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10 Avril 2018

La Commission nationale des droits humains dénonce la responsabilité des autorités fédérales dans de graves violations perpétrées contre les défenseurs des droits humains Damián Gallardo et Enrique Guerrero

Oaxaca-Genève-Paris, 8 avril 2018

·     La recommandation de la Commission nationale des droits humains est un autre signe des nombreuses violations perpétrées contre les défenseurs et montre qu'il est urgent de les libérer
·     La CNDH exhorte le procureur général du Mexique à ouvrir une enquête immédiate sur les actes de torture
·     Les ONG appellent à la mise en place d'un mécanisme de surveillance pour veiller au respect de la recommandation

 

Le 20 mars 2018, près de cinq ans après le dépôt de plusieurs plaintes, la Comisión Nacional de Derechos Humanos -CNDH (Commission nationale des droits humains) a fait une recommandation (5/2018), dans les affaires ouvertes contre les défenseurs des droits humains Damián Gallardo Martínez, Enrique Guerrero Aviña et 10 autres personnes. Il convient de rappeler que les deux défenseurs sont arbitrairement emprisonnés depuis mai 2013 et qu'ils sont victimes de violations des droits humains récurrentes depuis leur arrestation [2].

Tout comme les familles et les organisations locales, nationales et internationales qui suivent l'affaire des défenseurs, nous cherchons à rendre public le contenu de cette recommandation, qui confirme la véracité des témoignages fournis par Damián Gallardo Martínez et Enrique Guerrero Aviña, concernant les graves violations des droits humains dont ils sont victimes.

La reconnaissance de ces graves violations par la CNDH rejoint celle de plusieurs organisations internationales, telles que l'ONU, qui ont dénoncé ces actes à plusieurs occasions et rappelle:

1) les opinions 23/2014[3] et 55/2015[4] du Groupe de travail de l'ONU sur les détentions arbitraires, qui considèrent que les détentions de Damián Gallardo et Enrique Guerrero sont arbitraires et qui appellent à leur libération immédiate;
2) L'appel urgent [5] relatif aux défenseurs des droits humains, à la torture, à la liberté d'expression et à la liberté de rassemblement et d'association concernant les violations perpétrées contre Damián Gallardo;
3) Les inquiétudes relatives aux graves violations perpétrées dans les deux affaires, soulevées dans le rapport sur la situation des défenseurs des droits humains écrit par le Rapporteur Michel Forst après sa visite au Mexique en 2017 [6];
4) les organisations internationales telles que Front Line Defenders[7], l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (un programme conjoint de l'Organisation mondiale contre la torture et la Fédération Internationale des Droits de l'Homme FIDH], la Coordinación Alemana para los Derechos Humanos en México [9]; Amnesty International [10]; et un groupe de 50 ONG internationales [11], ont également dénoncé à plusieurs reprises le caractère arbitraire de la détention et les graves violations perpétrées contre les défenseurs des droits humains.

En raison de la nature symbolique de ces affaires, Damián Gallardo et Enrique Guerrero ont reçu de multiples visites de la part des organisations internationales telles que les corps diplomatiques et des représentants [12] du bureau de l'ONU au Mexique, un évènement historique dans le cas de défenseurs détenus dans des prisons de sécurité maximale.   

La recommandation 05/2018 de la CNDH attire l'attention sur la responsabilité des autorités fédérales qui commettent des graves violations des droits humains, notamment l'usage excessif de la force, la détention arbitraire, les fouilles de domicile, les interférences arbitraires, les violations de la sûreté juridique par le biais de la divulgation de photos, l'absence d'enquête sur les actes de torture et la divulgation d'informations confidentielles sur les personnes détenues.

Cette recommandation révèle une tendance dans le comportement de la police contre les détenus; comme l'ont indiqué les organisations internationales c'est une pratique généralisée au Mexique [13]. Elle donne un compte rendu des graves vices de procédure qui ont eu lieu dans les deux affaires, remettant en question les actions du corps policier, de la Procuraduría General de la República -PGR (parquet général de la République) et de l'autorité judiciaire elle-même.

