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28 Juillet 2021

La purge contre les organisations de défense des droits humains et d’autres groupes civiques les oblige à se cacher ou à s’exiler

En juillet 2021, les autorités biélorusses ont liquidé ou entamé le processus de liquidation de plus de 80 organisations civiques, y compris d’éminents groupes de défense des droits humains et des organisations de média telles que le Legal Transformation Center (Lawtrend), l’Office for the Rights of People with Disabilities, Human Constanta, Belarusian Association of Journalists, the Belarus Press Club et le Center for Environmental Solutions. La pression contre les organisations civiques dans de nombreuses villes de Biélorussie a commencé dès l’automne 2020. De nombreuses inspections par divers organes de contrôle ont été lancées entre mai et juin 2021 mais ce n’est qu’en juillet 2021 qu’il est devenu clair que ces actions visent à purger les groupes de la société civile. Dans son discours prononcé lors d’une réunion du gouvernement le 22 juillet 2021, Alexander Lukashenko a comparé les ONG, les organisations à but non lucratif, à des bandits et des agents de l’étranger disant qu’ils sont tous « nuisibles au pays » et que « la purge » est en action. Plus tôt le 10 avril, le ministre des Affaires étrangères de Biélorussie, Vladimir Makey, a déclaré que la société civile du pays « cessera d’exister » en cas de sanctions plus sévères. La fermeture forcée des organisations civiques est survenue une semaine après que la police a perquisitionné plus de 40 groupes civiques, y compris des organisations de défense des droits humains. Les autorités ont arrêté de nombreux défenseur-ses des droits humains, dont Ales Bialiatski, Uladzimir Labkovich et Valiantsin Stefanovich, qui ont été inculpés et placés en détention provisoire en attendant leur procès.

Read the FLD Statement on 14 July 2021

Le 23 juillet 2021, des dizaines d’organisations civiques biélorusses ont découvert que leur Comité exécutif municipal respectif avait ordonné leur liquidation la veille, le 22 juillet. Certains ont déduit que le processus de fermeture forcée est en cours depuis juin 2021. En mai et juin 2021, de nombreuses organisations ont fait l’objet de nombreuses inspections par l’autorité d’enregistrement, un processus long et ardu qui a grandement entravé le travail de nombreuses organisations. Après les inspections, les organisations étaient censées corriger les « violations » qui auraient été constatées pendant les inspections. Toutefois, bon nombre d’entre elles n’ont été informées de ces « violations » que bien après la date limite pour les rectifier. Selon la législation biélorusse sur les organisations à but non lucratif, les autorités d’enregistrement ne peuvent inspecter que les organisations qui ont un statut d’« association publique », mais ne peuvent inspecter les organisations ayant un statut institutionnel. Les autorités biélorusses ont également besoin d’une décision de justice pour liquider les associations publiques, le processus de liquidation de ce type d’association est donc plus long.

La plupart des organisations n’ont pas été informées de la décision de liquidation et n’ont pas non plus été informées de la raison de cette décision. Les avocats biélorusses ont précisé que le processus de liquidation comporte de nombreuses erreurs qui sont compliquées par le processus juridique de fermeture pour de nombreuses organisations. Par exemple, les autorités d’enregistrement n’ont pas créé les commissions de liquidation requises qui étaient censées prendre en charge la gestion des biens des organisations pendant le processus de liquidation. En outre, sans les commissions de liquidation requises, de nombreuses organisations dont les bureaux ont été fouillés plus tôt ont vu leurs comptes bancaires gelés après les perquisitions, ce qui complique également le processus de liquidation. À partir du moment où la décision de liquidation est prise, l’organisation ne peut pas continuer à travailler, ni à dépenser de l’argent pour atteindre ses objectifs, sinon cela constitue une violation de la loi biélorusse sur les organisations à but non lucratif. Les organisations peuvent faire appel de la décision devant les tribunaux, mais la plupart d’entre elles n’ont pas l’intention de le faire, car après la vague de liquidations au début des années 2000, aucune décision judiciaire n’a reconnu que l’autorité d’enregistrement avait eu tort.

