Une question lancinante me travaille depuis un certain moment que je voudrai partager avec les participants à cette plateforme de débat ainsi qu'avec nos lecteurs éventuels.
Nous sommes tous d'accord que les droits humains sont universels, non négociables ou incompressibles et imprescriptibles.
Nous sommes tous prêts à nous sacrifier pour défendre les droits humains et pour lutter de toutes nos forces pour que cessent la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Nous avons sûrement eu tous affaire et à faire, de façon directe ou indirecte, à l'une ou l'autre de ces exactions.
Nous disons tous que la torture occasionne des séquelles et des traumas indélébiles.
Nous réclamons tous la réhabilitation des victimes et des réparations à leur prodiguer.
Nous clamons tous qu'il est utile et nécessaire de rétablir la vérité, de réécrire l'histoire et de tirer les enseignements du vécu qui baliseront l'avenir.
Nous pensons tous qu'il est nécessaire que les coupables soient jugés et rendent compte de leurs forfaits.
J'ai personnellement subi, dans mon corps ainsi que dans mon âme et à plusieurs reprises, avant et après le 14 janvier 2011, les affres de moult traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Ceci à part que j'ai été, officiellement, déclarée menacée de mort et que je vis depuis plus de deux ans sous "protection policière".
Mais tout cela n'empêche pas que je n'ai pas cessé, depuis un bon bout de temps, et jusqu'à présent, de rechigner et de me sentir mal à l'aise chaque fois où je m'entends traitée de " victime".
Il est vrai que quand une personne se trouve toute seule, isolée et assaillie de toutes parts, entre les mains d'agents représentant l'état qui le malmènent et disposent de lui comme bon leur semble il est tout-à-fait normal qu'elle soit traitée de "victime".
Mais n'est-il pas vrai aussi que parmi les victimes des exactions commises par les agents de l'état il y en a plusieurs qui ne se considèrent nullement comme des victimes ou refuseraient d'être qualifiées en tant que telles?
En effet nombreux sont, parmi les gens qui ont fait objet d'exactions, ceux qui ont affronté volontairement, délibérément et en toute conscience les affres et la souffrance de toutes ces monstruosités.
Beaucoup de gens ont en effet fait le choix de s’exprimer, de se mobiliser et de militer pour des valeurs, des principes et des droits quitte à en payer le prix en sacrifices et même à risquer de périr pour cela.
Débattons-donc des meilleurs moyens pour défendre les droits humains et établissons les stratégies adéquates pour protéger les défenseurs des droits humains, mais rendons à César ce qui est à César ; reconnaissons aux militants leur courage, leur altruisme et leur héroïsme, trouvons-leur un autre épithète pour les qualifier!
Et clamons haut et fort que l'humanité a et aura encore besoin de gens - hommes et femmes- qui se sacrifient pour ses droits et qui acceptent ,pour cela, d'affronter toutes les injustices du monde!
Dénonçons ces pratiques monstrueuses et criminelles mais n'oublions pas de souligner qu'il y a bien des hommes et des femmes qui s'y exposent volontairement pour faire qu'elles cessent!
Luttons contre la torture de toutes nos forces mais honorons de façon claire ceux qui s'y sont exposés, qui s'y exposent ou qui s'y exposeront, en les présentant sous leurs visages non de victimes mais de héros!
Permettez-moi d'ajouter que même avec des personnes faisant partie des gens n'ayant pas subi la torture à cause de leurs opinions ou pour leur activités pour les libertés mais pour avoir commis ou pour avoir été soupçonnés d'avoir commis des délits ou des crimes de droits communs ainsi qu'avec des personnes ayant subi des exactions tout-à-fait par hasard et fortuitement ou du fait de "dépassements", je me suis à plusieurs reprises trouvée en face de personnes qui acceptent mal de vous voir les plaindre ou même les traiter avec compassion. Ce qu'elles attendent de nous, au contraire, c'est notre soutien, notre conseil et nos encouragements.
Luttons contre la torture de toutes nos forces mais honorons de façon claire ceux qui s'y sont exposés, qui s'y exposent ou qui s'y exposeront, en les présentant sous leurs visages non de victimes mais de héros!
