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26 Janvier 2018

Un éminent défenseur des droits humains piégé pour possession de drogue en Tchétchénie

L'éminent défenseur des droits humains tchétchène Oyub Titiev est actuellement détenu par les autorités fédérales en Tchétchénie

Des défenseur-ses des droits humains en Tchétchénie ont indiqué à Front Line Defenders qu'une importante quantité de drogue avait été dissimulée dans le véhicule d'Oyub alors qu'il a été stoppé sur la route et conduit au poste de police. Oyub Titiev est désormais en détention préventive et il est accusé de possession de drogue en grande quantité (article 228 du Code pénal de Fédération de Russie).

La police a demandé à Oyub Titiev d'avouer et a menacé les membres de sa famille. Le 9 janvier 2018, des hommes armés sont arrivés chez lui à la recherche de son frère et de son fils, ils ont chassé les femmes de la maison, ont fermé la porte à clé et pris la clé. Après cet incident, la famille d'Oyub Titiev a fuit la république Tchétchène.

Le 25 janvier 2018, lors d'une audience en appel, la Cour suprême de Tchétchénie a confirmé la détention préventive d'Oyub Titiev. L'audience était prévue pour le début de la journée mais Oyub Titiev n'a pas été conduit dans la salle d'audience et ses avocats n'ont pas été informés de l'endroit où il se trouve.

Incendie criminel et surveillance

Le 15 janvier, l'un des avocats d'Oyub Titiev, Petr Zaikin, a publié une déclaration dans laquelle il disait avoir été placé sous surveillance en Tchétchénie, et a publié une photo d'une voiture avec une plaque d'immatriculation distinctive qui le suivait. Les collègues d'Oyub Titiev du HRC à Moscou qui se sont rendus en Tchétchénie ont également indiqué être surveillés

Les bureaux de Memorial à Nazran, en Ingouchie, ont été attaqués par deux hommes masqués (filmés par des caméras de vidéos surveillance), qui ont mis le feu le 17 janvier. Bien que personne n'ait été blessé, trois des six pièces ont été lourdement endommagées et le matériel électronique et les documents ont été détruits. Les menaces contre le travail du HRC Memorial se sont encore aggravées le 23 janvier 2018, lorsque la voiture de l'un des avocats du HRC Memorial a été incendiée par des inconnus à Makhachkala, au Dagestan, et l'organisation a reçu des menaces d'incendie criminel contre ses bureaux.

Le 11 janvier, la porte-parole du Service européen pour l'action extérieure, Federica Mogheini, a appelé à la libération d'Oyub Titiev, indiquant que "l'affaire de M. Titiev est particulièrement préoccupante car sa prédécesseure, Mme Natalia Estemirova, a été assassinée en 2009 et que personne n'a été traduit en justice pour ce crime".

Le 12 janvier, les présidents de la Commission des Affaires étrangères du Parlement européen, David McAllister (EPP,DE) et de la sous-commission des droits humains, Pier Antonio Panzeri (S&D,IT) ont déclaré: "Nous sommes vivement préoccupés par la détention cette semaine d'Oyub Titiev, éminent défenseur des droits humains et directeur du Centre pour les droits humains Memorial en République de Tchétchénie, et nous appelons les autorités russes à le libérer immédiatement et s'assurer qu'il bénéficie de toutes les protections nécessaires pendant la procédure".

Les fausses accusations de possession de drogue en Tchétchénie

L'utilisation de l'article 228 pour discréditer les défenseur-ses des droits humains est une tactique fréquemment employée par les autorités tchétchènes. En 2014, Ruslan Kutaev, militant de la société civile tchétchène, a été condamné en vertu d'accusations similaires à trois ans et dix mois de prison. Il a été libéré fin 2017. En 2016, Zhalaudi Geriev, défenseur des droits humains et journaliste indépendant connu pour ses reportages sur les abus commis par les autorités tchétchènes, a été condamné à trois ans de prison pour possession de drogue. Les deux hommes ont été torturés en prison.

"Oyub risque sa vie pour documenter et signaler les exactions violentes en Tchétchénie, où les militants sont systématiquement ciblés par des attaques physiques, des incendies criminels ou des arrestations et des fausses accusations, telles que les accusations absurdes relatives à la drogue portées contre Oyub. En plaçant Oyub en détention, il est clair que les autorités cherchent à forcer son organisation, le Centre pour les droits humains Memorial, à enfin fermer ses bureaux dans le nord du Caucase". -Ed O'Donovan, responsable de la protection

Memorial: Une décennie d'attaques

Le Centre pour les droits humains Memorial est l'une des organisations les plus anciennes et plus respectées en Russie, et la seule organisation toujours présente en Tchétchénie malgré de longues années de guerre et de répression. En 2009, la défenseuse des droits humains internationalement reconnue Natalia Estemirova a été enlevée et assassinée, un assassinat qui aurait été ordonné par les plus hautes autorités. Les actes d'intimidation conte Memorial ont persisté depuis l'assassinat de Natalya, en Tchétchénie et dans toute la région du Nord du Caucase. Suite aux attaques conte les DDH en Tchétchénie, plusieurs organisations russes ont créé le Joint Mobile Group (JMG) pour continuer à surveiller la situation des droits humains sans faire prendre de risques supplémentaires aux DDH locaux. En décembre 2014, un appartement occupé par le JMG a été incendié. Le 9 mars 2016, des hommes masqués ont agressé physiquement et mis le feu à un bus qui transportait un groupe de défenseur-ses des droits humains et journalistes qui se rendait à Grozny, depuis l'Ingouchie. Le 16 mars 2016, le défenseur des droits humains M. Igor Kalyapin, directeur du JMG, a été attaqué par un groupe d'hommes masqués alors qu'il était à Grozny. La veille, la police a mené une perquisition des bureaux du JMG à Grozny.

Front Line Defenders reste extrêmement préoccupée pour la santé et le bien-être d'Oyub Titiev pendant sa détention préventive, et appelle les autorités tchétchènes et les autorités russes à le libérer immédiatement et à abandonner toutes les charges qui pèsent contre lui.

Les différentes pressions et les tactiques intimidantes employées par les autorités visent clairement à ce qu'il n'y ait plus aucun témoin des violations des droits humains perpétrées en Tchétchénie ni de l'impunité dont jouissent les coupables et les forces de sécurité.

Pour plus d'informations:
Masha Chichtchenkova
masha@frontlinedefenders.org
+33-68-978-1346