Des douzaines de manifestants pacifiques tués et des milliers blessés lors des manifestations qui secouent actuellement le pays
Alors que les manifestations pacifiques se poursuivaient cette semaine dans les villes du centre et du sud de l'Irak, des douzaines de manifestants ont été tués et des milliers d'autres blessés, dont beaucoup de jeunes. En outre, deux défenseur-ses des droits humains qui avaient pris part à des manifestations ont été assassinés chez eux, à Bassorah, devant leur jeune enfant.
Les défenseur-ses des droits humains font partie des leaders des manifestations qui rassemblent une large participation de la jeunesse irakienne ; ils exigent la fin de la corruption et la mise en place d’un Etat institutionnel et d’une citoyenneté authentique qui respecte les libertés publiques de tous les citoyens et leur donne l'espoir de construire un avenir prospère pour eux-mêmes et leurs enfants.
Des sources fiables ont confirmé qu'il y a eu des douzaines de morts et des milliers de blessés parmi les manifestants pacifiques après que les forces de sécurité, y compris la police anti-émeute, ont utilisé la force de manière excessive, notamment en tirant des balles réelles directement sur la foule et non en l'air, et en utilisant des canons à eau et des gaz lacrymogènes contre les manifestants ainsi que des véhicules blindés pour les écraser. Plusieurs rapports ont confirmé que des tireurs d'élite postés sur des bâtiments ont tiré mortellement sur des manifestants.
Dans un incident alarmant lié aux manifestations, le 2 octobre 2019, des hommes armés masqués ont pris d'assaut l'appartement du défenseur des droits humains et caricaturiste Hussein Adel et de sa femme, la défenseuse des droits humains Sara Taleb, dans le quartier d'Al-Jenina situé au centre-ville de Bassorah, et les ont tués sur le coup. Zahra, leur fillette âgée de deux ans, n'a pas été blessée.
Les deux militants étaient rentrés chez eux après avoir participé aux manifestations à Bassorah, où ils ont fourni les premiers soins à des manifestants blessés. Ils avaient déjà participé à des manifestations populaires à Bassorah début 2019, après quoi ils avaient informé la police locale qu'ils avaient reçu plusieurs menaces de la part de groupes armés.
Dans le même temps, des manifestations pacifiques se sont poursuivies dans toutes les villes du centre et du sud de l'Irak, y compris dans la capitale Bagdad. Selon la Haute Commission irakienne des droits humains, le nombre approximatif de victimes parmi les manifestants pacifiques à compter du 5 octobre 2019 est le suivant :
3978 blessés
93 morts
567 personnes arrêtées
dont 355 remises en liberté
Les activistes qui ont observé les manifestations ont indiqué que les chiffres réels étaient bien supérieurs à ceux annoncés par la Haute Commission irakienne des droits humains et que certains des blessés étaient dans un état grave. Ils ont ajouté que la campagne d'arrestations qui a eu lieu et se poursuit toujours est menée sans mandat judiciaire.
Les forces de sécurité ont arrêté des centaines de manifestants pacifiques et de défenseur-ses des droits humains dans plusieurs villes irakiennes sans mandat judiciaire ; certaines des personnes arrêtées auraient été sévèrement battues, tandis que selon des témoins, d'autres auraient été arrêtées à l'intérieur des hôpitaux de Bagdad, malgré des blessures.
Le 4 octobre, huit défenseur-ses des droits humains ont été arrêtés arbitrairement à Bassorah et sans mandat par des forces de sécurité, dont le défenseur des droits humains Hussam Al-Khamisy. Ils ont été détenus pendant six heures et libérés seulement après avoir été forcés à signer un document qu'ils n'ont même pas été autorisés à lire.
Selon des sources locales fiables, le gouvernement a continué à fermer Internet et à empêcher les citoyens d'accéder aux réseaux sociaux, à Facebook, Twitter, WhatsApp, Instagram et à d'autres plateformes. L'accès à l'information dans le pays est extrêmement restreint et il faut beaucoup de temps pour obtenir des informations précises.
Une fois de plus, l'Observatory for Human Rights (IOHR), l'Iraqi Network for Social Media (INSM), le Gulf Centre for Human Rights (GCHR), Front Line Defenders, et le PEN Center in Iraq condamnent avec la plus grande fermeté le recours à une force excessive par les forces de sécurité irakiennes contre les manifestants pacifiques, notamment par l'utilisation de balles réelles, de canons à eau, de gaz lacrymogène et de chars blindés lors des manifestations dans la capitale Bagdad et dans les villes du centre et du sud du pays.
L'IOHR, INSM, GCHR, Front Line Defenders, et le PEN Center in Iraq appellent le gouvernement irakien à :
- Remplir ses obligations internationales en matière de droits humains, en particulier respecter les droits civils et fondamentaux de tous les citoyens irakiens, y compris la protection de leur droit de manifester pacifiquement dans tout le pays ;
- Mener une enquête indépendante, impartiale, approfondie et rapide sur le meurtre ciblé de Hussein Adel et de Sara Taleb, chez eux à Bassorah, en vue de publier les résultats et de traduire les responsables en justice conformément aux normes internationales ;
- Mener une enquête indépendante, impartiale, approfondie et rapide sur les meurtres des personnes qui ont participé aux manifestations de rue, y compris Murtaza Adel, en vue de publier les résultats et de traduire les responsables en justice conformément aux normes internationales ;
- Libérer immédiatement et sans condition tous les manifestants pacifiques qui ont été arrêtés et fournir des soins médicaux à ceux qui en ont besoin ;
- Respecter et protéger le droit de tous les citoyens irakiens d'accéder à des informations sur Internet, ce qui devrait être considéré par les autorités comme l'un des droits les plus fondamentaux ;
- Veiller à ce que tous les défenseur-ses des droits humains en Irak, qui accomplissent leur travail légitime dans le domaine de la défense des droits humains, puissent exercer leurs activités sans restrictions, y compris l'acharnement judiciaire.