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17 Septembre 2025

Thaïlande : Les autorités doivent annuler la condamnation de Chonthicha « Lookkate » Jangrew et défendre la liberté d'expression

GENÈVE, Suisse (17 septembre 2025) - Les organisations soussignées sont profondément alarmées par la décision de la Cour pénale thaïlandaise de condamner la défenseuse de la démocratie qui s’est tournée vers la politique Chonthicha « Lookkate » Jangrew à deux ans et huit mois de prison, poursuivie en vertu de l'article 112 du Code pénal (lèse-majesté ou diffamation royale) et de la loi sur les crimes informatiques (Computer Crime Act - CCA).

Le groupe demande conjointement aux autorités thaïlandaises d'annuler la condamnation et de mettre fin immédiatement et sans condition à toutes les formes d’acharnement judiciaire à l'encontre de Lookkate et de tous les autres défenseur⸱ses des droits humains.

L’affaire de Lookate illustre l’approche sévère et répressive de la liberté d'expression.

Ce qu’il s’est passé

Le 8 septembre 2025, Lookkate, membre du Parlement (MP) du Parti du peuple et défenseuse des droits humains, a été initialement condamnée à quatre ans de prison en vertu de la loi thaïlandaise sur les crimes de lèse-majesté et de la CCA, qui sont toutes deux de plus en plus utilisées contre les dissidents.

La peine a ensuite été réduite à deux ans et huit mois grâce à la coopération étroite de Lookkate.

Les accusations découlent d'une publication sur les réseaux sociaux dans laquelle Lookkate exprime des opinions sur les dépenses royales, les transferts et les budgets militaires, et les promotions pour les fonctionnaires civils. La Cour a jugé ses déclarations « offensantes et irrespectueuses à l’égard de la monarchie ».

Au cours de la procédure d'appel, Lookkate a été libérée sous caution pour un montant de 300 000 bahts (environ 9 452 USD). Il lui est interdit de quitter la Thaïlande sans l'autorisation du tribunal.

Une défenseuse de la démocratie

Avant de devenir députée du parti Move Forward, auquel a succédé le Parti du peuple, Lookkate était largement reconnue pour sa contribution au mouvement thaïlandais en faveur de la démocratie et des droits humains.

Elle est cofondatrice et coordinatrice du Democracy Restoration Group, une organisation militante dirigée par des jeunes. En reconnaissance de son activisme, le TIME l’a nommée parmi les Next Generation Leaders en 2024.

Depuis le coup d'État militaire de 2014, Lookkate a été arrêtée à plusieurs reprises pour avoir participé à des manifestations pacifiques en faveur de la démocratie.

Comme d'autres militants thaïlandais poursuivis pour des raisons politiques, elle a été obligée de porter un bracelet de surveillance électronique à la cheville. Thai Lawyers for Human Rights a indiqué qu’entre mars 2021 et mars 2023, les tribunaux thaïlandais ont ordonné à au moins 94 personnes - principalement des activistes pro-démocratie et des civils - de porter des bracelets électroniques comme condition de libération sous caution. Le nombre a atteint un pic de 56 en octobre 2022 et est retombé à 19 en mars 2023, après une grève de la faim menée par des activistes « Tawan » et « Bam ». L’incident à conduit au retrait de 34 bracelets électroniques.

Après près d'un an de surveillance par bracelet électronique, Lookkate a finalement été autorisée à se faire retirer celui qu’elle portait à la cheville en février 2023. Elle a expliqué que le fait de devoir porter un bracelet électronique avait eu de lourdes conséquences psychologiques et professionnelles sur elle.

De nombreux autres défenseur⸱ses thaïlandais sont victimes de diverses formes de harcèlement pour avoir simplement exercé leurs droits fondamentaux à la liberté d'expression et de réunion pacifique. C’est notamment le cas d'Arnon Nampa, avocat spécialisé dans les droits humains, qui s'est vu refuser la libération sous caution, a été placé en détention provisoire et condamné à 29 ans d'emprisonnement. Par ailleurs, la défenseuse Pimsiri Petchnamrob a été inculpée de dix chefs d'accusation, dont lèse-majesté, sédition et rassemblement illégal.

Ce type d’acharnement judiciaire à l'encontre des défenseur·ses met en évidence l'approche répressive de la Thaïlande à l'égard de la dissidence pacifique.

Appel à agir

Nous demandons instamment aux autorités thaïlandaises de mettre fin à l'utilisation abusive des lois pour cibler les défenseur⸱ses des droits humains, les journalistes, les médias indépendants et les citoyens ordinaires qui ne font qu'exercer leur liberté d'expression. Les autorités doivent contribuer à créer un environnement sûr et favorable dans lequel les défenseur·ses peuvent poursuivre leur travail inestimable en faveur des droits humains sans crainte de représailles.

En tant que membre du Conseil des droits humains des Nations unies et État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Thaïlande a l'obligation de respecter, de protéger et de mettre en œuvre le droit à la liberté d'expression.

Au lieu de criminaliser les voix dissidentes, les autorités thaïlandaises doivent véritablement s'engager à respecter les normes internationales en matière de droits humains et veiller à protéger - plutôt qu'à punir - la dissidence pacifique.

Signataires :

  • Asia Democracy Network (ADN)
  • Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA)
  • CIVICUS : World Alliance for Citizen Participation (Alliance mondiale pour la participation citoyenne)
  • Focus on the Global South
  • Front Line Defenders (FLD)
  • La Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH), dans le cadre de l'Observatoire pour la protection des défenseur·ses des droits humains
  • International Service for Human Rights (ISHR)
  • Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur⸱ses des droits humains