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13 Novembre 2020

Un an après sa disparition forcée, on ignore toujours où se trouve le défenseur des droits humains Idris Khattak

Le 13 novembre 2019, le défenseur des droits humains Idris Khattak a disparu de force à Khyber Pakhtunkhwa, enlevé par un groupe non identifié. Pendant près de sept mois, il n'y a eu aucune information sur son sort ou sur l'endroit où il se trouvait, jusqu'à ce que l'on apprenne, le 16 juin 2020, que le défenseur est détenu par l'armée pakistanaise. Un an après sa disparition forcée, le défenseur est toujours détenu au secret dans un lieu inconnu, et il fait l'objet d'un procès militaire en vertu de la loi sur les secrets officiels. À ce jour, aucune information n'a filtré concernant son lieu de détention et il n'a toujours pas accès à un avocat indépendant pour le procès en cours. Le traitement d’Idris Khattak constitue une violation directe des normes fondamentales en matière de droits humains et du droit à une procédure régulière, reconnus au niveau national et adopté au niveau international par l’État du Pakistan.

Idris Khattak est un défenseur des droits humains dont le travail comprend la documentation et le plaidoyer contre les violations des droits humains dans la province de Khyber Pakhtunkhwa. Il est en première ligne du mouvement de défense des droits humains dans la région et il défend particulièrement les droits et les libertés des minorités.

Le 13 novembre 2019, la voiture d'Idris Khattak a été interceptée par un groupe d'hommes en civil près de l'échangeur de Swabi à Khyber Pakhtunkhwa. Les inconnus ont forcé le défenseur et son chauffeur à mettre un sac sur le tête et les ont conduits vers un lieu inconnu. Tandis que le chauffeur a été libéré deux jours plus tard, aucune information n'a été donnée à propos d'Idris Khattak. La famille du défenseur n’a été informée de sa disparition forcée que par le chauffeur, qui a été relâché par les ravisseurs peu après. Une affaire d'habeas corpus qui a été déposée en novembre 2019 en rapport avec la disparition forcée est régulièrement retardée et progresse peu depuis un certain temps. Les nombreuses demandes d'informations adressées aux autorités pakistanaises pour savoir s'il était détenu par l'État, où, et les conditions du droit de visite de sa famille, sont restées sans réponse pendant près de sept mois.

Le 16 juin 2020, une chaine privée, Geo News, a annoncé qu'Idris Khattak était détenu par l'armée. La source a indiqué qu'Idris Khattak est détenu en vertu de la loi sur les secrets officiels (OSA). Le 17 juin 2020, le tribunal d’enquête conjointe (JIT) d’Islamabad, chargé d’enquêter sur les cas de disparition forcée, a informé la famille du défenseur qu’Idris Khattak était détenu par les services de renseignements militaires pakistanais (MI).

Malgré les déclarations du JIT, l’affaire d’Idris Khattak se poursuit devant un tribunal militaire depuis près de trois mois, sans convocation de témoins et sans accès à des conseils juridiques indépendants lors des audiences. Idris Khattak n'a été autorisé à voir sa famille et son avocat qu'à deux occasions différentes, mais pas sur son lieu de détention. À ce jour, la famille ignore toujours où le défenseur est détenu et elle n'a pas été autorisée à rendre de visites régulières au défenseur, ce qui veut dire qu'Idris Khattak est toujours disparu de force et détenu au secret. Le 15 octobre 2020, la Haute Cour de Peshawar a accordé une mesure provisoire à la famille du défenseur, en ordonnant un sursis à statuer temporairement dans l'affaire d'Idris Khattak devant le tribunal militaire.

Fin juin 2020, des experts en droits humains de l'ONU ont fait part de leurs préoccupations à propos du traitement d'Idris Khattak, et ont réitéré leur inquiétude plus récemment le 31 août 2020, dans une lettre adressée au gouvernement pakistanais. Le Pakistan a l'habitude de cibler les défenseur-ses des droits humains avec des disparitions forcées, qui sont utilisées comme un moyen pour faire taire la dissidence contre l'administration et l'armée sur les questions des droits humains. Les victimes se voient fréquemment interdites de contacter leur famille et leur avocat, de recevoir des soins médicaux et de jouir des droits fondamentaux et des procédures requises pour un procès équitable. Celles qui sont libérées subissent des pressions et sont menacées pour garder le silence. Malgré les déclarations des gouvernements successifs, les disparitions forcées ne sont pas criminalisées. Le Pakistan n'a toujours pas ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes victimes de disparition forcée.

Front Line Defenders condamne la disparition forcée et l'incarcération continue d'Idris Khattak. Elle est particulièrement préoccupée par l'utilisation de la loi draconienne sur les secrets officiels contre le défenseur des droits humains et pense qu'il n'a été visé qu'en raison de ses activités en faveur des droits humains et de l'exercice de son droit à la liberté d'expression. Front Line Defenders appelle les autorités pakistanaises à garantir son droit à bénéficier d'un procès équitable et à faire en sorte que le traitement d'Idris Khattak pendant sa détention respecte toutes les conditions énoncées dans les "Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus", adoptés par la Résolution 45/111 de l'Assemblée du 14 décembre 1990 et, à garantir sa sécurité et son intégrité physiques et psychologiques, ainsi que celles de sa famille. Front Line Defenders exprime également sa préoccupation face à l'absence d'un environnement sûr et propice au Pakistan pour que les défenseur-ses des droits humains puissent mener à bien leur précieux travail.