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18 Novembre 2022

Déclaration sur l’acharnement judiciaire contre l’éminent défenseur des droits humains Abdulhadi Al-Khawaja au Bahreïn

Front Line Defenders est profondément préoccupée par les récents signalements d’acharnement judiciaire à l’encontre du défenseur des droits humains Abdulhadi Al-Khawaja au Bahreïn. Abdulhadi Al-Khawaja est un défenseur des droits humains de renommée internationale qui a remporté le Martin Ennals Award pour les défenseur⸱ses des droits humains en 2022, élu par un jury composé de dix des principales ONG de défense des droits humains au monde. En 2011, il a été détenu, torturé et soumis à un procès inéquitable pour des accusations fabriquées de toutes pièces pour lesquelles il a été condamné à la prison à perpétuité en raison de ses activités en faveur des droits de la personne. Dès 2012, le Groupe de travail de l’ONU sur les détentions arbitraires a jugé que cette condamnation était arbitraire. Il détient la double nationalité danoise et bahreïnie.

Ces dernières semaines, Front Line Defenders a été informée d’une série de nouvelles accusations criminelles portées contre le défenseur. Ces nouvelles accusations semblent être des représailles directes contre Abdulhadi Al-Khawaja pour sa détermination sans faille à dénoncer l’injustice et les mauvais traitements dans la prison de Jaw.

La première des nouvelles accusations concerne un incident survenu en novembre 2021 lorsque Abdulhadi Al-Khawaja a été privé de son droit de téléphoner à ses filles. Il est accusé d’avoir cassé une chaise en plastique et d’avoir « insulté » un fonctionnaire de la prison. À ce moment-là, Abdulhadi Al-Khawaja avait entamé une grève de la faim pour protester contre le déni de son droit aux appels téléphoniques, et les appels téléphoniques avaient été rétablis plus tard.

Il est aussi accusé d’avoir soi-disant insulté un État étranger [Israël] et d’avoir insulté un fonctionnaire lors d’un incident survenu en mars 2022 lorsque Abdulhadi Al-Khawaja a scandé son opposition à la normalisation des relations entre le Bahreïn et Israël, et a refusé de discuter avec un gardien de prison, le tortionnaire présumé de l’un de ses compagnons de cellule, affirmant qu’il ne parlerait pas à une personne qui traite les gens comme des animaux.

La troisième accusation, et de loin la plus grave, est une allégation d’incitation à renverser ou à changer le régime, et concerne un incident survenu en juillet 2022 ; Abdulhadi Al-Khawaja devait en effet se rendre à un rendez-vous médical, un rendez-vous dont il a besoin en raison des effets néfastes durables des tortures bien documentées qu’il a subies aux mains des autorités bahreïnies lors de son arrestation en 2011. Les autorités de la prison avaient insisté pour que les mains et les pieds d’Al-Khawaja soient enchaînés pour la durée du transfert, bien qu’un médecin ait ordonné qu’il ne soit pas enchaîné en raison de ses blessures à la colonne vertébrale. En réponse à ces conditions punitives, Al-Khawaja a scandé « À bas le ministre de l’Intérieur », qui est le ministre responsable du système carcéral à qui incombe finalement la responsabilité des mauvais traitements que le défenseur a endurés aux mains des autorités de la prison.

Un quatrième chef d’accusation pour avoir protesté contre les mauvais traitements infligés à un autre détenu est également attendu dans les prochains jours.

Front Line Defenders appelle les autorités bahreïnies à abandonner immédiatement les nouvelles accusations portées contre Abdulhadi Al-Khawaja et à reconnaître son droit de manifester pacifiquement alors qu’il est toujours injustement détenu au Bahreïn.

Front Line Defenders appelle également la communauté internationale à renouveler les appels à la libération immédiate d’Abdulhadi Al-Khawaja. Cela fera bientôt douze ans qu’il a été arrêté, torturé et emprisonné, et il est clair que les efforts diplomatiques privés dans cette affaire très médiatisée ont manifestement échoué. Il est temps d’agir concrètement.

Contexte : Ancien coordinateur de protection de Front Line Defenders pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MOAN), ancien président du Bahrain Centre for Human Rights (BCHR) et cofondateur du Gulf Centre for Human Rights (GCHR), Abdulhadi Al-Khawaja œuvre depuis longtemps pour la promotion des droits humains dans la région MOAN et pour la protection des défenseur⸱ses des droits humains en danger.

En février 2011, des manifestations ont éclaté dans tout le Bahreïn pour réclamer de plus grandes libertés politiques. Dans le cadre de la répression gouvernementale contre ces manifestations, les leaders de l’opposition et les principaux défenseur⸱ses des droits humains, dont Abdulhadi Al-Khawaja, ont été arrêtés.

Le 9 avril 2011, près de vingt policiers armés et masqués se sont introduits dans la maison de la famille Al-Khawaja au milieu de la nuit, ont traîné le défenseur dans les escaliers alors même qu’il avait accepté de les suivre pacifiquement. Ils l’ont frappé avec force, notamment en lui donnant des coups de pied à la tête. Après son arrestation, il a dû subir une opération chirurgicale de quatre heures au visage et à la mâchoire.

Le 22 juin 2011, Abdulhadi Al-Khawaja a été injustement condamné à la prison à vie.

Pour rendre hommage à sa lutte pour les droits humains et la démocratie au Bahreïn et dans la région MOAN, Abdulhadi Al-Khawaja a reçu le Prix de la Liberté 2012, le Prix Politikens Frihedspris 2012 [Prix de la liberté], le Prix Dignité - Monde sans Torture 2013 et le Prix Martin Ennals 2022 pour les individus et les organisations qui font preuve d’un engagement exceptionnel pour la défense et la promotion des droits humains, malgré les risques que cela implique.