En outre, malgré la clarté faite sur ces questions, il convient de souligner les déficiences et les oublis de la recommandation de la CNDH à plusieurs égards. D'une part, le fait que Damián Gallardo  et  Enrique Guerrero ne soient pas reconnus comme des défenseurs des droits humains est extrêmement inquiétant, alors que l'ONU et plusieurs organisations internationales les ont reconnus en tant que tels. La réticence de la CNDH à leur reconnaitre ce statut limite la compréhension du travail des DDH sur les violations des droits humains et de leurs différents objectifs et impact.

En outre, il est particulièrement grave ne pas dénoncer l'existence de torture dans ces deux affaires, et d'indiquer simplement que des blessures non nécessaires ont été infligées. En effet, les 12 affaires mentionnées dans la recommandation, et pas uniquement les deux, montrent des preuves de blessures similaires et un suivi indépendant du protocole d'Istanbul est cohérent avec d'éventuels actes de torture. La CNDH n'énumère que les blessures découvertes après la détention, sans les analyser dans un contexte global et sans analyser la tendance qu'elles révèlent.

Dans l'affaire d'Enrique Guerrero, il est important de mentionner que, bien que la CNDH reconnaisse l'existence d'impacts de balles sur le véhicule du défenseur, causés par la police fédérale, sa conclusion reste évasive et ne prend pas position en ce qui concerne la tentative d'exécution extrajudiciaire que cela représente.

Pour conclure, la recommandation représente un nouvel indicateur des multiples violations perpétrées contre les défenseurs et de l'urgence de les libérer. Il est fondamental que les autorités respectent le calendrier fixé légalement. Nous, les organisations soussignées, seront vigilantes vis-à-vis de la réponse des autorités et le respect des différents aspects cités dans la recommandation.

À cet égard, nous soulignons la portée de la recommandation, par laquelle la CNDH:
A) va porter plainte devant la PGR afin qu'elle enquête et punisse les autorités jugées responsables;
B) va déposer plainte devant le département des affaires internes de la police fédérale afin qu'elle enquête et punisse ses agents cités pour usage excessif de la force, interférence arbitraire, détention arbitraire et violation des garanties de procédure;
C) exhorte la PGR à continuer ses enquêtes sur les actes de tortures dénoncés par les deux défenseurs;
D) exhorte la Comisión Nacional de Seguridad à s'abstenir de publier des photos ou des données personnelles sur les personnes détenues.

Nous appelons les autorités à accepter la recommandation de la CNDH dans son intégralité et par conséquent, à la respecter.
À cet égard, nous demandons à la Commission nationale des droits humains de mettre immédiatement en place un mécanisme de surveillance pour veiller au respect de la recommandation, avec la participation de nos organisations, qui suivra les affaires des défenseurs.

Organisations signataires

Article 19 Bureau Mexique et Amérique Centrale;
Consorcio para el Diálogo Parlamentario y la Equidad Oaxaca A.C. [Consortium de Oaxaca pour le dialogue parlementaire et l'équité A.C.*];
Colectivo Contra la Tortura y la Impunidad A.C. [Collectif contre la torture et l'impunité A.C.*]
Colectivo Liquidámbar [Collectif Liquidambar];
Colectivo Mujer Nueva [Collectif femme nouvelle];
Centro de Derechos Humanos Fray Francisco de Vitoria O.P. A.C. [Centre pour les droits humains Frère Francisco de Vitoria O.P.** A.C.*];
Comité de Familiares, Amigas y Amigos de Damián Gallardo Martínez [Comié des parents, amies et amis de Damián Gallardo Martínez];
Comité Enrique Guerrero Aviña [Comité pour Enrique Guerrero Aviña];
FIDH, dans le cadre de l'observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains;
Front Line Defenders:
Iniciativa Ciudadana Oaxaca [Initiative citoyenne Oaxaca, ICO]
Grupo de Acción por los Derechos Humanos y la Justicia Social [Groupe d'action pour les droits humains et la justice sociale];
OMCT -Organisation mondiale contre la torture dans le cadre de l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains;
Servicios y Asesoría para  la Paz A.C. [Services et consultation pour la paix A.C.*, Serapaz];
Servicios para una Educación Alternativa EDUCA A.C. [Services pour une éducation alternative A.C.*]

