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9 Août 2019

Le nombre d'assassinats grimpe en flèche dans le contexte des élections au Guatemala

By Ligimat Perez

Par Ligimat Perez

Le Guatemala attire une grande variété de visiteurs : des routards, des "éco-touristes", des aficionados du chocolat et du café, et même des fans de Star Wars qui viennent explorer les temples Maya qui apparaisent dans le tout premier film.

Si vous tapez "Livingston, Guatemala" sur Google, vous verrez apparaitre sur votre écran de magnifiques photos de plages immaculées, des rivières, des cascades et une ville colorée où se mélangent les cultures africaines et autochtones, offrant une expérience unique en Amérique centrale.

Mais cette image tropicale cache aussi un côté obscur qu'Hollywood n'a toujours pas porté à l'écran. Livingston est devenue la principale zone où les défenseur-ses des droits humains sont tués au Guatemala.

Six meurtres ont déjà été perpétrés cette année dans le département d'Izabal, dont cinq à Livingston elle-même. Toutes les victimes étaient des militants autochtones et agriculteurs qui défendaient leurs terres contre des projets étrangers.

Selon un récent rapport de Global Witness, ces assassinats, qui se concentrent principalement dans la région nord-est, font du Guatemala le pays le plus meurtrier au monde, par habitant, pour les défenseur-ses du droit à la terre.

La campagne électorale présidentielle de ces derniers mois a intensifié la violence en raison de l'identité de l'un des candidats. 

Thelma Cabrera, une défenseuse des droits des peuples autochtones appartenant à la population Maya Mam, s'est présentée à la présidence avec le soutien des membres du CODECA, une organisation sociale qui mobilise les paysans pour la défense de leur terre et la nationalisation de l'approvisionnement en énergie électrique. La plupart des fleuves du Guatemala ont été privatisés pour des projets hydroélectriques qui utilisent les réserves d’eau locales dans le but de créer de l'énergie que les communautés locales n'ont pas les moyens de consommer.

Le leadership solide du CODECA et sa capacité à s'organiser au niveau national a entrainé une réaction violente contre le groupe. Sur 12 assassinats perpétrés cette année, sept ont ciblé des membres du CODECA dans ce qui semble être une campagne orchestrée visant à maintenir le statut quo au Guatemala.

 "Ils tentent d'effrayer les défenseur-ses pour s'en prendre à notre cause. L'attaque est enracinée dans la bataille que nous menons depuis nos territoires. Depuis la fondation du CODECA pour défendre le droit à jouir de la terre mère et le droit du travail, il y a eu des meurtres, des emprisonnements et des persécutions" a déclaré Thelma Cabrera.

À ce jour, l'UDEFEGUA, une ONG qui œuvre pour la protection des DDH au Guatemala a recensé 327 attaques contre des défenseur-ses des droits humains en 2019. Ce nombre, qui inclut des tentatives d'assassinat, des agressions, des accusations pénales, des emprisonnements et des assassinats approche les 392 attaques recensées pour l'intégralité de l'année dernière.

Thelma Cabrera n'a pas atteint le second tour qui aura lieu dimanche prochain. C'est une bataille entre deux candidats de l'establishment, Sandra Torres et Alejandro Giammattei. Mais sa capacité à surmonter les multiples obstacles pour se classer cinquième du premier tour a montré une force politique suffisante pour constituer une menace réelle pour l’establishment.

La population indigène représente 41% de la population du Guatemala, qui compte 16,9 millions d’habitants. Pourtant, ils n’ont que peu d’influence sur l’élite politique, les chefs d’entreprise et les responsables militaires qui dirigent le Guatemala depuis la fin de la guerre civile en 1996.

Même si la campagne électorale est maintenant terminée, la violence à l'encontre des défenseur-ses des droits humains devrait se poursuivre et s'intensifier en raison du manque de réaction et des lacunes atroces dans les rares enquêtes ouvertes sur les meurtres.

Dans une déclaration conjointe cette semaine, l'UDEFEGUA et El Observatorio, une ONG qui travaille sur la prévention de la répression contre les défenseur-ses des droits humains, ont indiqué : "Dans de nombreuses affaires de meurtres, les autorités se sont présentées sur les lieux du crime que quatre à douze heures après le crime, compromettant toutes les preuves et la scène de crime elle-même, ce qui revient à garantir l'impunité pour ces crimes".

Il y avait un organisme d'enquête efficace ; la CCIG, une commission d'enquête sur la corruption et l'impunité au Guatemala, soutenue par l'ONU. Son travail a contribué à une baisse de 50% des attaques en 2014, selon Jorge Santos, coordinateur général de l'UDEFEGUA, mais le gouvernement a expulsé le responsable de l'agence et se prépare à la fermer en septembre. "Il s'agit d'un scénario dévastateur pour les défenseur-ses des droits humains", a déclaré Jorge Santos.

La plupart des affaires n'ont pas été résolues et ce bien que de nombreux articles de presse donnaient les noms des coupables présumés. Jorge Juc Cucul, 77 ans, a été attaqué à la machette devant son fils de 8 ans alors qu'il se trouvait sur son terrain. Sa femme et son fils ont reconnu l'homme qui l'a attaqué. Isidro Pérez, 85ans, et Melesio Ramírez, 70 ans, ont été pris en ambuscade et abattus alors qu'ils revenaient dans une ferme revendiquée par un politicien de laquelle ils avaient été expulsés.

Bien que les victimes les plus récentes étaient des militants membres du CODECA, d'autres organisations telles que l'ONG environnementale FUNDAECO, sont frappées par la violence.

La plupart des paysans et des peuples autochtones au Guatemala n'attendent pas grand chose des prochaines élections présidentielles.

 "La situation pour nous, les défenseur-ses, est bien plus risquée maintenant... nous devont endurer quatre années de plus dans une abysse", a déclaré Thelma Cabrera.