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28 Août 2018

Des ONG écrivent une lettre ouverte à AMLO au sujet de la criminalisation des DDH

Lettre ouverte conjointe

Genève-Paris-Dublin-Munich

M. Andrés Manuel López Obrador
Président-élu du Mexique

Objet: Mettre fin à la criminalisation des défenseur-ses des droits humains doit être une priorité pour le nouveau gouvernement mexicain

Son Excellence M. le Président-élu,

Alors que nous nous préparons à l'investiture du nouveau gouvernement mexicain que vous vous apprêtez à diriger, des organisations internationales s'adressent à vous avec attention afin de vous faire part de leurs préoccupations concernant la grave crise que traverse le Mexique concernant le droit de défendre les droits, et elles exhortent votre administration à inclure, comme thème central de sa politique pour les droits humains, la fin de la criminalisation des défenseur-ses des droits humains au Mexique.

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Au Mexique, il existe une tendance grave à la criminalisation des manifestations sociales, qui ressort de manière évidente à travers les nombreux cas de détentions arbitraires et de poursuites judiciaires infondées qui violent le droit des défenseur-ses des droits humains à bénéficier des procédures normales dans le pays. Ce phénomène est particulièrement grave à cause de son objectif évident : celui de paralyser et faire perdre la légitimité des causes pour lesquelles les défenseur-ses des droits humains se battent.

La tendance à la criminalisation au Mexique est non seulement régulièrement dénoncée par les organisations non gouvernementales (1) mais elle est aussi confirmée par les Nations Unies par le biais de son groupe de travail sur les détentions arbitraires. Le groupe de travail a émis 8 avis - qui ne sont toujours pas appliqués - dans lesquels il déclare que les arrestations de 32 défenseur-ses des droits humains sont arbitraires et réclame leur libération immédiate. Cinq des avis ont été émis en l'espace d'un peu plus d'un d'an, entre août 2014 et décembre 2015. C'est un évènement sans précédent, car c'est la première fois que le groupe de travail émet autant d'avis pour un même pays en si peu de temps.

Nos organisations sont particulièrement préoccupées par le haut taux de criminalisation des défenseur-ses dans l'État de Oaxaca. L'ONU a également souligné cela en mettant en lumière l'existence d'une tendance à la violation des droits humains dans cet État. En effet, 6 des 8 avis émis par le groupe concernent des défenseur-ses de Oaxaca, notamment les affaires de Damián Gallardo (Opinion 23/2014), Enrique Guerrero (Opinion 55/2015) et Librado Baños (Opinion 19/2015), ainsi qu'une affaire collective qui comprend 22 membres de Sol Rojo qui ont été arbitrairement détenus en 2015 après avoir participé à une manifestation publique (Opinion 17/2016). Il convient de noter qu'outre les affaires déjà mentionnées pour lesquelles l'ONU a rendu des avis, nos organisations sont au courant d'au moins 6 autres affaires (2) de défenseur-ses criminalisés à Oaxaca.

Nos organisations font part de leurs préoccupations concernant la situation des défenseur-ses à Oaxaca, où non seulement la défense des droits humains entraine la criminalisation des manifestations sociales, mais entraine aussi de graves exactions telles que l'exil forcé, comme l'illustre l'affaire du défenseur autochtone Juan Sosa Maldonado, en exil depuis 2013 après avoir été victime d'une grave attaque contre sa vie, ainsi que des disparitions forcées, comme l'affaire de l'avocat en droits humains Ernesto Sernas García qui a disparu le 10 mai 2018.

Compte tenu des éléments susmentionnés, nos organisations soulignent l'urgence de mettre en place des garanties pour le travail des défenseur-ses des droits humains à Oaxaca. Nous soulignons aussi que répondre aux familles des défenseur-ses des droits humains criminalisés et aux organisations qu'ils représentent devrait être une priorité du futur gouvernement, afin de montrer son engagement pour la résolution de cette crise à Oaxaca et en tant que mesure nécessaire pour agir sur une situation extrêmement inquiétante dans tout le pays.

Nous rappelons aussi que nos organisations rejettent une alternative où les défenseur-ses des droits humains criminalisés pourraient bénéficier d'une amnistie, et nous demandons que leur libération ne laisse place à aucune forme de doute quant à leur innocence, par le biais de la résolution des poursuites judiciaires à leur encontre selon la loi, en respectant toutes les normes internationales relatives aux droits humains et dans le plein respect des avis de l'ONU.

Monsieur le Président-élu, nous vous remercions pour votre attention et nous vous adressons l'assurance de notre plus haute estime:

  • Organisation Mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l'Observatoire pour la protection des défenseur-ses des droits humains
  • La FIDH, dans le cadre de l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains
  • Front Line Defenders
  • Ecumenical Office for Peace and Justice

(1) Voir le rapport joint publié en 2016 par onze organisations non gouvernementales mexicaines et internationales: "Arbitrary and illegal detentions - Criminalization: A State policy to inhibit the defense of human rights in Mexico". disponible ici: https://www.frontlinedefenders.org/en/statement-report/arbitrary-and-ill...

(2) Les affaires de Norma Cleyver Cruz Vazquez, Nicasio Zaragoza Quintana, Teofilio García López, Felipe Rojas Ordunio, Joaquín Zárate Bernal et Antonio Zárate Bernal. Nous sommes vivement préoccupés par l'affaire d'Ernesto Sernas García, avocat de la défense des DDH criminalisés de Sol Rojo, porté disparu depuis le 10 mai 2018, ainsi que celle de Juan Sosa Maldonado, qui a dû quitter le Mexique en 2014 après avoir souffert d'une grave attaque contre sa vie.

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