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10 Septembre 2021

Lettre ouverte à la Banque africaine de développement et au Fonds nordique de développement : Contrer les représailles contre le clan Paten

Le 9 septembre, un groupe d’organisations membres de la Coalition pour les droits de l’Homme dans le développement et d’autres alliés ont envoyé une lettre ouverte à la Banque africaine de développement et au Fonds nordique de développement, les exhortant à prendre des mesures immédiates pour faire face aux représailles contre une communauté en Ouganda touchée par le projet d’irrigation de Wadelai.

Le 10 août 2021, des policiers et des militaires locaux ont tiré et blessé seize membres du clan Paten, une communauté du district de Pakwach, dans le nord de l’Ouganda, en représailles à leur opposition au projet d’irrigation de Wadelai, financé par la Banque africaine de développement (BAD) et soutenu par le Fonds nordique de développement (NDF).

Le personnel de l’entreprise de construction chargée de la mise en œuvre du projet, ainsi que des représentants des autorités locales et de la police, sont entrés de force dans la communauté. Lorsque les membres de la communauté ont été interrogés et ont commencé à protester contre l’intrusion, la police locale et des membres de la Force de défense populaire de l’Ouganda (UPDF) ont commencé à tirer des balles et des gaz lacrymogènes pour les disperser. 16 membres de la communauté ont été blessés.

Après la fusillade, la police a refusé de leur remettre les formulaires pour documenter les blessures subies, ce qui signifie qu’ils n’ont pas pu accéder facilement aux soins dans les centres de santé gouvernementaux. Le lendemain, des agents de l’UPDF ont arrêté et battu quatre femmes, dont une femme enceinte, alors qu’elles allaient chercher de l’eau. Ces attaques ne sont que le dernier exemple des représailles auxquelles font face les membres de la communauté et les défenseur-ses des droits humains dans le district de Pakwach, qui sont ciblés en raison de leur opposition à l’acquisition par le gouvernement de leurs terres pour la production agricole dans le cadre du projet d’irrigation Wadelai qui, selon eux, pourrait impacter leurs moyens de subsistance et leur quotidien.

Neuf membres de la communauté sont également criminalisés suite aux manifestations. La police locale les accuse d’avoir saboté le projet et ils sont actuellement en liberté sous caution. Deux défenseurs des droits humains bénévoles au sein de l’organisation, Buliisa Rural Initiative for Development (BIRUDO), qui sont également des fonctionnaires locaux, sont eux aussi criminalisés. Ils ont été convoqués devant le Comité des récompenses et des sanctions du district et ont été suspendus de leur emploi — ce qui signifie qu’ils ne gagnent que la moitié de leur salaire, qu’ils ont dû remettre leur passeport au commissaire du district et ne sont pas autorisés à quitter le district de Pakwach — après qu’ils ont soutenu le rejet du projet d’acquisition des terres par la communauté.

Buliisa Rural Initiative for Development (BIRUDO), une organisation locale de défense des droits humains qui œuvre pour améliorer la qualité de vie des communautés locales par le partage d’informations, la sensibilisation, le plaidoyer et la mise en réseau pour le développement durable, a également été suspendue par le commissaire adjoint du district et ne peut plus opérer dans le district de Pakwach. L’organisation est accusée d’aider la communauté à saboter les projets du gouvernement.

La collectivité a soulevé des préoccupations au sujet de la superficie de terres recherchées pour le projet, car celui-ci ne lui laisserait qu’une utilisation limitée pour ses propres besoins agricoles et autres. La collectivité a consenti à offrir 365 acres (soit l’équivalent de 145 hectares) pour le projet, mais a réalisé plus tard que le projet occuperait 365 hectares de ses terres. La communauté estime avoir été délibérément induite en erreur quant à la superficie des terres nécessaires et elle déclare ne plus faire confiance aux exécutants du projet.

Le projet d’irrigation de Wadelei, construit par la société ougandaise Coil Construction Company Limited, est l’un des quatre projets d’irrigation relevant du Projet d’amélioration du revenu agricole et de conservation forestière de la Banque africaine de développement (FIEFOC-2). Le FIEFOC-2 vise à « améliorer les revenus des ménages, la sécurité alimentaire et la résilience climatique grâce à une gestion durable des ressources naturelles et au développement des entreprises agricoles ». Le coût global de ce projet est d’environ 91,7 millions de dollars, dont près de 5,9 millions de dollars provenant du Fonds nordique de développement, 76,7 millions de dollars de la BAD et 9,1 millions de dollars du gouvernement ougandais.

Malgré l’opposition généralisée à l’acquisition de terres au sein des communautés locales, et malgré la violence et les arrestations récentes, Coil Construction Company Limited continue de prendre de force des terres du clan Paten. Au cours d’une première conversation avec la Banque africaine de développement au sujet des mesures de rétorsion susmentionnées, le personnel de la Banque a remis en question les griefs de la communauté tout en omettant de mentionner, et encore moins de reconnaître, la violence continue et les arrestations perpétrées contre la communauté par les forces de sécurité. Des mesures doivent être prises de toute urgence par la Banque africaine de développement et le Fonds nordique de développement pour empêcher que d’autres violences ne se produisent.

Nous, les organisations soussignées, condamnons fermement les représailles contre la communauté locale. Nous appelons la Banque africaine de développement et le Fonds nordique de développement à :

  • Répondre d’urgence au clan Paten et aux ONG qui les soutiennent et travailler en étroite collaboration avec eux pour répondre à leurs préoccupations
  • Demander aux autorités de cesser immédiatement toute violence et d’abandonner toutes les charges portées contre les membres de la communauté et les employés/bénévoles de BIRUDO
  • Demander aux autorités locales de lever la suspension de BIRUDO pour qu’elle puisse opérer dans le district de Pakwach
  • Communiquer clairement à toutes les organisations et personnes impliquées dans la mise en œuvre du projet d’irrigation Wadelai que les représailles ne sont pas tolérées par la Banque africaine de développement et le Fonds nordique de développement
  • Enquêter immédiatement sur la récente fusillade contre les membres du clan Paten et l’implication des partenaires de la mise en œuvre du projet de FIEFOC-2
  • Analyser le processus de consultation entrepris autour du projet d’irrigation de Wadelai et prendre des mesures pour s’assurer qu’à l’avenir, le projet respecte la sauvegarde opérationnelle 2 de la BAD — Réinstallation involontaire : acquisition de terres, déplacement de population et indemnisation
  • Veiller à la création d’un mécanisme fonctionnel de règlement des griefs et de recours au niveau du projet.

Signataires :

AbibiNsroma Foundation
ARTICLE 19 Eastern Africa
Arab Watch Regional Coalition
Bank Information Center
Botswana Watch Organization
Both ENDS, the Netherlands
Buliisa Rural Initiative for Development (BIRUDO)
Community Initiatives for Sustainable Development
Community Empowerment and Social Justice Network (CEMSOJ), Nepal
Community Resource Centre, Thailand
Defenders in Development Campaign
Equitable Cambodia
Foundation for Environmental Management and Campaign against Poverty (FEMAPO),
Tanzania
Front Line Defenders
Green Advocates International
International Accountability Project
International Rivers (Africa Program)
Jamaa Resource Initiatives, Kenya
Just Associates Southern Africa
Lawyers’ Association for Human Rights of Nepalese Indigenous Peoples (LAHURNIP)
Lumiere Synergie pour le Developpement
Narasha Community Development Group
Protection International Africa
Recourse, the Netherlands
Urgewald
Uganda Consortium on Corporate Accountability (UCCA)
WoMin African Alliance