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17 Septembre 2020

Politique publique pour la protection des défenseur-ses des droits humains au Guatemala

Alejandro Eduardo Giammattei Falla
Président de la République du Guatemala
Guatemala

Monsieur le Président Giammattei,

Les organisations signataires de cette lettre vous écrivent respectueusement pour vous rappeler l’obligation de l’État du Guatemala de se conformer sans délai à la décision de 2014 de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme «Défenseurs des droits humains et autres vs Guatemala », qui ordonnait l’adoption d’une politique publique de protection des défenseur-ses des droits humains.

Nos organisations reçoivent quotidiennement des informations sur l’intimidation, les meurtres, la stigmatisation, les détentions arbitraires ou les poursuites pénales non fondées, ainsi que d’autres attaques contre ceux et celles qui luttent pour les droits humains, dans la capitale ou en milieu urbain. Les défenseur-ses des droits humains vivent sous un siège constant au Guatemala sans une réponse efficace de l'État pour leur protection. La grande majorité des plaintes concernant les attaques restent impunies car elles ne sont pas traitées avec rapidité et efficacité par le ministère public. Dans le cas où les plaintes sont traitées, les quelques mesures de protection préventive sont généralement mises en œuvre par des agents de la police civile nationale, qui manquent de formation ou de capacité pour répondre globalement à ces situations à risques.

Malheureusement, la pandémie de COVID-19 n’a laissé aucune trêve de violence contre ceux qui défendent les droits humains dans le pays. Au contraire, au cours des six premiers mois de l’année, 677 nouvelles attaques ont été enregistrées, un chiffre bien plus élevé que les années précédentes, dont 10 meurtres. Cette augmentation reflète plus que jamais l’urgence de faire face aux risques auxquels les défenseur-ses sont confrontés de manière globale et inter sectionnelle, par le biais de politiques publiques et de ressources adéquates pour renforcer la réponse inter institutionnelle au problème.

Néanmoins, nous notons avec inquiétude que, six ans après la décision de la Cour interaméricaine des droits humains, le Guatemala n'a toujours pas adopté la politique publique ordonnée. Les efforts qui ont débuté en 2015 pour élaborer un projet de politique avec la participation de multiples secteurs de défenseurs et d’institutions étatiques - qui plus tard auraient été consultés avec les défenseurs de tout le pays - sont suspendus dans l’incertitude en raison de l’annonce récente du gouvernement de fermer la Commission présidentielle de coordination de la politique exécutive des droits humains (COPREDEH) - l’institution chargée de surveiller le respect par l’État de ses obligations internationales - et de la remplacer par la Commission présidentielle pour la paix et les droits humains (COPADEH).

En outre, d’autres espaces de dialogue fondamentaux pour la protection des défenseur-ses des droits humains, tels que l’Instance pour l’analyse des attaques contre les défenseurs des droits humains, ne fonctionnent plus. Monsieur le Président, il ne faut plus perdre de temps. Le renforcement des mécanismes de protection des droits humains et des institutions étatiques chargées de la protection des défenseur-ses des droits humains est fondamental pour l'expansion de l'espace civique. À cet égard, il est urgent que le Guatemala adopte des instruments efficaces pour reconnaître le travail précieux que les défenseur-ses accomplissent et pour garantir leurs droits fondamentaux à la vie et à l’intégrité personnelle, ainsi que leur droit de défendre les droits humains.

Unité pour la protection des défenseur-ses des droits humains - Guatemala (UDEFEGUA). Nous vous demandons de poursuivre sans délai le processus d’élaboration de la politique publique de protection des défenseur-ses des droits humains, en consultation avec les communautés et les organisations de la société civile. En outre, nous exhortons l’État à se conformer pleinement à la décision de la Cour interaméricaine des droits humains dans l’affaire des défenseurs des droits humains vs Guatemala.

En espérant que l’État du Guatemala se dotera bientôt d’une politique de protection des défenseur-ses des droits humains qui leur permette de poursuivre leur travail, nous vous prions d’agréer, Monsieur le président, nos plus sincères salutation.

Amnesty International
Centre for Justice and International Law (CEJIL)
Front Line Defenders
Iniciativa Mesoamericana de Mujeres Defensoras de Derechos Humanos (IM-D)
Just Associates (JASS)