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20 Mars 2018

Émirats Arabes Unis: Un an après, on ignore toujours où se trouve Ahmed Mansoor, défenseur des droits humains et lauréat d'un prix

Front Line Defenders a signé une déclaration publiée aujourd'hui par le Gulf Centre for Human Rights concernant le défenseur Ahmed Mansoor, arrêté aux Émirats Arabes Unis il y a un an jour pour jour. Il est détenu au secret depuis 12 mois et on ignore où il se trouve.

Les autorités des Émirats Arabes Unis (EAU) doivent révéler où se trouve l'éminent défenseur des droits humains et journaliste citoyen Ahmed Mansoor, et le libérer immédiatement et sans condition, ont déclaré aujourd'hui plus d'une douzaine d'organisations de défense des droits humains. Il est détenu pour son travail pacifique en faveur des droits humains.

Le 20 mars 2018, cela fait un an que les forces de sécurité ont arrêté Ahmed Mansoor, lauréat du Prix Martin Ennals 2015 pour les défenseur-ses des droits humains, chez lui à Ajman. Les autorités des EAU le détiennent toujours dans un lieu inconnu, malgré les condamnations des experts de l'ONU et des organisations de défense des droits humains indépendantes.

"Les autorités ont fait disparaitre Ahmed Mansoor de force depuis que sa femme l'a vu pour la dernière fois en septembre 2017. Elles doivent dire à sa famille où il se trouve et comment il va, et permettre à la famille et à un avocat de son choix de le voir régulièrement" a indiqué Khalid Ibrahim, directeur exécutif du Gulf Centre for Human Rights (GCHR).

Après son arrestation le 20 mars 2017, les autorités ont annoncé que les charges sont liées à la liberté d'expression et notamment à l'utilisation des réseaux sociaux pour "publier de fausses informations qui nuisent à l'unité nationale".

Le 28 mars 2017, un groupe d'experts de l'ONU avait appelé le gouvernement des EAU à libérer immédiatement Ahmed Mansoor, taxant son arrestation "d'attaque directe contre son travail légitime en faveur des défenseur-ses des droits humains aux EAU". Ils avaient déclaré craindre que cette arrestation "constitue un acte de représailles pour son engagement auprès des mécanismes de l'ONU, pour ses opinions qu'il exprime sur les réseaux sociaux, y compris Twitter, ainsi que pour être membre actif d'organisations de défense des droits humains".

"La détention arbitraire d'Ahmed Mansoor bafoue son droit à la liberté d'opinion et d'expression. Les autorités des EAU doivent abandonner toutes les charges portées contre lui et le libérer immédiatement" a déclaré Carles Torner, Directeur exécutif de PEN International.

Depuis son arrestation, Ahmed Mansoor n'a pas été autorisé à passer des appels téléphoniques à sa famille et n'a été autorisé à recevoir que deux brèves visites de sa femme, le 3 avril et le 17 septembre 2017, toutes deux sous étroite surveillance. Pour ces deux visites, il avait été conduit d'un lieu de détention inconnu jusqu'au parquet pour la sûreté de l'État à Abu Dhabi. Les autorités ont refusé d'informer sa famille au sujet de son lieu de détention et ignorent toutes les demandes pour d'autres visites.

En février 2018, un groupe d'organisations de défense des droits humains a mandaté deux avocats irlandais pour se rendre à Abu Dhabi afin de chercher à entrer en contact avec Ahmed Mansoor. Les autorités des EAU ont donné des informations contradictoires aux avocats à propos de l'endroit où se trouve Ahmed Mansoor. Le ministère de l'Intérieur, l'organe officiel en charge des prisons et des prisonniers, a nié avoir connaissance de l'endroit où il se trouve et a renvoyé les avocats devant la police. La police a également indiqué n'avoir aucune information à son sujet. Les avocats se sont rendus dans la prison Al-Wathba à Abu Dhabi suite aux déclarations des autorités lors de l'arrestation d'Ahmed Mansoor, qui avaient laissé entendre qu'il s'y trouvait. Cependant, les autorités pénitentiaires ont dit aux avocats que personne ne correspondait à la description de Mansoor dans la prison.

"Au lieu de protéger Ahmed Mansoor, les autorités le détiennent depuis un an sans aucun contact avec sa famille ou un avocat de son choix. Leur mépris pour les défenseur-ses des droits humains et leur irrespect éhonté de leurs obligations en vertu du droit international relatif aux droits humains est profondément choquant" a déclaré Sima Watling, Chercheuse sur les EAU pour le bureau régional d'Amnesty International au Moyen-Orient.

Contexte

Une douzaine d'agents de sécurité ont arrêté Ahmred Mansoor chez lui à Ajman, le 20 mars 2017 avant l'aube, et l'ont conduit dans un lieu inconnu. Les agents de sécurité ont minutieusement fouillé sa maison et saisi tous les téléphones et ordinateurs portables de la famille, y compris ceux de ses jeunes enfants.

