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23 Septembre 2021

Lettre conjointe concernant les efforts visant à liquider le Comité Helsinki biélorusse (BHC)

Oleg Slizhevsky
Ministre de la Justice
Ministère de la Justice de la République de Biélorussie

Monsieur Slizhevsky,

Nous vous écrivons pour vous exhorter à abandonner les poursuites du ministère de la Justice qui visent à liquider le Comité d’Helsinki biélorusse (BHC). Nous estimons que les poursuites sont inappropriées, incompatibles avec les obligations du gouvernement de Biélorussie de respecter et de protéger le travail légitime des défenseur-ses des droits humains et qu'elles portent atteinte à un certain nombre de droits fondamentaux, y compris la liberté d’expression et d’association, ainsi qu'à l’application de la procédure régulière. Ces poursuites sont intentées à un moment où les autorités biélorusses mènent une répression contre les organisations de la société civile en Biélorussie qui affecte plus de 200 groupes.

Download the Joint Letter

Nous connaissons et travaillons avec BHC pendant la majeure partie des 26 années d’existence de l’organisation. Nous avons le plus grand respect pour le dévouement du BHC à défendre les droits humains, sa méthodologie et son intégrité.

BHC est le plus ancien groupe de défense des droits humains de Biélorussie. Avec des représentants dans l’ensemble des six régions de Biélorussie, le BHC propose des consultations juridiques à la population biélorusse sur un large éventail de questions relatives aux droits humains. Il s’est largement engagé auprès des organismes gouvernementaux pour améliorer la législation et les pratiques en matière de droits humains, notamment en ce qui concerne les questions d'égalité et de non-discrimination, les droits sociaux et économiques, les affaires et droits humains, les élections libres et équitables et la peine de mort.

Nous croyons savoir que, le 6 juillet 2021, le ministère a entamé une inspection imprévue du BHC, l’une des nombreuses inspections lancées par le ministère et d’autres organismes gouvernementaux à l'encontre d’organisations non gouvernementales (ONG) au cours des derniers mois. Nous croyons savoir que, dans le cadre de cette inspection, le ministère a exigé que le BHC présente, avant le 16 juillet, de nombreux documents et autres renseignements pour répondre à 30 catégories de questions. Deux jours avant la date limite, des agents des forces de l'ordre ont fouillé le bureau du BHC, en l’absence de tout représentant du BHC, ont fracassé l’équipement et ont scellé les lieux. Bon nombre des documents demandés par le ministère demeurent dans le bureau scellé.

Nous croyons savoir qu’après que le BHC a présenté au ministère les documents requis auxquels il avait accès (à l'exception de ceux qui se trouvaient dans le bureau scellé), le ministère a émis un avertissement au motif qu’il n’avait pas présenté les documents requis. Le 2 septembre, la cour suprême a rejeté l'appel du BHC. Nous sommes conscients qu’en vertu de la loi biélorusse, deux avertissements en l'espace d’un an peuvent constituer un motif de liquidation d’une ONG.

Nous croyons également savoir que, dans le cadre d’une procédure distincte, le ministère a intenté ses poursuites en liquidation devant la Cour suprême le 27 août, alléguant que le BHC avait fourni au ministère de faux renseignements concernant l’utilisation des fonds en 2020. La requête du ministère, que nous avons examinée, indique qu’il y a des différences présumées dans les formulaires du bilan financier du BHC, ce qui constitue une « violation flagrante et ponctuelle de la loi » et que le ministère peut poursuivre la liquidation de l’organisation, en tant que pénalité en vertu de l’art. 57.2.2 du Code civil de Biélorussie. La requête indique également que les documents exposant les différences avaient été divulgués dans le cadre d’une enquête criminelle, mais elle ne fournit aucun renseignement ni le nom de cette enquête.

Nous sommes très préoccupés par le fait que le ministère intente des poursuites dans le but de détruire un groupe indépendant de longue date pour des motifs très douteux et sur la base de renseignements partiels, qui feraient partie d’une enquête criminelle en cours qui n’a pas encore été portée devant un tribunal. Le ministère et les autres autorités biélorusses peuvent entreprendre des démarches légitimes dans le cadre d’une procédure équitable pour assurer le respect par le BHC de toute réglementation nécessaire et proportionnée, mais ce qui se passe ici est une tentative d’imposer une sanction draconienne et irréversible visant à entraîner l’élimination d’un ensemble d'organisme de défense des droits humains.

Parmi les nombreuses préoccupations relatives à la procédure régulière, il y a le fait que le ministère prétend agir en se basant sur des renseignements non évalués, pour obtenir la sanction irréversible de la liquidation, sans donner au BHC la possibilité de remédier à l’infraction présumée, et sans envisager, s’il y a lieu, des avertissements ou des pénalités graduelles. À notre connaissance, il n’y a pas de précédents établis indiquant que le BHC n'est pas en conformité avec la loi sur les associations publiques. Le ministère n'a pas indiqué de tels incidents dans sa notification au BHC.

La mise en garde sans rapport, précipitée et injuste du ministère à l’intention du BHC pour non présentation des documents à des fins d’inspection soulève d’autres préoccupations selon lesquelles les poursuites engagées par le ministère sont arbitraires et sont des représailles contre le travail du BHC.
De telles représailles vont à l’encontre de la Déclaration des Nations Unies sur le droit et la responsabilité des individus, des groupes et des organes de la société de promouvoir et de protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales universellement reconnus. Elles portent également atteinte aux obligations de la Biélorussie en matière de liberté d'expression et d'association, en vertu des articles 19 et 20 du Pacte international sur les droits civils et politiques, duquel la Biélorussie est partie.

Nous vous exhortons à abandonner les poursuites engagées contre le BHC et à garantir que l'organisation puisse poursuivre son travail important pour la protection des droits humains de tous en Biélorussie.

Sincères salutations,

Marie Struthers, Directrice
Bureau régional Europe de l'Est et Asie Centrale
Amnesty International

Alice Mogwe, Présidente
International Federation for Human Rights

Andrew Anderson, Directeur exécutif
Front Line Defenders

Maria Dahle, Directrice
Human Rights House Foundation

Hugh Williamson, Directeur,
Division Europe et Asie centrale
Human Rights Watch