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8 Mai 2020

Mettez fin aux discours de haine et aux attaques ciblées contre les personnes LGBTI en Turquie

Nous appelons la Turquie à respecter, garantir, protéger et appliquer les droits fondamentaux de la communauté LGBTI sans discrimination, tels qu'ils sont inscrits dans sa Constitution et son article sur l'égalité (article 10), et ratifiés par les organes conventionnels relatifs aux droits humains.

Nous, les organisations de défense des droits humains soussignées, sommes préoccupées par la montée des discours haineux contre la communauté LGBTI prononcés par des représentants d'institutions religieuses et politiques de haut niveau en Turquie, que nous pouvons entendre depuis la semaine dernière. Ces efforts s'inscrivent dans le cadre d'une réaction violente généralisée à l'encontre des droits humains visant diverses minorités. Compte tenu des attaques systématiques et des interdictions que le mouvement LGBTI subit de la part des autorités turques depuis 2017, les déclarations du chef des affaires religieuses, approuvées par le président Erdogan, constituent une nouvelle escalade dans les attaques incessantes menées par les institutions publiques contre la communauté LGBTI, et mettent davantage en danger le travail des défenseur-ses des droits des LGBTI dans le pays. Les attaques contre la communauté LGBTI sont malheureusement caractéristiques des efforts déployés par le gouvernement turc pour saper les droits humains et l'État de droit dans le pays.

Il est particulièrement préoccupant de constater que le gouvernement turc utilise cette période de pandémie mondiale de COVID-19 pour saper les droits fondamentaux des groupes marginalisés dans la société. L'incitation à la haine pourrait exacerber les inégalités existantes et pourrait entraîner une discrimination accrue dans la fourniture des services de santé, l'emploi et d'autres services qui sont vitaux en temps de crise. Cela peut également conduire à des arrestations arbitraires, à des mauvais traitements, à des persécutions et à une surveillance par les forces de l'ordre - qui pourraient estimer que de tels actes sont tolérés, voire encouragés par le gouvernement.

Le gouvernement turc a l'obligation de protéger tout le monde contre les crimes de haine et la discrimination, et ne devrait se joindre à aucune déclaration qui pourrait encourager les crimes de haine et viser un groupe minoritaire, y compris les personnes LGBTI. Le gouvernement turc devrait veiller à ce que tous ses représentants s'abstiennent de faire des déclarations qui stigmatisent les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) et les personnes vivant avec le VIH, car cela les expose à un risque de harcèlement et d'attaques. Les défenseur-ses des droits humains ne devraient pas être pénalisés pour avoir dénoncé des déclarations homophobes de représentants de l'État, et les enquêtes criminelles contre ceux qui dénoncent ces propos, tels que les barreaux d'Ankara et de Diyarbakır, devraient donc être abandonnées immédiatement.

Nous réitérons la déclaration du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de religion ou de conviction, dans laquelle il déclare clairement que les convictions religieuses ne peuvent pas être utilisées pour justifier des violations des droits des LGBTI ni être invoquées comme "justification" légitime de la violence ou de la discrimination contre les personnes LGBTI, et que le droit à la liberté de religion protège les individus et non les religions en tant que telles.

Nous rappelons qu'en tant que membre fondateur des Nations Unies, la Turquie s'est engagée à protéger la dignité inhérente et les droits égaux et inaliénables de tous les membres de la famille humaine.[4] En outre, en tant qu'État membre du Conseil de l'Europe et ayant ratifié la Convention européenne des droits de l'Homme, la Turquie doit respecter le droit européen relatif aux droits humains, qui interdit une application discriminatoire des droits humains.

Nous appelons la Turquie à respecter, garantir, protéger et appliquer les droits fondamentaux de la communauté LGBTI sans discrimination, tels qu'ils sont inscrits dans sa Constitution et son article sur l'égalité (article 10), et ratifiés par les organes conventionnels relatifs aux droits humains. Le gouvernement turc devrait veiller à ce que tous ses représentants s'abstiennent de faire des déclarations qui stigmatisent les personnes LGBTI et les personnes vivant avec le VIH, car cela les expose à un risque de harcèlement et d'attaques.

Contexte

Lors du sermon du vendredi (khutbah) le 24 avril, le président de la Direction des affaires religieuses, Ali Erbaş s'en est pris aux personnes LGBTI et aux personnes vivant avec le VIH. Il a assimilé l'homosexualité à une maladie, déclarant que "des centaines de milliers de personnes par an sont exposées au virus VIH causé par ce grand haram, qui signifie adultère dans la littérature islamique". En outre, le président de la Direction des affaires religieuses a insinué que les lesbiennes et les homosexuels sont à blâmer pour l'épidémie de COVID-19. Ce n'est pas la première fois qu'un discours haineux est prononcé par la Direction des affaires religieuses, mais cette fois, la déclaration a reçu le soutien d'autres dirigeants politiques.

En quelques jours, plusieurs dirigeants ont publiquement soutenu Erbaş. Le porte-parole présidentiel et conseiller en chef, İbrahim Kalın, a déclaré qu'Ali Erbaş "avait exprimé la vérité divine". Le ministre de la Famille, du travail et des services sociaux, Zehra Zümrüt Selçuk, a déclaré que les paroles d'Erbaş "nous rappellent nos valeurs religieuses afin de protéger nos familles et nos générations pendant le Ramadan". Le porte-parole de la Commission d'enquête sur les droits humains, Osman Nuri Gülaçar, a ajouté que "l'avenir de l'humanité n'est possible que par le biais de mariages légitimes" et a fait référence aux lobbies LGBT qui contrôlent le monde universitaire, la politique et les médias dans de nombreux pays du monde.

Le 27 avril, la section d'Ankara de l'Association des droits humains (IHD) a déposé une plainte pénale contre Ali Erbaş afin de "prévenir les crimes de haine, la discrimination et les inégalités de genre". Les barreaux d'Ankara, de Diyarbakir, d'Istanbul et d'Izmir se sont joints à l'appel condamnant le sermon, notant qu'il suscite des inquiétudes car il s'est servi d'une cérémonie de valeurs confessionnelles pour inciter ouvertement à la haine et à la discrimination à l'encontre d'une minorité. Le même jour, le parquet d'Ankara a ouvert une enquête contre le barreau d'Ankara sous prétexte qu'il a "insulté les valeurs religieuses que soutient une partie de la société". Le barreau de Diyarbakir fait également l'objet d'une enquête pour les mêmes raisons. Le lendemain, le président Erdogan a déclaré qu'"une attaque contre notre tête Diyanet (présidence des affaires religieuses) est une attaque contre l'État". De telles attaques contre les droits fondamentaux des personnes LGBTI représentent une grave menace pour le respect des droits fondamentaux en général en Turquie.

ILGA-Europe – the European Region of the International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association

International Federation for Human Rights (FIDH)

Front Line Defenders

IGLYO – The International Lesbian, Gay, Bisexual, Transgender, Queer & Intersex Youth and Student Organisation

Civil Rights Defenders

Human Rights without Frontiers

The Netherlands Helsinki Committee

International Rehabilitation Council for Torture Victims

International Partnership for Human Rights (IPHR)

World Organisation Against Torture (OMCT) - Europe

Amnesty International