Back to top
14 Mai 2020

Le gouvernement nicaraguayen continue de mettre en danger la vie des femmes défenseuses des droits humains emprisonnées pendant l'épidémie de COVID-19

Front Line Defenders partage la préoccupation des organisations nationales et internationales concernant les risques accrus auxquels sont confrontés les défenseur-ses des droits humains et les prisonniers politiques au Nicaragua pendant la pandémie. Il y a lieu de s'inquiéter sérieusement de la détérioration de la santé des défenseuses des droits humains emprisonnées, en raison de la négligence médicale due à la fois aux conditions médicales dont elles souffrent et au contexte de COVID-19.

Un certain nombre d'organisations nicaraguayennes de défense des droits humains ont déjà souligné l'impact que le COVID-19 a eu sur les défenseur-ses des droits humains emprisonnés et les prisonniers politiques, en raison de la surpopulation carcérale, des maladies chroniques et / ou respiratoires préexistantes, auxquelles s'ajoutent des soins médicaux de mauvaise qualité et une mauvaise l'hygiène dans les centres de détention. Des organisations telles que la iniciativa Nicaragüense de Defensoras (IND), el Centro Nicaragüense de Derechos Humanos (CENIDH), la Unidad de Defensa Jurídica, la Unidad de Registro y la Alianza Cívica por la Justicia y la Democracia (ACJD), entre autres, ont démontré que le nombre de défenseur-ses des droits et de militant-es détenus arbitrairement a augmenté de 32,2% entre mars 2020 et début mai, en raison de la crise socio-politique qui a éclaté au Nicaragua en avril 2018.

La Alianza Cívica por la Justicia y la Democracia et Unidad de Registro ont signalé qu'au moins 28 défenseur-ses des droits humains emprisonnés dans les centres de détention suivants ont montré des symptômes du COVID-19 et n'ont pas reçu de soins médicaux : La Modelo, Waswali, Chinandega, Granada et la prison pour femmes de La Esperanza. De même, l'IND a signalé des cas de torture, de négligence et de refus d'accès aux soins médicaux dans les centres de détention.

Tel est le cas des défenseuses María Esperanza Sánchez, arrêtée le 26 janvier 2020, Juana Estela López Alemán, arrêtée le 20 avril et Karla Vanessa Escobar Maldonado, arrêtée le 30 avril et incarcérées dans la prison pour femmes de La Esperanza, ainsi que Celia Cerda Cruz arrêtée le 21 avril et incarcérée à La Modelo (prison pour hommes). Il convient de noter que Karla Vanessa Escobar Maldonado avait déjà été détenue et libérée de prison en mars 2019. Ces défenseuses des droits humains nicaraguayennes sont largement reconnues pour leur travail en faveur des droits sociaux et politiques et leur participation active aux luttes civiques pour la démocratie et les droits humains. Les détentions et arrestations arbitraires sont motivées par leur participation aux manifestations contre le gouvernement depuis 2018, ainsi que par leur leadership au sein des mouvements pro-démocratiques.

Les proches des défenseuses arrêtées ont également dénoncé la torture, les traitements dégradants, le manque de soins médicaux adéquats et la rétention de médicaments, de ressources essentielles et de nourriture par les gardiens de prison. Trois des défenseuses souffrent de maladies sous-jacentes importantes considérées comme des facteurs de risque élevés de contracter le COVID-19 : hypertension artérielle, asthme cardiaque chronique et thrombose coronarienne dans le cas de María Esperanza ; Celia Cerda Cruz souffre d'hypertension et de problèmes thyroïdiens ; et Karla Vanessa souffre de problèmes thyroïdiens et utérins, aggravés par les mauvaises conditions de santé et d'hygiène de la prison de La Esperanza. Bien qu'en relativement bonne santé, Juana Estela, souffre d'un handicap aux jambes qui s'est considérablement détérioré en l'absence de matelas orthopédique.

La santé des défenseuses María Esperanza et Celia Cerda Cruz est particulièrement critique. María Esperanza a subi plusieurs crises d'asthme qui n'ont pas été traitées de manière adaptée, ce qui a entraîné l'hospitalisation de la défenseuse du 29 avril au 4 mai pour tachycardie et crise d'asthme. Depuis sa sortie de l'hôpital, les responsables de la prison refusent de suivre les recommandations du personnel de la Croix-Rouge internationale, qui préconise un traitement quotidien par nébuliseur. À son retour en prison, María Esperanza a constaté que 30 détenus présentaient des symptômes de fièvre, toux, diarrhée et vomissements. La défenseuse a également indiqué que ses compagnes de cellule se sentent mal et craignent d'être infectées par le COVID-19. Depuis le 8 mai, Celia Cerda Cruz souffre de fortes fièvres et n'a jusqu'à présent reçu aucun traitement médical.

Au moment de la rédaction du présent rapport, les autorités et le personnel médical de la prison pour femmes de La Esperanza n'avaient fourni du paracétamol qu'à certaines patientes en raison d'un manque de médicaments dans la prison. L'absence de mesures préventives en temps opportun, ainsi que la négligence des systèmes pénitentiaires de La Esperanza et La Modelo, exposent les défenseuses à un risque élevé de contracter le COVID-19. La détérioration de la santé de prisonnières telles que María Esperanza et Celia Cerda Cruz est le résultat de cette négligence. Les prisonniers politique sont victimes d'une situation similaire dans le reste des prisons du pays.

Malgré les recommandations émises par l'Organisation mondiale de la santé pour le COVID-19, la réponse du gouvernement nicaraguayen à la pandémie est marquée par l'absence de mesures préventives, une profonde désinformation sur les chiffres de contagion et une politique diffamatoire contre les campagnes de distanciation sociale telles que #QuédateEnCasa (#RestezChezVous). L'organisation de la société civile Observatorio Ciudadano a remis en question les chiffres officiels publiés par le gouvernement sur la pandémie et, à ce jour, a signalé que plus de 1000 cas suspects de COVID-19 ont été diagnostiqués comme une pneumonie atypique.

Le gouvernement de Daniel Ortega ignore également les recommandations du Haut-Commissariat aux droits de l'Homme (ONU) ainsi que celles de la Commission interaméricaine des droits humains (CIDH) concernant le COVID-19. Tous deux ont exhorté le gouvernement à : exercer un leadership fiable ; s'assurer que la réponse face au COVID-19 est conforme aux obligations internationales en matière de droits humains ; et réduire le surpeuplement dans les centres de détention, y compris en libérant des personnes détenues et emprisonnées sans fondement juridique suffisant dans le cadre des manifestations.

Front Line Defenders exhorte les autorités nicaraguayennes à mettre en œuvre des mesures urgentes pour garantir la santé et l'intégrité des défenseur-ses des droits humains, des prisonniers politiques et de leur famille, contre les effets du COVID-19. Elle demande également aux autorités de garantir des conditions dignes et adéquates dans les centres de détention, conformément aux normes internationales relatives aux droits humains, en particulier dans les prisons de La Esperanza et de La Modelo.

Front Line Defenders exhorte le gouvernement nicaraguayen à respecter ses engagements nationaux et internationaux en matière de droits humains, y compris le droit à une protection égale devant la loi contre toute forme de discrimination et sans aucune distinction (article 7 de la DUDH) et le droit à bénéficier d'un traitement digne sans torture, ou peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 5 de la DUDH).