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10 Décembre 2018

Déclaration suite au décès de la FDDH russe Lyudmila Alekseeva

Front Line Defenders est profondément attristée par le décès de l'éminente défenseuse des droits humains Lyudmila Alekseeva, qui nous a quittés le 8 décembre 2018 à Moscou, à l'âge de 91 ans.

Lyudmila Alekseeva défendait les droits humains depuis plus de 50 ans et elle incarnait l'histoire du mouvement de défense des droits humains moderne en Russie. Le 5 décembre 1965, Lyudmila Alekseeva était présente lors de la première manifestation place Pushkinskaya à Moscou, pour exprimer sa solidarité avec les écrivains soviétiques persécutés Andrei Sinyavsky et Yuli Daniel. Les historiens ont déclaré cette journée comme l'anniversaire du mouvement de défense des droits humains soviétique, dont elle était un membre clé. Ces manifestations sont devenues le symbole d'un "dégel" pour la société civile dans l'Histoire russe soviétique ; Lyudmila Alekseeva y faisait référence comme "la génération du Dégel".1 Comme l'a dit Andrey Amalrik, écrivain et dissident russe, les défenseur-ses des droits humains "ont fait quelque chose d'ingénieusement simple [à ce moment-là] - dans un pays opprimé, ils ont commencé à se comporter comme des gens libres et ils ont donc changé l'atmosphère morale et les traditions qui gouvernaient le pays".

Lyudmila Alekseeva a suivi la tradition des défenseur-ses des droits humains du Dégel, elle a agi librement en parlant aux représentants du gouvernement et de la société civile. En 1976, elle faisait partie des fondateurs du Groupe Helsinki à Moscou, la plus ancienne ONG de défense des droits humains en Russie, et elle a dirigé ce groupe jusqu'à son décès. Dans le même temps, elle a aussi été nommée membre du Conseil présidentiel pour la société civile et les droits humains. Son travail a été récompensé par de nombreux prix décernés par des institutions gouvernementales ou non. Le talent de Lyudmila pour parler à tout le monde sans tenir compte de leur statut était ancré dans sa confiance en ses convictions. Pendant toutes ces années de travail en tant que défenseuse des droits humains, elle a été victime d'intimidations, de perquisitions de son domicile, d'interrogatoires et de 1977 à 1993, elle a été contrainte à s'exiler à cause de son travail; pourtant elle n'a jamais dévié de ses convictions.

Malgré la perte qu'elle représente pour le mouvement des droits humains en Russie, son travail ne sera jamais oublié et il se poursuivra à travers la nouvelle génération de défenseur-ses des droits humains en laquelle elle croyait fermement.

1 le terme fait référence au roman "The Thaw" (le Dégel) par Ilya Ehrenburg, qui a ensuite été utilisé pour nommer la période post-statilisniste de l'Histoire soviétique.