Lettre Ouverte Conjointe - Algérie: Refoulement de la défenseuse des droits humains Yosra Frawes d'Algérie
Télécharger le PDF de la Lettre Ouverte Conjointe
Alger-Genève-Paris-Tunis, le 14 décembre 2022
M. Aïmene Benabderrahmane, Premier Ministre
M. Ramtame Lamamra, Ministre des Affaires étrangères
M. Brahim Merad, Ministre de l’Intérieur
M . Abderrachid Tabi, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux
M.Abdelmadjid ZAALANI , Le Président du Conseil National des Droits de l'HommeM. Abderrahmane Hamzaoui, Le président de l'Observatoire national de la société civile
Messieurs les Ministres,
Le jeudi 1er décembre 2022, Madame Yosra Frawes, avocate et militante féministe tunisienne de renom, défenseure des droits des femmes, ancienne Présidente de l'Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) et responsable du bureau Maghreb et Moyen-Orient de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), a été empêchée de pénétrer sur le territoire algérien, alors qu’elle se rendait à une rencontre avec les organisations féministes de la sous-région, à Oran. En effet, en provenance de Tunis, à son arrivée à l’aéroport d’Alger, Yosra Frawes a été stoppée et a passé de nombreuses heures à l’aéroport sous surveillance policière. Ceci sans la possibilité d’informer quiconque en raison de la coupure des connexions téléphonique et internet de son téléphone portable. Son passeport lui a également été confisqué. Elle a subi plusieurs interrogatoires en vue de connaître les organisateur.rices et le programme de la rencontre à laquelle elle se rendait, ainsi que les personnes qu’elle aurait rencontrées lors d’une précédente visite en Algérie, aux débuts du mouvement du « Hirak » en 2019. Il lui a clairement été insinué que sa profession de « responsable FIDH », qui apparaît sur son passeport tunisien, signifiait son interdiction d’entrée en Algérie. Par la suite, le jour même, Yosra Frawes a été refoulée par avion vers la Tunisie, sans qu’aucune raison légale à cette interdiction de séjour ne lui soit apportée.
Nous, organisations internationales de défense des droits humains et organisations de la société civile algérienne et tunisienne, dénonçons le refoulement arbitraire dont a été victime Yosra Frawes en raison de ses activités pacifiques de promotion et défense des droits humains et de ses contacts avec des figures de la société civile algérienne d’opposition, et ce, en claire violation de son droit à la liberté de circulation.
Nous rappelons que le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (GTDA) a par le passé considéré comme "arbitraire" la privation de liberté d’un défenseur des droits humains cherchant à entrer dans un pays tiers pour y exercer pacifiquement leurs droits à la liberté d'expression, à la liberté de réunion et à la liberté d'association.1
Nous en appelons à votre autorité afin de rétablir Madame Yosra Frawes dans ses droits, et qu’elle puisse à nouveau se déplacer librement en Algérie. Nous espérons également que votre pays saura accueillir tout⋅e représentant⋅e de nos organisations qui souhaiterait se rendre en Algérie pour des raisons personnelles ou professionnelles. En effet, nous déplorons également que les courriers de demandes de rendez-vous adressés à vos services par l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (FIDH-OMCT) en août et septembre 2022, en amont d’une visite de terrain programmée, soient restés à ce jour sans réponse.
Finalement, nous espérons que vos autorités sauront veiller à ce que tou⋅tes les défenseur⋅es des droits humains puissent exercer leurs activités légitimes sans entraves en Algérie, et ce quelle que soit leur nationalité.
Avec nos respectueuses salutations,
Signatures :
1. FIDH, dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains
2. Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains
3. Agir ensemble pour les droits humains
4. Agir pour le Changement Démocratique en Algérie (ACDA)
5. Al Bawsala
6. Al Karama for rights and freedoms
7. Article 19
8. Association CALAM
9. Association Beity
10. Association Citoyenneté et Libertés ACL
11. Association Femme et Citoyenneté
12. Association Joussour de la Citoyenneté
13. Association l'Art Rue
14. Association Tunisienne de Défense des Droits de l'Enfant ATDDE
15. Association Tunisienne de Défense des Libertés Individuelles ADLI
16. Association Tunisienne de l'Action Culturelle ATAC
17. Association Tunisienne De Prévention Positive ATP+
18. Association Tunisienne des Femmes Démocrates ATFD
19. Association Tunisienne pour la Justice et Légalité DAMJ
20. Association Wachm
21. Aswat Nissa
22. Avocats Sans Frontières ASF
23. Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS)
24. Civil Rigths Defenders
25. Collectif des Avocats pour le Changement et la Dignité (CACD)
26. Collectif des Familles de Disparus en Algérie CFDA
27. Collectif Hirak montréal pour une Alternative Démocratique (CHAMD)
28. Confédération Générale Autonome des Travailleurs en Algérie (CGATA)
29. Democratic Transition & Human Rights Support - DAAM
30. Dignity & rehabilitation coalition
31. ESCR-Net - International Network for Economic, Social and Cultural Rights
32. EuroMed Rights
33. Fédération Euro-Méditerranéenne contre les disparitions forcées FEMED
34. Forum Attajdid pour la pensée progressiste
35. Forum Tunisien pour les Droits Économiques et Sociaux FTDES
36. Front Line Defenders
37. IBTYKARE
38. Institut Arabe des Droits de l'Homme IADH
39. International Center for Transitional Justice ICTJ
40. Intersection Association for Rights and Freedoms
41. L’Association tunisienne de soutien aux minorités
42. La Fédération des tunisiens citoyens des deux rives FTCR
43. La Fondation Hassen Saadaoui pour la démocratie et l’égalité
44. La société tunisienne de thérapie familiale et du couple
45. L'association Nachaz-Dissonances
46. Le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme CLRDHT
47. Le Groupe Tawhida Ben Cheikh
48. Le Réseau tunisien de la justice transitionnelle RTJT
49. Le Syndicat national des journalistes tunisiens SNJT
50. Legal Agenda
51. Les Danseurs Citoyens Sud
52. Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme LADDH
53. Ligue Tunisienne pour la défense des droits de l'Homme LTDH
54. L'initiative Mawjoudin pour l'égalité
55. Mémoire commune pour la liberté et la démocratie
56. Mon Droit pour la défense de l'enfant et de la famille
57. No Peace Without Justice
58. Observatoire national pour la défense du caractère civil de l’Etat
59. Psychologues du Monde Tunisie
60. Riposte Internationale
61. SHOAA for Human Rights
62. SOS disparus
63. Soumoud Collectif citoyen
64. Syndicat National Autonome des Personnels de l’Administration publique (SNAPAP)
65. Tharwa n’Fadhma n’Soumer
66. Union des diplômés-chômeurs U.D.C
1 Le 20 juillet 2017, Adilur Rahman Khan, secrétaire de l'ONG bangladaise de défense des droits humains Odhikar, vice-président de la FIDH et membre de l'Assemblée générale de l'OMCT, a été expulsé vers le Bangladesh après avoir été détenu pendant plus de 14 heures par l'immigration malaisienne à l'aéroport international de Kuala Lumpur. Dans un avis adopté le 20 novembre 2017, le GTDA a déclaré la détention de M. Khan arbitraire ; voir également : GTDA, avis n° 67/2017 concernant Adilur Rahman Khan (Malaisie), 7 décembre 2017 ; UN Doc. A/HRC/WGAD/2017/67 ; et Appel urgent de l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (FIDH-OMCT) MYS 001 / 0717 / OBS 083.1.