %) et de détention/arrestation (11 %) ; tandis que les violations les plus courantes perpétrées contre les DDH travaillant sur les droits des femmes étaient les agressions physiques (22 %) et les campagnes de dénigrement (14 %).

Chaque année, les coordinateurs de protection numérique (CPN) de Front Line Defenders sur le terrain fournissent un soutien technique pratique à des centaines de défenseurs des droits humains pour atténuer les risques auxquels ils sont confrontés liés à la sphère numérique. De nombreux DDH étant plus souvent contraints de travailler en ligne en raison de la pandémie, la menace de perturbation, de harcèlement et d’autres activités néfastes posées par les attaquants en ligne était plus grande que jamais. Plus de 40 % des problèmes de sécurité rencontrés par les DDH ayant reçu le soutien des CPN impliquaient des menaces en ligne et le piratage des comptes sur les réseaux sociaux ou la compromission de leur sécurité.

Malgré la grande diversité des actions ciblant les défenseurs, ils restent au premier rang pour générer un changement social positif, y compris pour répondre à la crise du COVID-19 :

  • En Biélorussie, où les autorités n’ont pas tenu compte de la gravité de la pandémie, l’initiative civique ByCovid a fait pression et organisé les entreprises locales et des bénévoles pour fournir aux hôpitaux des kits de protection et du matériel médical.
  • Les communautés autochtones de Colombie, de Bolivie et du Brésil ont mis en place des informations adaptées aux langues et aux réalités de leurs communautés pour aider à minimiser l’impact du virus.
  • En avril en Thaïlande, le groupe anti-minier communautaire Rak Baan Heang Group, en partenariat avec le Centre de ressources communautaires, a intenté des poursuites judiciaires fructueuses contre le ministère de l’Industrie, le directeur du Département des industries primaires et des mines et six fonctionnaires. Le tribunal administratif de Chiang Mai a estimé que le processus d’approbation de la licence était inconstitutionnel.
  • Les FDDH soudanaises se battent depuis des années pour mettre fin aux mutilations génitales féminines (MGF). En juillet, le gouvernement soudanais a enfin ratifié les amendements permettant de criminaliser cette pratique. De plus, les femmes n’ont plus besoin de l’autorisation d’un parent masculin pour voyager avec des enfants.
  • Après des années de pratiques abusives au Nigeria, la notoire escouade spéciale antivol (SRAS) a été dissoute après une campagne populaire menée par de jeunes Nigérians. Initié en 2016 par un défenseur des droits humains qui a lancé la campagne EndSARS sur les réseaux sociaux puis ayant gagné un regain de popularité en 2017 autour du hashtag #ENDSARS sur Twitter, le mouvement a pris un nouvel élan le 3 octobre 2020, lorsqu’une vidéo montrant un policier du SRAS en train de tirer sur un jeune Nigérian est devenue virale en ligne, ce qui a conduit à des manifestations de masse.

Front Line Defenders continue à travailler avec les DDH pour promouvoir leur sécurité grâce à différents programmes de protection. En plus de formations sur la gestion des risques et la protection numérique, le plaidoyer au niveau national, international et européen, la relocalisation d’urgence, Front Line Defenders a octroyé plus de 700 subventions de protection aux DDH en danger en 2020. Front Line Defenders travaille également avec des DDH pour concevoir des campagnes de visibilité pour contrer les campagnes de diffamation et de dénigrement qui les mettent en danger.

1Voir le projet Mémorial des DDH — www.hrdmemorial.org

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