Back to top
20 Novembre 2018

Stop au harcèlement contre les défenseur-ses des droits humains: Cessez la surveillance, garantissez la sécurité des anciens prisonniers

Les autorités ouzbèkes doivent cesser de harceler les militants des droits humains, notamment ceux qui ont récemment été libérés de prison, et garantir leur sécurité, ont déclaré aujourd'hui Amnesty International, Civil Rights Defenders, Front Line Defenders, l'International Partnership for Human Rights (IPHR), Human Rights Watch et le Comité d'Helsinki en Norvège.

En dépit des mesures importantes prises par les autorités pour améliorer la situation générale des droits humains en Ouzbékistan, au cours des dernières semaines, les organismes chargés de faire appliquer la loi ont renforcé leur surveillance de certains militants et interfèrent avec leur travail pacifique en faveur des droits humains. Le gouvernement doit garantir que les défenseur-ses des droits humains et les militants puissent mener à bien leur travail sans interférence et sans être harcelés.

"La reprise de la surveillance et des actes de harcèlement contre les membres de la communauté des droits humains en Ouzbékistan met les nerfs des DDH et de leurs familles à rude épreuve et provoque des traumatismes et du stress, que notre organisation a pu constater dès son arrivée à Tachkent le mois dernier" a déclaré Brigitte Dufour de l'IPHR.

Depuis la prise de fonction du président Shavkat Mirziyoyev il y a deux ans, le gouvernement a pris d'importantes mesures positives afin d'améliorer le bilan de l'Ouzbékistan en termes de droits humains et pour respecter ses engagements internationaux dans ce domaine. Cela inclut notamment la libération de prisonniers politiques, des réformes judiciaires, l'adoption de décrets présidentiels visant entre autres à améliorer la situation de la société civile et à lever les restrictions sur la libre expression.

Cependant, depuis un mois, les services de sécurité et la police effectuent une surveillance de plus en plus rapprochée de plusieurs défenseur-ses des droits humains, en particulier de personnes qui viennent d'être libérées de lourdes peines de prison. Les autorités intimident également les personnes qui manifestent leur intention de poursuivre leurs activités en faveur des droits humains, dont le DDH Agzam Turgunov et le journaliste Dilmurod Saidov (Sayyid).

Ils ont tous deux été libérés l'an dernier, après de longues peines de prison. Ils sont engagés dans le suivi de la situation des droits humains et dans le plaidoyer, et ils cherchent à faire enregistrer une organisation non gouvernementale, Restoration of Justice.

Agzam Turgunov nous a dit qu'il a remarqué être sous surveillance pour la première fois le 15 octobre 2018 et que cette surveillance a continué bien que les autorités ouzbèkes aient dit qu'elles y mettraient fin. Le 20 octobre, lors d'une visite à Tachkent, des représentants de l'IPHR ont été témoins de la surveillance du domicile d'Agzam Turgunov, par des agents en civil. Agzam Turgunov a dit à l'IPHR que le 18 octobre, deux représentants du comité de quartier (mahalla) l'ont informé que la police avait posé des questions à propos de ses activités. Il a également indiqué avoir vu un inconnu se tenir prêt de sa fenêtre, en train d'écouter ses conversations, et qu'il a aussi vu plusieurs voitures le suivre alors qu'il se déplaçait dans Tachkent en bus.

Agzam Turgunov a déclaré que la pression s'était accentuée lorsqu'il s'est rendu à Paris pour participer au Sommet mondial sur les défenseur-ses des droits le 28 octobre. Les autorités l'ont détenu à l'aéroport de Tachkent pendant deux heures avant son vol, et l'ont de nouveau arrêté pendant une heure à son retour. Il a aussi été convoqué au parquet dans le cadre d'une infraction administrative qu'il aurait commise le 30 août, alors qu'il prenait des photos d'une manifestation de proches de prisonniers près de la cour suprême.

En juin et juillet, des messages provocants ont été postés sur les réseaux sociaux au sujet d'Agzam Turgunov et de Dilmurod Saidov ; ces messages affirmaient sans aucune preuve ni raison que les deux défenseurs ont reçu d'importantes sommes d'argent de l'étranger dans le but de critiquer le gouvernement ouzbek. En octobre et novembre, d'autres messages sont apparus sur Facebook accusant Agzam Turgunov de faire partie de groupes criminels et radicaux, là encore sans donner la moindre preuve de ces allégations. Ces accusations extrêmement provocatrices et infondées sont troublantes car elles mettent en danger la sécurité et le bien-être d'Agzam Turgunov et de sa famille, et elles visent à discréditer le travail de ces défenseur-ses des droits humains courageux.

"Le vrai test des réformes menées en Ouzbékistan n'est pas à quoi elles ressemblent sur le papier, mais comment elles s'appliquent aux personnes, et notamment aux anciens prisonniers politiques", a déclaré Steve Swerdlow, spécialiste de l'Asie Centrale à Human Rights Watch. "Le gouvernement ouzbek devrait envoyer un signe sans ambiguïté à toute la société, y compris aux services de sécurité, rappelant que les défenseur-ses des droits humains jouent un rôle important dans le "nouvel" Ouzbékistan, et qu'ils seront protégés contre toute tentative de représailles".

Dilmurod Saidov a dit à nos organisations avoir été indirectement mis en garde par un "médiateur", qui appartiendrait soi-disant à la communauté des droits humains, en ce qui concerne les informations qu'il diffuse sur les réseaux sociaux à propos de la torture et des autres violations des droits humains en Ouzbékistan. Le "médiateur" a également dit à Dilmurod Saidov que s'il ne mettait pas un terme à ses actions en faveur des droits humains, il pourrait être soumis à un traitement psychiatrique forcé. Dilmurod Saidov a indiqué que lui et deux autres militantes, Tatyana Davlatova et Malohat Eshankuova, sont aussi étroitement surveillées par les forces de l'ordre.

Il y a quelques jours, Malohat Eshankuova a remis sa carte d'identité aux autorités de Samarcande afin d'obtenir un titre de résidence. Elle nous a dit que lorsqu'elle a présenté sa demande, les autorités ne lui ont remis aucun document officiel provisoire afin de certifier son identité, comme le requiert la procédure normale, ce qui l'expose au risque d'être placée en détention en cas de contrôle d'identité par la police. Les contrôles d'identité sont de plus en plus fréquents à Samarcande, en raison d'une conférence internationale sur les droits humains, l'Asian Forum for Human Rights, qui a commencé le 21 novembre.

Les autorités ouzbèkes doivent immédiatement stopper la surveillance et le harcèlement des défenseur-ses des droits humains, et garantir le respect des libertés fondamentales telles que la liberté d'expression, d'association et de réunion, ont déclaré les organisations. Les autorités doivent faire en sorte que tous les défenseur-ses des droits humains ouzbeks qui le souhaitent soient autorisés à assister à l'Asian Forum for Human Rights.

"La société civile ouzbèke a vécu des années extrêmement pénibles, que cela soit dans le pays ou à l'étranger, peut-être même pour les responsables du gouvernement", a déclaré Ivar Dale du Comité d'Helsinki en Norvège. "S'il y avait un temps pour tourner la page, ça y est. Les droits humains doivent être pris au sérieux en Ouzbékistan, pas simplement par la parole, mais par les actions".

Pour plus d'informations, contactez :

À Dublin, pour Front Line Defenders, Erin Kilbride
+353 85 742 3767
erin@frontlinedefenders.org