Les autorités ont refusé de divulguer quelconque information à propos d'Ahmed Mansoor à sa famille, qui n'a eu aucune nouvelle jusqu'à une déclaration postée sur le site web du ministère des Affaires étrangères le 29 mars 2017, affirmant qu'il était détenu dans la prison centrale d'Abu Dhabi, également appelée prison Al-Wathba. Mais les autorités n'ont pas confirmé le lieu de détention à sa famille.

Depuis son arrestation, selon des sources bien informées, Ahmed Mansoor serait détenu à l'isolement sans accès à un avocat de son choix. En vertu du droit international relatif aux droits humains, les détentions à l'isolement pendant des périodes prolongées ou indéfinies peuvent s'apparenter à de la torture ou à une forme de traitement cruel, inhumain et dégradant. Les organisations de défense des droits humains ont aussi été informées par certaines sources qu'Ahmed Mansoor est probablement soumis à d'autres formes de torture ou mauvais traitements en prison.

Les autorités des EAU ont dit dans leurs déclarations publiques qu'Ahmed Mansoor est accusé d'utiliser les réseaux sociaux pour "publier de fausses informations qui nuisent à l'unité nationale". Le jour de son arrestation, WAM, l'agence de presse officielle des EAU, a déclaré qu'il est aussi accusé d'avoir utilisé les réseaux sociaux pour "promouvoir un programme sectaire et incitant à la haine" et "publier des informations fausses et fallacieuses qui... ternissent la réputation du pays".

La déclaration taxe ces accusations de "cybercrimes", indiquant qu'elles sont basées sur la violation présumée de la loi de 2012 sur les cybercrimes, que les autorités utilisent pour emprisonner de nombreux militants et qui prévoit de lourdes peines de prison et de sévères pénalités financières.

Dans les semaines précédant son arrestation, Ahmed Mansoor avait utilisé Twitter pour appeler à la libération du militant Osama Al-Najjar, qui est toujours emprisonné bien qu'il a fini de purger sa peine de trois ans de prison en mars 2017 prononcée à cause de ses activités pacifiques sur Twitter; de même, il avait appelé à la libération de l'éminent universitaire et économiste Dr Nasser bin Ghaith, condamné en mars 2017 à 10 ans de prison pour des messages postés sur Twitter. Ahmed Mansoor avait aussi utilisé son compte Twitter pour attirer l'attention sur les violations des droits humains perpétrées au Moyen-Orient, notamment en Égypte et au Yémen. Il avait aussi signé une lettre conjointe avec d'autres militants de la région pour appeler les leaders de la Ligue Arabe, réunis en Jordanie en mars 2017 à l'occasion du Sommet Arabe, à libérer les prisonniers politiques de leur pays. Il écrivait également un blog, qui abordait plusieurs sujets, notamment des articles à propos des violations des droits humains dont il a été victime à cause de ses activités pacifiques, ainsi qu'à propos de la situation de la liberté d'expression et des prisonniers de conscience aux EAU. 

Ahmed Mansoor est membre du conseil consultatif du GCHR et membre du conseil consultatif de la division de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. 

La mission visant à localiser Ahmed Mansoor a été sponsorisée par le GCHR, la Fondation Martin Ennals, Front Line Defenders, l'International Service for Human Rights (ISHR), ainsi que la FIDH et l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) par le biais de leur partenariat, l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits.

Les organisations soussignées appellent les autorités des EAU à:

Libérer immédiatement et sans condition Ahmed Mansoor, car il est détenu uniquement à cause de son travail légitime et pacifique en faveur des droits humains ;
Révéler immédiatement l'endroit où il se trouve et garantir qu'il est détenu dans un centre de détention officiel ;
En attendant sa libération, garantir qu'il soit protégé contre toute forme de torture et de mauvais traitements, notamment qu'il ne soit pas maintenu à l'isolement pour une période prolongée et indéfinie car cela peut s'apparenter à de la torture ou à une forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant; et
En attendant sa libération, garantir qu'il soit traité conformément à l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus de l'ONU, notamment en lui donnant un accès régulier à sa famille et à un avocat de son choix, ainsi qu'à tout soin médical dont il aurait besoin.

Signé:

Americans for Democracy and Human Rights in Bahrain
Amnesty International
Arabic Network for Human Rights Information (ANHRI)
ARTICLE 19
CIVICUS
Committee for the Respect of Freedoms and Human Rights in Tunisia
English PEN
Freedom Now, Maroc
Front Line Defenders
Gulf Centre for Human Rights (GCHR)
Human Rights First
Human Rights Watch
International Commission of Jurists (ICJ)
Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH), par le biais de l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains
International Service for Human Rights (ISHR)
Maharat Foundation
Martin Ennals Foundation
Association marocaine des droits de l'Homme
PEN International
Reporters Sans Frontières
Scholars at Risk
Association Tunisienne de Défense des Valeurs Universitaires
Centre de Tunis pour la liberté de la presse
Forum tunisien pour es droits sociaux et économiques
Ligue tunisienne  des droits de l'Homme (LTDH)
Organisation tunisienne contre la torture
Vigilance for Democracy and the Civic State
Organisation mondiale contre la torture (OMCT), par le biais de l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains

Pour plus d'informations, contactez:

Erin Kilbride
erin@frontlinedefenders.org