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12 Mai 2023

Inde: Mettre fin aux représailles contre la Jammu and Kashmir Coalition of Civil Society (JKCCS) et les défenseur⸱ses des droits humains au Cachemire

Seize organisations de défense des droits humains ont appelé aujourd’hui les autorités indiennes à cesser immédiatement les représailles contre les défenseurs des droits humains et les organisations au Jammu-et-Cachemire, en particulier Khurram Parvez, Irfan Mehraj et la Jammu and Kashmir Coalition of Civil Society (JKCCS). Khurram Parvez1 est détenu arbitrairement depuis le 22 novembre 2021 en représailles contre son travail en faveur des droits humains, notamment ses collectes de preuves et son plaidoyer au Jammu-et-Cachemire. Nous sommes alarmés par les nouvelles affaires pénales intentées contre Khurram Parvez et Irfan Mehraj, journaliste et défenseur des droits humains, en mars 2023, ainsi que par les représailles en cours contre la JKCCS.

JKCCS est la principale organisation de défense des droits humains au Jammu-et-Cachemire. Depuis sa création en 2000, l’organisation mène des enquêtes innovatrices sur les droits humains, a publié des dizaines de rapports rigoureusement documentés sur les droits humains, et met en place une mobilisation et un plaidoyer non violents qui donnent voix aux victimes de violations des droits humains au Jammu-et-Cachemire. Les universitaires, la société civile internationale et les experts de l’ONU s’accordent à dire que les recherches menées par l’organisation font autorité, citant les travaux de la JKCCS dans leurs propres rapports sur la situation des droits humains au Jammu-et-Cachemire. Nos organisations citent et font également référence au travail de la JKCCS, qui est inestimable pour comprendre la situation des droits de la personne au Jammu-et-Cachemire et qui est d’une qualité exceptionnelle.

Khurram Parvez est coordinateur des programmes de la JKCCS et président de l’Asian Federation Against Involuntary Disappearances (AFAD). En février 2023, Khurram Parvez a reçu le prestigieux prix Martin Ennals. Auparavant, Irfan Mehraj a travaillé en tant que chercheur pour la JKCCS. En octobre 2020, la National Investigation Agency (NIA) a perquisitionné les bureaux de la JKCCS et le domicile de Khurram Parvez et a saisi des appareils et documents, y compris son passeport. Les autorités indiennes, en menant des représailles ciblées et en criminalisant le travail en faveur des droits humains, empêchent la JKCCS d’accomplir son travail essentiel. Les accusations portées par la NIA contre Khurram Parvez comprennent de graves accusations liées au terrorisme en vertu de la loi sur la prévention des activités illégales (UAPA) 2, une loi antiterroriste qui viole les normes internationales et qui est systématiquement utilisée par les autorités indiennes pour neutraliser et persécuter les défenseur⸱ses des droits humains et autres dissidents3. La rapporteuse spéciale de l’ONU sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, ainsi que le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme et bien d’autres, ont déjà fait part de leurs vives préoccupations au sujet de l’amendement de 2019 de l’UAPA en raison de la menace qu’elle représente pour les défenseur⸱ses des droits humains et le droit à la liberté d’expression. 4

Outre les charges portées contre Khurram en vertu de l’UAPA, une autre affaire a été déposée par la NIA en octobre 2020 ciblant spécifiquement la JKCCS et toute personne associée à l’organisation. Le 20 mars 2023, la NIA a arrêté Irfan Mehraj pour des accusations graves liées au terrorisme. Khurram Parvez, déjà emprisonné dans le cadre d’une affaire datant de 2021, a également été arrêté dans l’affaire de la JKCCS. La NIA a déclaré publiquement que l’un des motifs de l’arrestation d’Irfan Mehraj était son association étroite avec Khurram Parvez et la JKCCS qui «  finançaient des activités terroristes dans la vallée et propageaientdes idées sécessionnistes dans la vallée sous le couvert de la protection des droits humains »5. Les deux défenseurs des droits humains sont toujours détenus dans la prison à sécurité maximale de Rohini à New Delhi. Khurram Parvez s’est vu refuser la libération et la libération sous caution malgré les nombreux appels à ce qu’il soit libéré.

Plutôt que de respecter les obligations juridiques internationales et de protéger les droits humains, les autorités indiennes criminalisent explicitement le travail essentiel de la JKCCS en la qualifiant d’organisation qui publie du matériel “antinational et incriminant pour amener la haine, le mépris et la désaffection envers le gouvernement de l’Inde”. 6 Les autorités indiennes ont également effectué de multiples perquisitions à la résidence et au bureau de Khurram Parvez. Son arrestation et celle d’Irfan Mehraj mettent en évidence la détermination des autorités indiennes à criminaliser et délégitimer les défenseurs des droits humains et à neutraliser et punir les personnes comme Khurram Parvez et Irfan Mehraj qui, dans des circonstances extrêmement difficiles et au prix de grands risques personnels, défendent les droits humains. Le 24 mars 2023, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, Mary Lawlor, a exprimé sa préoccupation quant aux actions ciblées contre la JKCCS et a déclaré que l’organisation « effectue un travail essentiel de surveillance des droits humains. Leur recherche et leur analyse des violations des droits humains sont d’une grande valeur, y compris pour les organisations internationales qui cherchent à réclamer des comptes et à que ces abus ne se reproduisent pas. » ‘7

