Back to top
11 Décembre 2019

Le temps d'agir : Protéger les défenseur-ses qui dénoncent l'impact des entreprises sur la population et la planète

À l'occasion de la Journée internationale des droits humains, le Groupe de travail de l'ONU sur la question des droits de l’Homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, en collaboration avec le Rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des défenseur-ses des droits humains et un groupe d'organisations de la société civile1, mettent en évidence un message clé du récent forum des Nations unies sur les entreprises et les droits de l'Homme (Genève, 25-27 novembre 2019) : que la communauté internationale doit prendre des mesures concrètes pour prévenir les attaques contre les défenseurs des droits humains et de l'environnement qui mettent leur vie en danger pour protéger les personnes touchées par les activités des entreprises.

Cette question a été l'un des principaux points à l'ordre du jour du récent Forum des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l'Homme (Genève, 25-27 novembre) et d'une session conjointe du Groupe de travail, du Rapporteur spécial et des organisations de la société civile. La nécessité d'agir a également été mise en avant dans le message retentissant de la Déclaration "Initiative de tolérance zéro" faite par plusieurs défenseur-ses et ONG avant le Forum.

Tel que l'ont indiqué le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les défenseur-ses des droits humains et les ONG, il y a eu plus de 2000 attaques de ce type depuis 2015 - allant des procès, arrestations et détentions aux menaces de mort et meurtres. Ceux qui soulèvent leurs préoccupations en matière de droits humains concernant l'agro-industrie, les projets d'infrastructure et l'industrie extractive, en particulier les défenseur-ses des communautés autochtones, sont particulièrement touchés. Les femmes défenseuses des droits humains sont confrontées au fardeau supplémentaire de la violence à l'intérieur et à l'extérieur du foyer et sont attaquées en raison de qui elles sont et de ce qu'elles font - remettre en cause le pouvoir et les normes traditionnelles basées sur le genre.                            

Comme cela a été souligné pendant le Forum de l'ONU, bon nombre des principaux moteurs de ces attaques, ainsi que les recommandations sur la manière de les combattre, sont désormais bien compris : le problème fondamental est le manque de protection effective de l'État en faveur de l'environnement, du droit du travail, du droit à la terre, des droits, des moyens de subsistance et de la culture des peuples autochtones et des défenseur-ses des droits humains, qui se manifestent par des cadres réglementaires faibles et par le manque d'application des lois et des normes internationales existantes, y compris l'obtention d'un consentement libre, préalable et éclairé.

un business & human rights forum event - 2019

Watch UN Forum Part 1

Watch UN Forum Part 2

 

Les intervenants du Forum ont souligné que les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'Homme, qui fixent la norme mondiale et font autorité pour les devoirs et responsabilités respectifs des États et des entreprises pour prévenir et traiter l'impact des entreprises sur les droits humains, exigent que les États et les entreprises protègent les défenseur-ses des droits qui font part de leurs inquiétudes concernant les activités des entreprises. Lors de l'événement, les récentes initiatives positives prises par les États, les investisseurs et les entreprises ont été mises en lumière:

  • Une résolution adoptée par consensus à l'Assemblée générale des Nations Unies en novembre 2019 souligne les principaux aspects d'une politique de protection des défenseur-ses des droits humains. La résolution a attiré un nombre record d'États qui l'ont appuyée.
  • Les efforts déployés par la Norvège pour promouvoir la protection des défenseur-ses de l'environnement et des droits humains en tant qu'élément clé de sa politique étrangère et des attentes du gouvernement selon lesquelles les entreprises respectent les défenseur-ses des droits humains tout au long de leurs opérations.
  • Le gouvernement péruvien a développé un système d'alerte anticipée et un nouveau mécanisme pour protéger les défenseur-ses des droits humains.
  • Le gouvernement du Canada a mis à jour ses lignes directrices "Voix en péril" qui clarifient le rôle des entreprises dans la prévention et la lutte contre les attaques contre les défenseur-ses et que, dans les cas où des entreprises canadiennes seraient ou semblent être impliquées dans un cas d'atteinte aux droits humains contre des défenseur-ses, elles ne pourront pas bénéficier d'un soutien commercial.
  • Les avancées de certaines institutions financières internationales visant à introduire des protocoles pour lutter contre les représailles, et certaines entreprises et investisseurs, ainsi que des associations de l'industrie, qui ont adopté des positions de tolérance zéro en cas de représailles et d'attaques contre des défenseur-ses, et qui se sont prononcés en faveur des défenseur-ses et de la liberté d'expression et d'association.

