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30 Octobre 2019

Front Line Defenders fait part de ses vives préoccupations face au projet de loi visant à criminaliser les défenseur-ses des droits humains qui aident des migrants au Honduras

Le 15 octobre 2019, un projet de loi a été présenté au Congrès national hondurien exhortant le pouvoir exécutif, par le biais du Consejo Nacional de Defensa y Seguridad (Conseil national de défense et de sécurité), à adopter le projet de loi proposé. Le texte comporte plusieurs clauses mais comprend une disposition criminalisant les personnes qui "promeuvent" la migration. La formulation large de cette clause est une source de grave préoccupation dans le contexte des efforts incessant visant à criminaliser les défenseur-ses des droits humains qui cherchent à fournir une assistance humanitaire ou autre aux migrants. Le projet de loi a été approuvé et une commission législative l'a présenté au Conseil national de défense et de sécurité. S'il est approuvé par le Conseil, cela deviendra probablement une loi.

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Le texte, présenté par le représentant du Parti National, David Chavez, établit, dans le paragraphe cinq, que "les personnes qui mettent en danger la vie et la liberté des personnes en encourageant l'immigration clandestine massive, (...) indépendamment du fait qu'ils ont reçu ou non de l'argent en échange" feront l'objet de poursuites pénales, et cela ouvrira la voie à l'extradition de ces personnes. Cette définition est ouverte à l'interprétation selon laquelle les défenseur-ses des droits humains qui fournissent une assistance inconditionnelle aux migrants, pourraient être considérés comme des trafiquants d'êtres humains pour avoir apporté ce soutien et pour avoir défendu les droits des personnes en transit.

Le texte vise également à renforcer la militarisation dans les rues et à augmenter le nombre de prisons à sécurité maximale. En juillet 2017, le Comité des droits de l'Homme des Nations Unies a mis en garde contre la militarisation des forces de l'ordre et a exhorté le gouvernement hondurien à renforcer la police nationale afin qu'elle intègre les fonctions d'application de la loi des forces armées, et non l'inverse. Les organisations de la société civile de la région ont longtemps documenté comment, dans les pays d'Amérique latine, le déploiement de forces militaires chargées de traiter des affaires civiles entraînait une augmentation des cas de disparition forcée, de torture et d'exécutions extrajudiciaires. La militarisation entraîne une diversification accrue des voies de migration clandestines, les rendant plus dangereuses et plus ouvertes aux exactions.

Le projet vise également à établir une double peine pour les personnes extradées, suggérant qu'une fois qu'elles purgent leur peine dans le pays d'extradition, elles devraient automatiquement être renvoyées pour faire face à leurs procès criminels au Honduras.

Le projet de loi proposé a été présenté dans le contexte de la crise migratoire actuelle en Amérique centrale et en Amérique du Nord, où les défenseur-ses des droits humains sont constamment victimes de diffamation et de criminalisation. Les accusations les plus courantes auxquelles les défenseur-ses des droits humains sont confrontés sont les suivantes : "trafic d'êtres humains" et "contrebande", ainsi que "collaboration avec des groupes criminels". Au Mexique, au Honduras et aux États-Unis, ce discours incendiaire est attisé par des hauts responsables, qui alimentent la stigmatisation et entravent le travail humanitaire, le sauvetage dans le désert, l'éducation aux droits humains et l'organisation communautaire menée par des défenseur-ses des droits humains.

Front Line Defenders a largement documenté les risques auxquels les défenseur-ses des droits humains sont confrontés lorsqu'ils accomplissent leur travail essentiel pour défendre le droit de demander l'asile, conformément à l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Cela inclut les arrestations, les expulsions, les détentions, les procès, la diffamation, les menaces, la surveillance, l'intimidation et les agressions physiques et verbales.

Front Line Defenders est profondément préoccupée par ce projet de loi qui, dans le cas où il deviendrait loi, pourrait être utilisé pour criminaliser le travail des défenseur-ses des droits des migrants. En outre, Front Line Defenders exhorte les autorités à veiller à ce qu'un tel projet de loi soit soumis à un processus de consultation approprié avec divers membres de la société civile avant d'être soumis au vote.

Enfin, Front Line Defenders appelle les autorités du Honduras à s'abstenir de prendre des mesures et de faire des déclarations qui stigmatisent et exposent les défenseur-ses des migrants à un risque accru. Elle exhorte les autorités à prendre les mesures nécessaires pour garantir que les défenseur-ses des droits humains puissent mener à bien leur travail en faveur des droits humains, en toute sécurité et sans restriction.