Plusieurs éminents défenseurs des droits humains saoudiens libérés bien après la fin de leur peine
Front Line Defenders salue la libération des défenseurs des droits humains Mohammed al-Qahtani et Issa Al-Nukhaifi, deux ans après la fin de leur peine. Toutefois, l’organisation se dit préoccupée par les traitements inhumains subis par les défenseurs des droits humains détenus en Arabie Saoudite, notamment l’absence de soins médicaux adéquats et le recours à des durées de détention prolongées, à des disparitions forcées et à la torture comme forme de représailles contre celles et ceux qui ont purgé leur peine.
Mohammed Fahd al-Qahtani est un éminent défenseur saoudien des droits humains, universitaire et cofondateur de la Saudi Civil and Political Rights Association (ACPRA). Il avait été arrêté en juin 2012 lors d’une vague d’arrestations de défenseur-ses des droits humains et d’activistes. Il a été condamné à une peine de 10 ans d’emprisonnement assortie d’une interdiction de voyager d’une durée égale, pour avoir « rompu allégeance au souverain » et pour avoir « remis en question l’intégrité des dignitaires ». L’ACPRA a été dissoute sur ordre du tribunal.
Issa Al-Nukhaifi est un défenseur des droits humains et un avocat qui s’oppose à la politique gouvernementale de déplacement forcé de personnes à la frontière entre l’Arabie saoudite et le Yémen, sans compensation adéquate. Il a aussi fait part de ses critiques et manifesté contre la guerre de l’Arabie Saoudite contre le Yémen. En 2018, il a été condamné à 6 ans de prison. Le tribunal lui a également interdit d’écrire ou d’utiliser les réseaux sociaux et de voyager en dehors du Royaume pendant les six années suivant sa libération.
Issa Al-Nukheifi et Mohammed Fahd al-Qahtani devaient respectivement être libérés de prison le 15 octobre 2022 et le 22 novembre 2022, après avoir purgé leur peine de 6 et 10 ans d’emprisonnement. Bien qu’ils aient exécuté ces peines, les défenseurs ont été maintenus en détention par les autorités pénitentiaires sans aucune explication et se sont vus refuser l’accès à une représentation juridique. Mi-octobre 2022, M. Al-Nukhaifi a entamé une grève de la faim ouverte pour protester contre son maintien en prison et sa non-libération. Au lieu de répondre à ses demandes, les autorités l’ont transféré vers un lieu inconnu, entraînant sa disparition forcée. Mohammad Fahd Al-Qahtani a également été victime d’une disparition forcée au cours de la même période, dans la même prison.
Front Line Defenders salue la libération des deux défenseurs des droits humains, ainsi que la récente libération d’autres défenseurs des prisons saoudiennes, dont Mohammed Abdulaziz Al-Khudairi, Mohammed Al-Habdan, et Malik Al-Ahmad, qui ont été libérés fin décembre 2024, mais l’organisation exprime sa préoccupation quant au traitement inhumain des défenseur⸱ses des droits humains en détention, ainsi que les formes de représailles que les autorités saoudiennes ont utilisées à plusieurs reprises contre celles et ceux qui ont terminé leur peine. Ces formes de représailles consistent notamment à prolonger les peines d’emprisonnement des défenseur⸱ses des droits humains ou à les rejuger pour prolonger leur détention sans leur fournir suffisamment d’informations ou d’assistance juridique.
Même après leur libération, de nombreux défenseur⸱ses des droits humains qui étaient auparavant détenus restent soumis à de sévères restrictions, notamment des interdictions de voyager illégales, des mesures de surveillance et d’autres mesures qui restreignent leurs libertés. C’est le cas de la défenseuse Loujain al Hathloul, dont l’interdiction de voyager aurait dû être levée le 12 novembre 2023, mais a été remplacée par une interdiction de voyager non officielle et indéfinie.
La répression saoudienne s’étend bien au-delà de ses frontières. Les défenseur⸱ses des droits humains vivant à l’étranger font l’objet d’un harcèlement incessant par le biais de cyberattaques, de campagnes de diffamation menées par des armées de trolls parrainées par l’État, et de menaces d’atteintes à l’intégrité physique. Leurs familles restées en Arabie saoudite sont souvent prises pour cibles afin d’intimider et de réduire au silence les défenseur⸱ses des droits humains à travers des mesures telles que des interdictions de voyager illégales, des sanctions administratives et, dans certains cas, des peines d’emprisonnement.
Front Line defenders demande instamment aux autorités saoudiennes de cesser de prendre pour cible les défenseur⸱ses des droits humains en Arabie Saoudite et à l’étranger, et de s’assurer qu’ils puissent mener à bien leurs activités légitimes en faveur des droits humains sans crainte de représailles et sans aucune restriction, y compris l’acharnement judiciaire.