Après les perquisitions massives menées par les forces de l’ordre le 14 juillet, plus d’une douzaine d’éminents défenseur-ses des droits humains biélorusses ont été arrêtés dans tout le pays, la plupart d’entre eux dans le cadre d’une enquête pénale pour « organisation et participation active à des actions de groupe qui violent grossièrement l’ordre public » (Parties 1 et 2 de l’Article 342 du Code pénal) et certains pour « évasion fiscale » (partie 2 de l’article 243 du Code Pénal). Le 14 juillet, Aleh Mackevich et Ihar Kazmerchak ont été libérés après un interrogatoire et une perquisition. Siarhei Sys et Viktar Sazonau ont été libérés le 15 juillet. Yauheniya Babajeva, Siarhei Mackevich, Andrei Paluda et Alena Laptsionak ont été libérés 72 heures après leur arrestation, tandis que Nina Labkovich, l’épouse d’Uladzimir Labkovich, a été libérée le 23 juillet. Les déplacements de Siarhei Sys, Viktar Sazonau, Andrei Paluda, Alena Laptsionak et Nina Labkovich sont restreints par l’enquêteur sans décision du tribunal. Ales Bialiatski, Uladzimir Labkovich et Valiantsin Stefanovich sont toujours incarcérés dans le centre No.1 de la rue Volodarskaya à Minsk. Ils ont été inculpés. Leurs avocats ont dû signer un accord de non-divulgation et ne sont pas autorisés à partager des informations sur les affaires. Cependant, les collègues des défenseur-ses des droits humains pensent que les accusations peuvent également être liées aux parties 1 et 2 de l’article 342 du Code criminel et à la partie 2 de l’article 243 du Code criminel.

Front Line Defenders condamne la purge des organisations de défense des droits humains et d’autres groupes civiques en Biélorussie et y voit une tentative de détruire la société civile biélorusse et de rendre le travail des défenseur-ses des droits humains, des journalistes, des avocats et des militants civiques impossible dans le pays. Forcer les organisations à sortir du champ civique et juridique les oblige à entrer dans la clandestinité ou à travailler en exil, et conduira finalement à une moindre transparence de leurs activités à l’égard de l’État. Le travail des organisations civiques sur les questions sociales, et leur travail auprès des groupes vulnérables sont cruciaux dans le pays. En fermant ces organisations, les autorités empêchent les organisations d’accomplir ce travail qui ne peut être fait que lorsque les interactions entre la société civile et l’État sont en place. Front Line Defenders est profondément préoccupée par les arrestations de défenseur-ses des droits humains et de journalistes, et pense qu’ils sont pris pour cible uniquement à cause de leur travail légitime et pacifique en faveur des droits humains et de leur travail journalistique.

Front Line Defenders exhorte les autorités Biélorusses à :

  1. Prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la libération immédiate et inconditionnelle d’Ales Bialiatski, Valiantsin Stefanovich et Uladzimir Labkovich, abandonner toutes les charges portées contre eux et garantir leur intégrité physique et psychologique et leur sécurité ;
  2. Rétablir toutes les organisations civiques qui ont été liquidées par l’État, et garantir une société civile dynamique, forte et libre dans laquelle les défenseur-ses des droits humains peuvent opérer ;
  3. Cesser la pratique de la détention et des poursuites judiciaires des journalistes qui couvrent les manifestations en Biélorussie et des défenseur-ses des droits humains qui dénoncent les violations des droits humains et fournissant un soutien juridique dans le pays ;
  4. Prendre des mesures pour s’assurer que les représentants du gouvernement et d’autres personnalités publiques s’abstiennent de faire des déclarations stigmatisant le travail légitime des défenseur-ses des droits humains, des journalistes et des avocats, et qu’ils condamnent publiquement leurs calomnies ;
  5. Garantir qu’en toutes circonstances, tous-tes les défenseur-ses des droits humains en Biélorussie puissent mener à bien leurs actions légitimes en faveur des droits humains, sans craindre ni restrictions ni représailles.