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2 Décembre 2021

Harcèlement, menaces, campagne de diffamation et criminalisation contre le Projet international d’accompagnement ACOGUATE au Guatemala

Front Line Defenders est profondément préoccupée par la récente recrudescence des actes d’intimidation contre le Projet International d’Accompagnement au Guatemala ACOGUATE, suite à son accompagnement lors d’une mobilisation à l’occasion de la Journée de la Résistance autochtone le 12 octobre 2021. La campagne de diffamation contre leur travail légitime et les menaces de criminalisation contre les membres de l’organisation qui en sont victimes à travers les réseaux sociaux et les déclarations publiques des autorités guatémaltèques sont particulièrement préoccupantes. Une autre source de préoccupation est que ces restrictions supplémentaires imposées au travail d’ACOGUATE sont susceptibles d’avoir un impact négatif sur d’autres organisations de défense des droits humains, sur les observateurs, les défenseur-ses des droits humains et la société civile.

Le Projet International d’Accompagnement au Guatemala ACOGUATE a commencé à opérer en 2000 en tant qu’organisation dont le mandat est l’accompagnement international et l’observation. Depuis plus de vingt ans, l’organisation opère au Guatemala à la demande des défenseur-ses des droits humains et des organisations sociales. Actuellement, ACOGUATE observe et accompagne les défenseur-ses des droits humains en danger principalement dans deux domaines : soutenir l’accès à la justice et contester l’impunité, et la défense de la terre et du territoire. Le projet est basé à Guatemala City, la capitale, et est composé de six comités basés en France, en Allemagne, en Autriche, en Suisse, en Suède et au Canada. Ces comités envoient des volontaires du monde entier mener des activités d’observation et d’accompagnement pacifiques à l’échelle internationale.

Le 12 octobre 2021, deux membres de l’équipe d’ACOGUATE ont observé, à la demande d’organisations de la société civile, une partie de la mobilisation appelée « Marche pour la dignité » à Guatemala City. L’observation avait pour but de protéger les droits humains des manifestants pacifiques. Pendant cette mission, les observateurs sont restés sur le périmètre de la place, se tenant visiblement à l’écart du groupe de manifestants et ils étaient identifiables grâce à des gilets verts. Vers 11h, des inconnus à moto ont photographié les membres d’ACOGUATE. Ces images ont été utilisées pour motiver des campagnes de diffamation, des menaces et de la désinformation sur les réseaux sociaux à l’encontre du projet d’ACOGUATE et de son travail légitime d’accompagnement et d’observation internationale au Guatemala.

Les messages diffamatoires et menaçants et la campagne de désinformation ont débuté le 12 octobre 2021 sur les réseaux sociaux, principalement sur Twitter et Facebook. Cependant, les membres d’ACOGUATE ont également reçu des messages menaçants et des discours haineux via le formulaire de contact du site Web, ainsi qu’à travers des commentaires sur leur compte YouTube officiel. De nombreux messages appellent les autorités guatémaltèques et le ministère guatémaltèque des Affaires étrangères (MINEX) à annuler le projet d’ACOGUATE, à engager des poursuites et/ou une procédure pénale à leur encontre et à expulser tous les membres de l’équipe en vertu du décret n° 04-2020 approuvé récemment. Ce dernier est connu sous le nom de « loi sur les ONG » ; il est décrit comme préoccupant pour le travail des défenseur-ses des droits humains. Les menaces directes et indirectes contre ACOGUATE et ses membres contiennent des accusations relatives à leur participation aux événements et affirment qu’ils auraient prétendument encouragé, incité ou financé les actes violents survenus pendant la manifestation, ainsi que pour l’ingérence étrangère et la détérioration du patrimoine historique national.

Le 12 octobre 2021, l’ancien ministre de l’Intérieur, Enrique Degenhart, a publié sur Twitter son avis, cherchant à criminaliser la mission d’observation d’ACOGUATE lors de la manifestation. Il exhortait les autorités à tester les changements de la loi sur les ONG avec cette affaire. Le 13 octobre 2021, le compte Twitter officiel du ministère des Affaires étrangères déclarait que le ministère guatémaltèque des Affaires étrangères prendrait les mesures diplomatiques correspondantes en cas de participation d’acteurs étrangers.

Le 18 octobre 2021, Guatemala Inmortal, un mouvement civique et politique croyant en Dieu et défendant le droit à la vie, la famille, la propriété privée, les libertés individuelles et économiques, a déposé et rendu public une plainte pénale contre ACOGUATE. La plainte vise à enquêter sur l’organisation pour les crimes de sédition, d’activités contre la sécurité intérieure de la nation, et de déprédation du patrimoine culturel.

Les actes de harcèlement, les menaces, les campagnes de diffamation et de criminalisation contre ACOGUATE se déroulent dans un contexte où la société guatémaltèque et les organisations de la société civile dénoncent déjà une détérioration continue des conditions dans lesquelles les défenseur-ses des droits humains, les organisations de la société civile et les journalistes travaillent au Guatemala. Cela s’inscrit également dans le contexte du rejet de la loi récemment adoptée sur les ONG, qui permet un contrôle accru du gouvernement sur les organisations nationales et étrangères opérant dans le pays.

Front Line Defenders rappelle que le travail légitime d’observation et d’accompagnement international effectué par ACOGUATE est reconnu et soutenu au fil des ans par diverses organisations nationales et internationales. Front Line Defenders reconnaît que le travail d’ACOGUATE est toujours réalisé sur demande et conformément aux principes de non-ingérence, d’impartialité et de non-interventionnisme inclus dans son mandat. En ce sens, Front Line Defenders est solidaire de son travail, guidé par le principe de non-violence et qui s’inscrit dans le cadre juridique de la légalité et des droits humains.

Front Line Defenders appelle une fois de plus les autorités guatémaltèques à promouvoir une approche collaborative pour travailler avec les défenseur-ses des droits humains et les organisations de la société civile, et à s’abstenir de commettre tout acte de stigmatisation verbale, d’intimidation judiciaire, de criminalisation ou d’abus du droit pénal contre des organisations de la société civile, des défenseur-ses des droits humains et des journalistes dans le pays.