Il existe un risque indéniable d’escalade des menaces à l’encontre de la JKCCS. Début mars 2023, une semaine avant l’arrestation d’Irfan Mehraj, la NIA a interrogé Khurram Parvez pendant deux jours consécutifs dans la prison de Rohini, et les a menacés, lui et ses collègues, de les arrêter dans une nouvelle affaire. Dans ses requêtes au tribunal de Patiala House le 22 mars, lorsque Khurram Parvez et Irfan Mehraj ont été placés en détention provisoire, la NIA a indiqué qu’un plus grand nombre de personnes sont susceptibles d’être arrêtées dans le cadre de cette affaire. 8

Nous appelons les autorités indiennes à libérer immédiatement et inconditionnellement Khurram Parvez et Irfan Mehraj, à abandonner toutes les accusations portées contre eux et à mettre fin à la persécution et au ciblage des défenseur⸱ses des droits humains au Jammu-et-Cachemire. Les représailles contre les défenseur⸱ses des droits humains au Jammu-et-Cachemire, y compris contre les organisations de défense des droits humains et les journalistes indépendants, visent à maintenir un silence forcé et à maintenir l’impunité continue pour les violations perpétrées dans une région fortement militarisée que le gouvernement indien a rendue inaccessible à la communauté internationale et où de graves violations des droits humains sont commises depuis longtemps. Le maintien de Khurram Parvez et d’Irfan Mehraj en détention arbitraire, ainsi que le recours abusif aux lois antiterroristes et aux lois connexes pour cibler les défenseur⸱ses des droits humains constituent une violation des obligations internationales de l’Inde et renforcent les préoccupations concernant la détérioration de la situation des droits humains dans le pays. L’Inde devrait protéger les droits humains, pas persécuter celles et ceux qui les défendent. Les autorités indiennes doivent immédiatement se conformer à leurs obligations juridiques internationales, permettre à la société civile d’opérer librement au Jammu-et-Cachemire et en Inde, et cesser d’entraver la société civile internationale et les organisations intergouvernementales, notamment les rapporteurs spéciaux des Nations Unies et d’autres mécanismes relatifs aux droits humains, qui devraient avoir un accès sans entrave aux détenus du Jammu-et-Cachemire.

Signé :

  • Amnesty International
  • Anti-Death Penalty Asia Network (ADPAN)
  • Asian Federation Against Involuntary Disappearances (AFAD)
  • Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA)
  • CIVICUS: World Alliance for Citizen Participation (Alliance mondiale pour la participation citoyenne)
  • Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA)
  • Fédération Euro-méditerranéenne contre les disparitions forcées (FEMED)
  • Front Line Defenders (FLD)
  • Latin American Federation of Associations for Relatives of the Detained-Disappeared (FEDEFAM)
  • FIDH, la Fédération internationale des droits de l’homme, dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur⸱ses des droits humains
  • International Coalition Against Enforced Disappearances (ICAED)
  • International Service for Human Rights (ISHR)
  • Kashmir Law and Justice Project
  • Martin Ennals Foundation
  • Nonviolence International
  • Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur⸱ses des droits humains

 

1 Parvez a récemment reçu le prix Martin Ennals 2023 pour les défenseurs des droits humains en reconnaissance des efforts qu’il déploie depuis des décennies pour documenter les violations des droits humains et obtenir des comptes à ce sujet, malgré les graves risques personnels.

2 Voir FIDH & OMCT, L’éminent défenseur des droits Khurram Parvez est toujours en prison (Appel urgent), 17 mai 2022, https://www.fidh.org/en/issues/human-rights-defenders/india-prominent-rights-defender-khurram-parvez-is-still-in-prison.

3 Voir FIDH, FLD & OMCT, Proposition conjointe pour l'Examen Périodique Universel, 31 Mars 2022, https://www.fidh.org/en/region/asia/india/india-joint-submission-for-the-universal-periodic-review-upr.

4 Voir les Mandats du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales tout en luttant contre le terrorisme et al, OL IND 7/2020, 6 Mai 2020, https://spcommreports.ohchr.org/TMResultsBase/DownLoadPublicCommunicatio...

5 Voir, Twitter, NIA India, NIA makes first arrest in NGO Terror Funding Case, 21 March 2023, https://twitter.com/NIA_India/status/1638104562879037442?s=20.

6 Voir, NIA, Money transfer to J&K by NGOs through Hawala Channel for terrorist activities in Kashmir valley, Case RC-37/2020/NIA/DLI, 08 October 2020, https://www.nia.gov.in/case-detail.htm?363.

7 Voir, HCDH, Communiqué de presse, India: UN expert demands immediate end to crackdown on Kashmiri human rights defenders, 24 March 2023, https://srdefenders.org/india-un-expert-demands-immediate-end-to-crackdown-on-kashmiri-human-rights-defenders-press-release/

8 Voir, National Investigation Agency (NIA), NIA chargesheets another overground worker in J&K terrorism conspiracy case, 21 March 2023, https://www.nia.gov.in/writereaddata/Portal/PressReleaseNew/1422_1_Pr2.pdf