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8 Janvier 2025

Iran : Trois ans plus tard, la mort en détention de Baktash Abtin reste impunie

DÉCLARATION CONJOINTE


Crédit image : Gianluca Costantini pour Front Line Defenders et PEN America.

 

Le 8 janvier 2025 marque le troisième anniversaire de la mort de Baktash Abtin, poète, cinéaste et défenseur des droits humains, qui purgeait une peine injuste de six ans à la prison d’Evin pendant la pandémie de COVID-19.

« En ce jour solennel, alors que nous pleurons la vie, les paroles et l’œuvre de Baktash Abtin, nous renouvelons également notre appel afin que les responsables rendent des comptes pour sa mort prématurée et évitable. Compte tenu du manquement des autorités iraniennes à leurs obligations internationales, Front Line Defenders et PEN America demandent conjointement qu’une enquête internationale et impartiale soit menée sur la mort de Baktash Abtin et sur les personnes qui sont prises pour cible en raison de leurs activités en faveur des droits humains et de la liberté d’expression. Cette enquête devrait être menée en vue de publier les résultats et de traduire en justice les responsables de ces exactions. Nous appelons également les autres États membres de l’ONU, à l’occasion du quatrième cycle de l’Examen périodique universel (EPU) de l’Iran au Conseil des droits de l’homme, qui aura lieu dans quelques semaines, à faire pression sur les autorités iraniennes pour qu’elles acceptent et mettent en œuvre les recommandations relatives aux soins médicaux adéquats et opportuns qu’elles doivent aux prisonniers, sans discrimination ».

Le 3 décembre 2021, Baktash Abtin a commencé à présenter de graves symptômes du COVID-19. Lorsqu’il était malade, les autorités l’ont maintenu en détention dans sa cellule ou dans la clinique d’Evin jusqu’à ce qu’il soit transféré à l’hôpital de Taleghani dans la nuit du 6 décembre 2021. À l’hôpital de Taleghani, il a été enchaîné à son lit. Sa famille n’a appris le transfert que deux jours plus tard, par l’intermédiaire de ses codétenus ; les autorités pénitentiaires iraniennes ont refusé de leur fournir d’autres informations sur le lieu où il se trouvait. Deux jours plus tard, le 8 décembre 2021, le défenseur a été transféré dans une unité de soins intensifs en raison de la détérioration de son état de santé. Le 13 décembre 2021, Baktash Abtin s’est vu accorder une permission de sortie pour raisons médicales afin de poursuivre son traitement sous la supervision des médecins désignés par sa famille. Cependant, selon l’Association des écrivains iraniens (IWA) et sa famille, il était déjà trop tard. Apprenant qu’il avait été placé dans un coma artificiel le 1er janvier, un groupe d’organisations de défense des droits humains a exhorté l’Iran à s’engager à fournir à M. Abtin les meilleurs soins médicaux spécialisés disponibles, mais il est décédé le lendemain.

C’est la deuxième fois que Baktash Abtin contractait le COVID-19 depuis son incarcération fin septembre 2020. Il avait contracté le virus pour la première fois à la prison d’Evin, à Téhéran, en avril 2021. À ce moment-là, son état de santé avait été jugé critique en raison de sa vulnérabilité, notamment de problèmes pulmonaires préexistants, exacerbés par les mauvaises conditions de vie des détenus dans la prison iranienne.

Le 15 mai 2019, la branche 28 du tribunal révolutionnaire de Téhéran a condamné Baktash Abtin à cinq ans d’emprisonnement pour « rassemblement illégal et collusion contre la sécurité nationale » et à un an d’emprisonnement pour « diffusion de propagande contre l’État », en raison de sa participation à la rédaction d’un livre sur l’histoire de l’IWA, qui vise à promouvoir la liberté d’expression et à dénoncer la censure en Iran. Il a commencé à purger sa peine de six ans le 26 septembre 2020, alors qu’une vague antérieure de la pandémie ravageait les prisons iraniennes.

Baktash Abtin n’aurait pas dû être emprisonné pour ses activités en faveur des droits humains et pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression. Front Line Defenders et PEN America estiment que le gouvernement est responsable de la mort de Baktash Abtin, car elles ne lui ont pas fourni immédiatement un traitement approprié et n’ont pas accordé une permission médicale après qu’il a contracté le COVID-19 dans la prison d’Evin.

Au lieu d’examiner les procédures pertinentes et de mener une enquête immédiate, approfondie et impartiale sur la mort de Baktash Abtin, les autorités iraniennes multiplient les représailles contre les personnes détenues pour avoir exercé leurs droits, notamment en les convoquant arbitrairement en prison, en leur refusant l’accès aux traitements médicaux et aux permissions de sortie en temps voulu et, dans certains cas, en empêchant leur famille de récupérer les corps après leur mort et en imposant des restrictions quant aux méthodes et aux lieux de deuil choisis par leur famille.

Le gouvernement iranien a reconnu que ce type de négligence médicale délibérée est un problème, et il a soutenu une recommandation dans le cadre de l’examen par les Nations unies de son bilan en matière de droits humains en 2019, lors du précédent cycle de l’EPU, visant à garantir que toutes les personnes placées sous sa garde reçoivent des soins de santé et un traitement adéquats sans discrimination. La mort de Baktash Abtin et les récits d’autres prisonniers qui ont été privés de soins médicaux ou qui ont subi d’importants retards dans leur prise en charge montrent que cette question reste un problème crucial, qui n’a pas encore été résolu, près de six ans plus tard.

Les écrivains et les défenseur⸱ses des droits humains se souviendront de Baktash Abtin pour son « … espoir d’un jour où personne dans le monde ne sera emprisonné pour ses pensées et pour avoir une exigence aussi belle que la liberté ».