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11 Avril 2019

Déclaration conjointe - Mozambique : Les groupes de la société civile appellent à la libération immédiate et inconditionnelle d'un journaliste radio

Les 38 organisations de défense des droits humains et des libertés civiles soussignées sont vivement préoccupées par le maintien en détention arbitraire de M. Amade Abubacar, journaliste pour une radio communautaire publique, la Rádio e Televisão Comunitária Nacedje de Macomia, dans la province de Cabo Delgado. Nous exhortons les autorités du Mozambique à le libérer immédiatement et sans condition, et à permettre à tous les journalistes d'opérer librement et en toute sécurité.

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Amade est détenu depuis le 5 janvier, lorsqu'il a été arrêté par des policiers du district de Macomia qui n'avaient pas de mandat. Au moment de son arrestation, Amade était en train d'interviewer des personnes qui ont fui leurs maisons en raison de l'intensification des attaques violentes perpétrées par les membres d'un groupe extrémiste. La police l'a remis à l'armée qui l'a conduit dans un centre de détention dans le district de Mueda, où il a été détenu au secret pendant 12 jours. Pendant ces 12 jours de détention au secret, Amade aurait été soumis à différentes formes de mauvais traitements, qui s'apparentent à de la torture. Le 25 janvier, Amade à dit aux représentants du barreau du Mozambique que les policiers l'avaient plusieurs fois violemment secoué et forcé à dormir menotté. Il a également confirmé avoir été privé de nourriture pendant plusieurs jours. En vertu du droit mozambicain, le personnel militaire n'est pas autorisé à détenir des prisonniers dans des casernes militaires. Les suspects arrêtés lors d'opérations militaires doivent être remis à la police, qui procédera à leur arrestation et qui ensuite les libèrera ou les accusera dans les 48 heures. Amade est actuellement détenu dans la prison de Mieza à Pemba, où les autorités lui refusent de recevoir les visites de sa famille. La date de son procès n'a toujours pas été fixée.

Les autorités enquêteraient sur Amade pour "incitation à utiliser les médias électroniques" et "violation de secret d'État", en vertu de l'article 322 et 323 du Code pénal du Mozambique. Cependant, il n'a toujours pas été officiellement accusé d'une infraction précise ni traduit en justice. Selon l'article 308, paragraphe 1, n°3, du Code de procédure pénale, une personne ne peut pas être maintenue en détention préventive pendant plus de 90 jours suivant son arrestation. Son arrestation et son maintien en détention bafouent donc la constitution mozambicaine, ainsi que les obligations du pays prises en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, notamment celle de respecter et protéger le droit à la libre expression et à bénéficier des procédures requises, notamment le droit à la présomption d'innocence jusqu'à ce que la culpabilité soit prouvée conformément à la loi.

La détention d'Amade fait partie d'une vague de harcèlement et de répression contre les journalistes dans a province de Cabo Delgado, documentée par le médias et les groupes de défense des droits humains. L'expert en droits humains des Nations Unies, M. David Kaye, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection de la liberté d'opinion et d'expression et M. Seong-Phil Hong, premier Rapporteur du groupe de travail sur la détention arbitraire, ont déclaré que l'arrestation d'Amade pourrait avoir "un effet dissuasif sur l'exercice de la liberté d'expression au Mozambique". Les districts du nord de la province de Cabo Delgado connaissent de violentes attaques depuis octobre 2017. Les attaques ayant escaladé fin 2018, le gouvernement a renforcé sa présence militaire dans la région, qui intimide et empêche les journalistes de parler de la situation sur le terrain.
Le 18 janvier, Germano Daniel Adriano, journaliste à Rádio e Televisão Comunitária Nacedje de Macomia, a été arrêté dans le district de Macomia et il est actuellement détenu dans la prison Mieze en attendant son procès. En décembre 2018, Estacio Valoi, journaliste d'investigation, et David Matsinhe, chercheur pour Amnesty International, ont été arrêtés par l'armée et détenus au secret pendant deux jours dans le district de Mocímboa da Praia, et accusés d'espionnage et d'avoir aidé et encouragé le groupe extrémiste. Ils ont été libérés sans charge, mais leur matériel est toujours saisi par l'armée "le temps d'une enquête plus approfondie". Et, en juin 2018, Pindai Dube, journaliste pour eNCA, a été arrêté par la police de Pemba et accusé d'espionnage. Il a été libéré sans charge trois jours plus tard.
Nous exhortons les autorités du Mozambique à mettre fin aux arrestations et détentions arbitraires des journalistes et à libérer immédiatement et sans condition Amade Abubacar, prisonnier de conscience et détenu uniquement à cause de son travail de journaliste. Nous exhortons également les autorités mozambicaines à enquêter sur les mauvais traitements présumés infligés à Amade pendant qu'il était détenu par l'armée, et à réclamer des comptes aux responsables. Prendre de telles actions serait un pas important en faveur de la liberté de la presse et pour garantir le droit à la libre expression au Mozambique.

Organisations signataires :

Africa Freedom of Information Centre
African Freedom of Expression Exchange (AFEX)
Africans Rising
Amnesty International
Association for Media Development in South Sudan
Association of Concerned Africa Scholars
Center for Media Studies and Peace Building
Committee to Protect Journalists
Federação de Jornalistas de Língua Portuguesa
Freedom of Expression Institute
Friends of Angola
Front Line Defenders
Human Rights Network for Journalists in Uganda
Human Rights Watch
International Federation for Human Rights (FIDH), under the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders
International Press Centre
Institute for Media and Society
Journaliste en danger
Legal and Human Rights Centre
Le syndicat national des professionnels de la presse de Côte d'Ivoire (SYNAPP-CI)
Kenya Editors Guild
Kenya Union of Journalists
Media Council of Tanzania (MCT)
Media Foundation for West Africa (MFWA)
Media Rights Agenda
Media Institute of Southern Africa - MISA
MISA Zimbabwe
Premium Times Center for Investigative Journalism (Nigeria)
Reporters sans frontiers
Solidariedade Moçambique (SOLDMOZ-ADS)
South African National Editors’ Forum (SANEF)
Southern African Editors' Forum (SAEF)
The African Editors Forum (TAEF)
The Coalition for Whistleblower Protection and Press Freedom (CWPPF)
Vanguard Africa
West African Journalists Association
World Organisation Against Torture (OMCT), under the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders
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