Cependant, bien que de tels développements soient prometteurs, il est nécessaire de faire beaucoup plus, en particulier, tous les États doivent en faire plus pour lutter contre les facteurs d'attaques. Cela comprend une solide protection juridique des droits humains, notamment du droit à la terre, du droit du travail et des droits des peuples autochtones, ainsi que des lois qui reconnaissent le rôle des défenseur-ses, en mandatant les institutions financières internationales et les institutions bilatérales de financement du développement dans le but de créer des mécanismes de prévention et de protection appropriés pour faire face aux attaques, aux représailles et à la criminalisation des défenseur-ses, en tant que propriétaires de ces institutions, et pour l'introduction d'une "diligence raisonnable" en matière de droits humains, qui reconnaît la nécessité de faire face aux risques pour les défenseur-ses. On attend de plus en plus des entreprises qu'elles exercent une diligence raisonnable en matière de droits humains et qu'elles adoptent une approche de tolérance zéro à l'égard des représailles et des attaques contre les défenseur-ses, non seulement dans leurs propres opérations, mais aussi lorsqu'elles sont liées à de telles attaques par le biais de leur chaîne de valeur et de leurs relations commerciales.

Selon les termes des signataires de cette déclaration :

Marion Mondain, au nom de Publish What You Pay (Publiez ce que vous payez) : "Les défenseur-ses des droits humains qui parlent de l'impact négatif de l'accaparement des terres, des projets d'extraction à grande échelle et de la dégradation de l'environnement au nom des peuples autochtones et des autres membres de la communauté touchés, sont les plus susceptibles de subir des attaques."

Ana Zbona, au nom du Business and Human Rights Centre : "Les défenseur-ses des droits humains sont des acteurs essentiels dans les processus délibératifs et interviennent souvent, en l'absence d'une protection significative et suffisante de ces droits par les acteurs étatiques - en exigeant le respect et qu'ils rendent des comptes, en fournissant un système de freins et contrepoids, et en jouant le rôle de ceux qui veillent à l'inspection."

Michel Forst, Rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des défenseur-ses des droits humains en danger : "Les défenseur-ses des droits humains ne sont, pour la plupart, ni juridiquement reconnus comme tels, ni reconnus pour leur rôle important et leur contribution au développement, à la paix et à la démocratie. Ils manquent souvent d'un environnement sûr et propice à leurs actions, bien que certains États commencent à renforcer leur reconnaissance et leur protection juridiques. Respecter et protéger les défenseur-ses des droits humains n'est pas une option, mais une obligation."

Anita Ramasastry, au nom du Groupe de travail de l'ONU sur la question des droits de l’Homme et des sociétés transnationales et autres entreprises : "Les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'Homme établissent déjà un cadre clair quant à la protection des défenseuse-ses droits humains dans le contexte des affaires. Ils sont intrinsèquement liés aux obligations et aux engagements internationaux des États en matière de protection des droits et libertés fondamentaux et des objectifs de développement durable. Les Principes directeurs précisent également que lorsque les États manquent à leurs devoirs, les entreprises ont néanmoins la responsabilité de prévenir et de combattre les attaques contre les défenseur-ses liées à leurs propres opérations et relations commerciales."

Conclusion conjointe : "Il est grand temps pour tous les acteurs, États, entreprises et investisseurs en particulier de comprendre que les défenseur-ses ne sont pas des ennemis, mais des alliés essentiels qui contribueront à créer un avenir meilleur et plus sûr pour notre planète et pour nous tous.

1 AfricanDefenders (Pan African Human Rights Defenders Network), Business & Human Rights Resource Centre, DanChurchAid, Forest Peoples Programme, Forum Asia, Front Line Defenders, Global Witness, Fondation internationale des droits de l'Homme (FIDH), International Service for Human Rights, Publish What You Pay, Rafto Foundation.