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19 Janvier 2022

L’Inde devrait cesser d’utiliser la loi abusive sur le financement étranger — Stop au harcèlement contre People’s Watch et d’autres groupes de défense des droits

(Genève, le 18 janvier 2022) — Le gouvernement indien devrait immédiatement cesser de harceler le Centre for Promotion of Social Concerns (Centre pour la promotion des préoccupations sociales) et son unité de programme People’s Watch, ont déclaré aujourd’hui dix groupes de défense des droits humains. Le gouvernement devrait cesser d’utiliser la loi de régulation des contributions étrangères (Foreign Contribution Regulation Act – FCRA) et d’autres lois abusives pour faire taire la société civile en Inde.

Amnesty International, le Forum asiatique des droits de l’Homme et du développement (FORUM-ASIA), Christian Solidarity Worldwide (CSW), Front Line Defenders, Human Rights Watch, la Commission internationale de juristes (CIJ), International Dalit Solidarity Network, International Service for Human Rights (ISHR) et la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) et l’OMCT dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur-ses des droits humains.

Le 8 janvier 2022, l’agence nationale d’enquête indienne, le Bureau central d’enquête (CBI), a perquisitionné les bureaux de l’organisation non gouvernementale Centre for Promotion of Social Concerns (CPSC) à Madurai, dans l’État du Tamil Nadu. Des agents du CBI sont entrés dans les locaux du groupe et ont saisi plusieurs documents. Les agents du CBI ont informé le Centre for Promotion of Social Concerns qu’ils enquêtaient sur des allégations de fraude et d’irrégularités financières en vertu de la loi sur les contributions étrangères, une loi qui réglemente le financement étranger des organisations non gouvernementales indiennes.

Le Centre for Promotion of Social Concerns, une importante organisation de défense des droits humains mieux connue par son unité de programme People’s Watch, surveille les violations des droits humains, travaille avec les victimes d’abus socialement et économiquement marginalisées, y compris par la police, et assure la sensibilisation et la formation en matière de droits humains. En 2016, le ministère de l’Intérieur a rejeté la demande de renouvellement de l’enregistrement du groupe en vertu de la loi sur les contributions étrangères. La décision est basée « sur un rapport d’agents sur le terrain », des rapports qui, selon les dirigeants de la société civile, sont généralement considérés comme des rapports d’agences de renseignement ou d’agents des forces de l’ordre.

Lorsque le Centre for Promotion of Social Concerns a contesté la décision du gouvernement devant la Haute Cour de Delhi, le ministère de l’Intérieur a déclaré à la cour que le groupe avait utilisé des fonds étrangers pour partager des informations avec les rapporteurs spéciaux des Nations Unies et les ambassades étrangères, qui « présentant le bilan de l’Inde en matière de droits humains sous un jour négatif… au détriment de l’image du pays ». Le gouvernement a qualifié cela d’« activités indésirables préjudiciables à l’intérêt national ».

La réponse du gouvernement devant les tribunaux est la preuve qu’il ne respecte pas les obligations internationales de l’Inde en ciblant un groupe qui promeut le respect des instruments internationaux relatifs aux droits humains et qui coopère avec les mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits humains. Le gouvernement a également allégué des irrégularités financières, même si la Haute Cour de Delhi avait déjà acquitté le groupe de ces charges en 2014 après que l’organisation a contesté des suspensions similaires en 2012 et 2013. L’affaire est toujours en cours.

Le gouvernement semble systématiquement ignorer les décisions des tribunaux en faveur des organisations de la société civile ainsi que leurs droits constitutionnels à la liberté d’expression et d’association. Les tribunaux ont rappelé à maintes reprises au gouvernement que, dans une démocratie, la dissidence pacifique est protégée et ne peut pas être muselée.
Le harcèlement continu du Centre for Promotion of Social Concerns et de People’s Watch viole leur droit à la liberté d’association et à l’accès au financement et semble viser à punir l’organisation pour ses activités en faveur des droits humains et à intimider son personnel.

Cette répression s’inscrit dans le cadre d’une répression plus large de la société civile en Inde, notamment par le recours à des lois draconiennes telles que des lois sur la sédition et le terrorisme Depuis 2016, les autorités ont révoqué, suspendu, refusé de renouveler la licence de centaines de groupes de la société civile en vertu de la FCRA, ou les ont accusés d’éluder la loi et ont gelé leurs comptes bancaires. Il s’agit notamment de l’Indian Social Action Forum, Lawyers Collective, Sabrang Trust, Navsarjan Trust, Anhad, Oxfam India, Greenpeace et Amnesty International India. Les groupes qui travaillent sur les droits des populations les plus vulnérables en Inde, comme les Dalits, les minorités religieuses et les Adivasis, sont particulièrement vulnérables.

Au fil des ans, un certain nombre d’organismes des Nations Unies ont fait part des préoccupations au sujet de l’utilisation de la Loi sur la régulation des contributions étrangères pour réduire au silence les voix dissidentes. En 2016, trois experts en droits humains des Nations Unies ont exhorté le gouvernement à abroger la loi, déclarant qu’elle était utilisée pour « entraver » l’accès au financement étranger et qu’elle « ne respecte pas les normes internationales en matière de droits humains ». En octobre 2020, la haute-commissaire aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet, a déclaré que les dispositions trop générales et vaguement formulées de la Loi FCRA peuvent permettre « des abus » et que la Loi est « en fait utilisée pour dissuader ou punir des ONG pour leur travail d’information et de défense des droits de l’Homme, que les autorités perçoivent comme étant critiques par essence. »

Pourtant, en 2020, le Parlement indien a adopté des amendements à la loi, ajoutant une surveillance gouvernementale intrusive, des règlements et des processus de certification supplémentaires, et des exigences opérationnelles, qui affectent encore plus l’accès des groupes de la société civile au financement étranger et leur capacité de mener à bien le travail relatif aux droits humains.

La Commission nationale des droits humains en Inde devrait enquêter rapidement sur le refus du gouvernement de renouveler l’enregistrement du Centre for Promotion of Social Concerns en vertu de la loi et prendre toutes les mesures appropriées et nécessaires pour protéger les défenseur-ses des droits humains et les organisations, y compris leur droit à la liberté d’association et l’accès aux financements.

Les autorités indiennes devraient immédiatement mettre fin à tous les actes de harcèlement contre le Centre for Promotion of Social Concerns et People’s Watch, abandonner toutes les plaintes contre eux et renouveler leur enregistrement en vertu de la Loi sur la régulation des contributions étrangères, pour leur permettre de reprendre leur travail en faveur des droits humains. Le gouvernement devrait également modifier la Loi sur la régulation des contributions étrangères pour la rendre conforme aux normes et au droit international relatif aux droits humains, et cesser de l’utiliser pour cibler les défenseur-ses et ceux qui exercent leurs droits fondamentaux. Il devrait aussi veiller à ce que tous les défenseur-ses des droits humains et toutes les organisations puissent mener à bien leurs activités sans entrave ni crainte de représailles.

Signataires :

    • Amnesty International
    • Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM ASIA)
    • Christian Solidarity Worldwide (CSW)
    • La FIDH, dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains
    • Front Line Defenders
    • Human Rights Watch
    • Comission internationale des juristes (ICJ)
    • International Dalit Solidarity Network (IDSN)
    • International Service for Human Rights (ISHR)
    • Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur-ses des droits humains