* Note de la traductrice: A.C. est l'abréviation espagnole pour Asociación Civil, à savoir, une entité à but non lucratif

** Note de la traductrice: O.P. est l'abréviation espagnole pour Orden de Predicadores, Ordre des Prédicateurs

Contacts:

Affaire Damián Gallardo Martínez:
Yolanda Barranco Hernández, tel: (045) 951 195 64 53 / Consorcio Oaxaca, 0449511240902
affaire Enrique Guerrero Aviña:
Lenica Morales Zavaleta, E-mail: cega.enrique@gmail.com, Tel:  (01 55) 56045642 / Centro Fray Francisco de Vitoria, (01 55) 56596797 ext 227

[1]Commission nationale des droits humains, recommandation 5/2018, disponible sur: http://www.cndh.org.mx/sites/all/doc/Recomendaciones/2018/Rec_2018_005.pdf
[2]plus d'affaires disponibles sur:  https://www.frontlinedefenders.org/es/case/case-history-damian-gallardo-... et https://www.fidh.org/es/temas/defensores-de-derechos-humanos/mexico-tres...
[3]Nations Unies, Groupe de travail sur les détentions arbitraires, Opinion 23/2014, disponible sur: http://ap.ohchr.org/documents/dpage_e.aspx?si=A/HRC/WGAD/2014/23
[4]Nations Unies, Groupe de travail sur les détentions arbitraires, Opinion 55/2015, disponible sur: http://ap.ohchr.org/documents/dpage_e.aspx?si=A/HRC/WGAD/2015/55
[5]Nations Unies, Rapport de communication des procédures sépciales, 27e Session du Conseil des droits de l'Homme, septembre 2014. (p.46), disponible sur: http://www.ohchr.org/EN/HRBodies/SP/Pages/CommunicationsreportsSP.aspx
[6]Nations Unies, Déclaration de fin de mission par Michel Forst sur sa visite au Mexique janvier 2017, disponible sur:  https://www.hchr.org.mx/images/doc_pub/SRHRD-END-OF-MISSION-STATEMENT-FI...
Nations Unies, 37e session du Conseil des droits de l'Homme, Rapport du Rapporteur spécial Michel Forst, Mars 2018, disponible sur:   https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G18/043/30/PDF/G1804330.pd...
[7] Front Line Defenders. Antécédents de l'affaire Affaire Damian Gallardo Martinez Disponible sur:  https://www.frontlinedefenders.org/en/case/case-history-damian-gallardo-...
[8] L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (OMCT-FIDH), Mexique: Communiqué de presse conjoint: 4 years after the arbitrary detention of Damián Gallardo and Enrique Guerrero, le Parlement Européen et la société civile appellent à leur libération. Mai 2017. Disponible sur: http://www.omct.org/es/human-rights-defenders/urgent-interventions/mexic...
[9]Idem
[10]Amnesty International, False suspicions. Arbitrary detentions by police in Mexico, 2017. Disponible sur: https://www.amnesty.org/download/Documents/AMR4153402017ENGLISH.PDF
[11]Stand for Human Rights Defenders. Damián Gallardo. Disponible sur: http://stand4humanrightsdefenders.eu/featured-damian.php
[12]UN HR Mexico: Carries out work mission to Jalisco. Disponible sur: http://www.hchr.org.mx/index.php?option=com_k2&view=item&id=943:onu-dh-m...
[13]Amnesty International, False suspicions. Arbitrary detentions by police in Mexico, 2017. Disponible sur:  https://www.amnesty.org/download/Documents/AMR4153402017ENGLISH.PDF