Back to top
2 Décembre 2019

La cour suprême du Kirghizstan doit veiller au respect du droit d'Azimjan Askarov à un procès équitable

Dans une lettre conjointe, Front Line Defenders et six autres organisations internationales de défense des droits de humains ont exhorté Gulbara Kaliyeva, présidente de la Cour suprême du Kirghizstan, à garantir le droit du défenseur des droits humains Azimjan Askarov, emprisonné à tort, à bénéficier d'un procès équitable.

29 Novembre 2019

Gulbara Kaliyeva

Présidente de la Cour suprême du Kirghizstan

205, Abdumomunova str

Bichkek, Kirghizstan

Via email : Vskr@sot.kg

 

CC :

Sooronbay Jeenbekov

Président du Kirghizstan

Presidential administration

205 Chuy Prospect,

Bichkek, Kirghizstan

Via email : pisma@mail.gov.kg, oip@adm.gov.kg

 

Madame la Présidente Kaliyeva,

Nous, les organisations internationales soussignées de défense des droits humains et de la liberté de la presse, souhaitons attirer votre attention sur nos préoccupations concernant l'examen de l'affaire d'Azimjan Askarov, le 2 décembre 2019, par votre cour. Les avocats représentant M. Askarov ont interjeté appel du jugement rendu par le tribunal régional de Chuy le 30 juillet 2019, qui avait rejeté leur demande d'appliquer les récents amendements du code pénal du Kirghizitan - obligatoires pour toutes les affaires pénales du pays - au verdict prononcé en septembre. 2010.

Madame la Juge, nous vous demandons d’utiliser tous les pouvoirs garantis par votre bureau en vertu de la loi kirghize pour veiller à ce que les droits dAzimjan Askarov, y compris celui de bénéficier d’un procès équitable, soient pleinement respectés lors de l’examen de son appel. Nous vous demandons instamment de veiller à ce que les juges de la Cour suprême, lorsqu'ils examineront l'affaire, fassent preuve d'impartialité et d'un engagement honnête à l'égard de l'état de droit, et que leur décision soit conforme à la décision du Comité des droits de l'Homme des Nations Unies en mars 2016.

Azimjan Askarov, 68 ans, est défenseur des droits humains et journaliste ; il a été reconnu coupable et condamné à la réclusion à perpétuité en septembre 2010 pour son rôle présumé dans les violences interethniques de juin 2010 dans le sud du Kirghizstan. Azimjan Askarov a été reconnu coupable d'avoir participé à des troubles de grande envergure, d'incitation à la haine ethnique et de complicité dans le meurtre d'un policier tué lors des émeutes. L'enquête et le procès portant sur les crimes présumés ont été entachés de vices de procédure et les normes des procès équitables n'ont pas été respectées; ils ont été menés dans une atmosphère hostile où des proches du policier décédé ont intimidé et attaqué les accusés, leurs avocats et les membres de leur famille. Les allégations crédibles de M. Askarov, selon lesquelles il aurait été torturé en détention provisoire, n’ont jamais fait l’objet d’une enquête. Son verdict de culpabilité a été confirmé en appel, notamment par la Cour suprême.

En mars 2006, le Comité des droits de l'Homme des Nations Unies a conclu qu'Azimjan Askarov avait été arrêté arbitrairement, détenu dans des conditions inhumaines, torturé et soumis à d'autres formes de mauvais traitements sans réparation et qu'il n'avait pas bénéficié d'un procès équitable. La décision indiquait que le Kirghizstan avait "violé les droits de l'auteur en vertu de l'article 14 (3) (e) [PIDCP]". Le Comité a appelé le Kirghizistan à prendre les mesures appropriées pour libérer immédiatement M. Askarov et annuler sa condamnation. Bien que la décision ait entraîné un réexamen judiciaire de son affaire, en janvier 2017, le tribunal de Bichkek a rendu le même verdict qu'avant. Azimjan Askarov est toujours incarcéré et purge une peine de prison à perpétuité.

Dans une déclaration faite en avril 2016, l’Union européenne (UE) a appelé le Kirghizistan à "appliquer pleinement" la décision du Comité. Plus récemment, en janvier 2019, le Parlement européen a adopté une résolution sur l'accord global UE-Kirghizistan appelant à la libération immédiate d'Azimjan Askarov et à sa réhabilitation complète, ainsi qu'à l'annulation de sa condamnation par le Kirghizistan.

Le 18 mars 2019, Azimjan Askarov a été transféré du centre de détention provisoire SIZO-1 de Bichkek vers la colonie pénitentiaire n°19, située à environ une heure de Bichkek, dans la région de Chuy. Selon certaines sources, suite au transfert, Azimjan Askarov, âgé de 68 ans, a été placé à l'isolement pour le punir d'avoir protesté contre les restrictions imposées aux visites familiales qui lui sont imposées dans la colonie.

Selon l'un de ses avocats, qui a rendu visite à Azimjan Askarov en prison le 10 avril : "la santé d’Azimjan Askarov s’est considérablement détériorée depuis qu'il est détenu. Azimjan a perdu du poids, il tousse tout le temps. Il a une toux sèche et parfois il a du mal à reprendre sa respiration. Azimjan s'est plaint que ses jambes sont très froides et que rien n'y fait - ni les chaussettes, les chaussures ou le chauffage. Il a cessé de boire des liquides pour réduire le nombre de fois où il doit utiliser les toilettes". Son avocat a expliqué que si M. Askarov devait rester debout pendant de longues périodes, par exemple lors d'une vérification de sa cellule effectuée quotidiennement par les responsables de la prison, il se sent étourdi et pris de vertiges et il a des troubles respiratoires.

Azimjan Askarov a déjà purgé neuf ans de prison après une condamnation prononcée à l'issue d'un procès fondamentalement vicié et inéquitable. Il est temps que le Kirghizstan prouve son engagement en faveur des normes internationales relatives aux droits humains.

Nous vous demandons de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour aider Azimjan Askarov à être libéré et à retrouver sa famille.

Nous vous remercions de votre attention immédiate sur cette question urgente.

Sincères salutations,

Amnesty International

Civil Rights Defenders

Committee to Protect Journalists

Front Line Defenders

International Federation for Human Rights

International Partnership for Human Rights

Norwegian Helsinki Committee